Il y avait près de trente ans que je la connaissais, que je retrouvais ses créations ici ou là, que je la rencontrais lors d'expositions ou de réunions : naguère celles de Figuration Critique, et depuis quelques années, celles de la Critique parisienne.
D'elle, ses enfants disent : "Chris était une femme libre et engagée. Elle a su partager avec tous ceux qui ont croisé son chemin sa fantaisie espiègle, sa singularité rêveuse, sa joie de vivre et de créer, mais surtout son goût du voyage et de la découverte".
Engagée, elle l'a été en effet aux côtés de son époux. Tous deux se sont penchés longtemps sur la souffrance humaine. Mais parallèlement, ils étaient de véritables globe-trotters, sillonnant la Méditerranée sur leur bateau, voyageant de par le monde…
Restée seule à la mort de son mari, elle m'avait confié, au cours d'une interview que nous avions réalisée : "Je rêve d’un immense atelier, rempli de toutes sortes d’objets, de couleurs, de formes. Là, peut-être, je n’aurais plus besoin de fiction… c’est mon rêve ; c’est mon chemin et j’ai toujours voulu qu’il ne ressemble à aucun autre… Je ne me reconnais plus dans mon siècle. Je me vois plutôt dans le futur… et dans de nouvelles façons de m’exprimer : toujours changer, toujours inventer, toujours essayer de faire ce que je n’ai jamais vu".
S'exprimer, elle l'a fait tout au long de sa vie, envoyant de belles enveloppes de mail-Art, décorées aux quatre coins de la terre. Mais surtout, elle peignait : des œuvres très variées, aux couleurs vives, sur lesquelles j'avais écrit, en 1994 : "Ni temps. Ni profondeur de champ déterminant un lieu. Ni action. Des protagonistes d'un paradis terrestre, venus à la porte d’Eden contempler le visiteur, l’air de s’interroger sur la provenance de l’intrus ? […] Un étrange bestiaire, en fait, où "humains" et "animaux" cohabitent en totale harmonie ; marqué par tous les mythes qui ont enchanté l’enfance de Chris ; tous les folklores qui ont éclairé ses voyages ; tous les extra-terrestres qui ont alimenté ses rêves. Venu par ailleurs de très loin dans son inconscient, car pour parvenir à cette création sereine, elle a dû vaincre bien des terreurs ! […]"
Elle m'a téléphoné quelques jours avant sa mort, pour m'annoncer : "Tu sais, Jeanine, je vais mourir dans quelques semaines" ! Et sa préoccupation était de contacter les lieux où elle avait exposé pour s'assurer qu'ils veilleraient à protéger les œuvres qu'elle avait créées récemment ?
Au revoir, Chris. Toi, la femme conviviale et l'artiste, tu manqueras à tous tes amis.
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : BESSER CHRIS : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "VITAE SPLENDOR" : IDEART N° 38 DE JUIN/AOUT 1994. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ RETOUR SUR UN QUART DE SIECLE D'ECRITURE