JACQUES GRINBERG ET LA NOUVELLE FIGURATION

(1941-2011)

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1962 : Arrive en France, via Israël où il a suivi pendant quatre ans les cours des Beaux-arts, un jeune Bulgare de 21 ans, désireux de s'éloigner de sa culture pour se confronter à un art international.

            A la même époque, naissent de nouvelles idées, de nouvelles propositions de figurations, chez des artistes qui tentent d'échapper à l'emprise des courants étouffants de l'après-guerre. Picasso, notamment lance l'idée d'une Nouvelle Figuration. Sous ce label, dont il devient par conséquent l’un des pionniers, Jacques Grinberg réalise à Gand, en 1963, une importante exposition. D'autres suivront, à Bruxelles, à Paris notamment aux galeries André Schoeller et Cérès Franco, etc. jalonnant depuis lors près de quarante ans de réflexion, de travail, de talent mis au service de cette expression picturale.

Y sont proposées chaque fois des oeuvres jetées sur la toile ou le papier, comme des "visions" qui, une fraction de seconde, éblouiraient l'imagination du peintre ; des oeuvres dont le thème (Tchador, Corridor d'hôpital Mélancolie) permet à l'artiste d'affirmer son ouverture permanente sur le monde, de s'y impliquer, bref d'être témoin de son temps. En même temps, le poète caché sous le peintre, recrée des mythes (L'Oiseau de feu), des légendes..., rendant ainsi son oeuvre intemporelle. Parfois, le côté ludique l'emporte, comme dans L'oiseau où l'artiste s'est attaché à exploiter les erreurs du "technicien" ; ou encore dans Le diable des peintres, présentant deux pinceaux, l'un noir l'autre blanc, dressés de part et d'autre d'une machine à sous...

Cette longue et multiple recherche accompagne la précision du geste, la faculté immédiate qu'a le dessinateur Jacques Grinberg, de donner à une courbe telle inclinaison signifiante, à un trait telle épaisseur ; faire d'emblée surgir le personnage ou l'objet qui vont naître sur la toile…

Dans le sillage du dessinateur, apparaît le coloriste ; car Jacques Grinberg a l'art de faire se côtoyer des couleurs violentes sans qu'elles se heurtent ; renforcer le trait sans l'alourdir; faire vibrer ses personnages grâce à une brosse surchargée (La tasse de café) ; traduire au contraire l'angoisse ou La cécité... par la matité des couleurs. Mais surtout, il sait garder à l'oeuvre un côté non-fini, non-apprêté, ne pas la lasser, ne pas la violenter, la laisser en devenir... A cet effet, le "fond" est traité comme le "sujet" : en aucun cas, il ne doit provoquer une dissonance qui, relevant de l'esthétique, ferait perdre à l'artiste le sens de sa démarche picturale.

Les toiles côte à côte attestent de cette démarche longuement réfléchie : Jacques Grinberg produit un travail résolument figuratif, sans se refuser l'apport de la tache, de la ligne issues jadis de l'abstraction ; pose un regard critique sur chaque phase de sa création ; est parvenu à mettre à l'unisson ses aspirations et ses tableaux ; à engendrer dans une veine très personnelle, une oeuvre riche, belle et violente, mais par-dessus tout élégante.

                                                                                                 Jeanine Rivais.

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 40 DE DECEMBRE 1994/JANVIER 1995 DE LA REVUE IDEART.