SPULK, sculpteur

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          Infinies sont les obsessions, surtout chez les artistes. Innombrables sont celles qui concernent le noir. Celle de Spulk est on ne peut plus évidente, dont les personnages sont noirs, tout noirs, noirs de la tête aux pieds ! Dans des décors noirs, noirs sans respiration ! 

         Sinistres, lugubres, morbides… dira le spectateur arrêté devant ? Eh bien non, les œuvres de cet artiste, humaines, conçues grandeur nature, n'ont rien de sinistre, de lugubre ou de morbide ! Elles appartiennent non pas à un monde sombre, mais à un monde où il n'y a pas de couleurs ! En tout cas, où il y a moins de couleurs que dans les mondes qui nous entourent. Car, sur ses créations monochromes, élaborées à partir d'éléments récupérés (poupées démembrées, squelettes, outils ronds ou plats, chaînettes…), il fait jouer la lumière et les jeux de translucidité sur une sorte de "peau" qui sert à la fois de corps, de vêtements et de décor parfois. De là, un sentiment où se mêlent sobriété et extravagance, baroque et simplicité.

          Mais comment sont donc conçues les œuvres de Spulk ? Quelle que soit la nature du support dont il se sert pour donner corps à ses personnages, il est solide (plâtre, peut-être ? Ou résine ? Voire fil de fer ? Mais dans ce dernier cas, ses individus n'auraient pas cette certitude, cette assurance dans la posture qui les caractérise ! Car "il" est là, bien planté sur ses pieds bottés, jouant de l'épée qu'il tient à la main gauche ; et "elle" est assise sur une chaise, en train d'accoucher, à en juger par le cordon ombilical (noir !) partant de son entrejambe et parvenant à un "bébé" couleur chair (quelle surprise !) qu'elle tient couché sur ses deux mains.

D'autres fois, Spulk joue sur le principe de l'apparition au sein de cette "matière" récurrente dont toutes ses œuvres sont couvertes : Apparaît alors au milieu du tableau, un visage enfantin, souriant et aux yeux bleus. Ou bien, rappel peut-être que ces "humains" sont mortels, ce sont des crânes qui jaillissent d'un embrouillamini de branchages.

          Quelle peut donc être cette "matière" noire qui sert d'"apparence" à toutes  les œuvres de Spulk ? Apparemment, il peut s'agir de branchages, comme évoqués ci-dessus, d'ossements peut-être ? Mais la plupart des compositions sont formées de lanières (plastifiées ?) qui se succèdent en fioritures noires; s’écrasent en à-plats ; fusent en lignes ténues ; jaillissent en géographies serpentines ; ou s’agglutinent en nœuds inextricables. D'où le contraste avec les cache-sexes en triangles et cache-seins circulaires, unis ; ou manchettes brodées ; ou encore épaulettes et genouillères moulant les jointures anatomiques du personnage. Sans parler des bottes ou des souliers montants (des vrais assurément !), et des fanfreluches aux jambes de la femme ! 

Ainsi, la création de Spulk s’accroche-t-elle de façon obsessionnelle au corps humain.  Elle propose un travail de recherche, de matière, peut-être pas d’audaces mais de délires. Ce faisant, que veut-il exprimer ? S'agit-il d'une  démarche vers le leurre des apparences. Que pourrait imager cette maxime : "L'habit ne fait pas le moine". Car ce n'est pas l'apparence qui détermine ce qu'il y a à l'intérieur. Ses sculptures sont sombres. Comme évoqué tout à l'heure, elles peuvent inspirer un vocabulaire négatif, mais peut-être qu'à l'intérieur on peut trouver quelque chose de différent de ce qu'elles montrent ? Qu'en pense Spulk, lui dont le nom (un pseudonyme ? ) correspond tout à fait aux onomatopées fréquentes dans les bandes dessinées, lorsque le personnage est brutalement surpris  ?

Jeanine Rivais

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.