Samedi 16 avril 2022

 

Ce matin, à Saint-Jean En Rians, a eu lieu, devant sa famille, ses amis et admirateurs, un hommage à Jean Rosset, sculpteur, et peintre, qui nous a quittés à l'automne. 

Voici ci-dessous le texte que j'ai lu pour lui, et dont j'espère qu'il lui aura fait plaisir dans les forêts célestes qu'il hante aujourd'hui.

          Lorsque les films d'horreur présentent à grands jets d'hémoglobine, les blessures dont sont capables une hache ou une tronçonneuse, le spectateur n'imagine pas que ces mêmes outils peuvent, dans des mains expertes, se faire caresse pour lisser le bois, fouir curieusement ses entrailles pour y trouver la forme évocatrice d'une bouche, de grands yeux étonnés… ; intailler ses nœuds et ses courbes pour former de nouveaux rythmes au gré de l'imaginaire de l'artiste. C'est ainsi que Jean Rosset concevait son travail créateur d'étranges totems de châtaigniers, chênes ou sycomores… "rencontrés" au cours de ses longues promenades sylvestres.

          Volumineuses, ses sculptures étaient la plupart du temps bifaces. Et, un peu lassé peut-être, de s'"arrêter" à d'imprécis golems, il tentait d'arracher son chant au bois, en y découpant des lames ; les affinait jusqu'à leur faire rendre la musique qu'il souhaitait entendre !

      Lorsqu'il parcourait ses bois, un authentique dialogue s'instaurait entre lui et les arbres. En une seconde, telle rugosité, telle courbe… l'arrêtait, avec la certitude immédiate que cette essence-là était celle de cette sculpture-là qui, simultanément, avait jailli dans son esprit ! Ce dialogue in situ se poursuivait dans l'atelier. Jean Rosset cognait, tranchait, limait, explorait les blessures naturelles, s'intéressait à l'infini aux possibles expressions… jusqu'au moment où son corps et son esprit, disciplinés par tant d'années d'affrontement complice avec le bois, savaient qu'il fallait s'arrêter.

 

          L'œuvre terminée résidait désormais dans l'atelier. Parfois, peut-être, Jean Rosset la couvrait de peinture pour la personnaliser, éviter à son œil trop de monotonie. Puis il laissait ses créations en repos et partait vers d'autres lieux, glacés ceux-là, (Laponie, Sibérie, Alpes hivernales, etc.). Là, il recommençait à découper, tronçonner de nouveaux personnages : leurs mille facettes nivéales, brutes, renvoyaient aux quatre vents et soleils de la planète, son bonheur de se colleter aux éléments (hostiles pourtant), sans jamais les avilir ou les défigurer. Car la relation, durable ou éphémère, de l'artiste avec l'environnement, se faisait toujours dans le plus grand respect du milieu investi, forêt ou banquise !

          Cette affirmation est si vraie qu'invité dans des lieux hors-normes, Jean Rosset savait en un clin d'œil les conquérir. Citons par exemple, son exposition à l'Ermitage du Mont Cindre, près de Lyon, où le visiteur ne parvenait qu'au bout d'un long périple tortueux et imprécis !  Jean Rosset lui avait déjà réservé double plaisir, double surprise : Après avoir longé les énormes sculptures de l'artiste, alignées sur le pré, ce visiteur parvenait à ses peintures jusque-là rarement montrées ; il progressait alors jusqu'au jardin bordé –grande curiosité- par les constructions de rocaille d'Emile Damidot, dit Frère François qui était arrivé à l'Ermitage le 1er avril 1878.

           Jean Rosset, qui était sculpteur sur tout ce qui cherchait à lui résister et peintre presque secret, considérait ses oeuvres, proches de l’Art brut, comme une nécessité aussi vitale que la passion de frère François pour la rocaille. Chacune de ses sculptures était née d’un lent consensus allant du choix de l’arbre à la manipulation de ses tronçonneuses. Chacune de ses peintures exprimait son moi intime. Il ne faut donc pas s'étonner que ses têtes énormes ou ses toiles dispersées parmi la verdure, ne présentaient aucun hiatus avec les rocailles du moine ! Tout se passait comme si elles avaient toujours cohabité !

        Et chacun repartait encore plus convaincu que Jean Rosset avait été un écologiste longtemps avant que ce mot ne fût galvaudé ; un artiste de talent dont, aujourd'hui encore, l'œuvre continue d'enrichir l'équilibre naturel de la terre. 

          Jean Rosset, un grand parmi les grands! 

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : ROSSET JEAN : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "JEAN ROSSET, SCULPTEUR A LA TRONCONNEUSE" : CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 56 DE DECEMBRE 1995 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA..Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995. 

Et aussi : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique RETOUR(S) SUR UN DEMI-SIECLE D'ECRITURE(S).

Et aussi : RETOUR(S) SUR UN DEMI-SIECLE D'ECRITURE(S). Et : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "JEAN ROSSET AU MONT CINDRE" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ rubrique FESTIVALS BHN 2017.

Et TEXTE/HOMMAGE DE JEANINE RIVAIS : "JEAN ROSSET UN GRAND PARMI LES GRANDS" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ DROME ET ISERE BIENNALE DES ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS 2022. Rubrique FESTIVALS.