LES PORTRAITS DE MIREILLE BAY, peintre

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          Les portraits de Mireille Bay sont-ils autant d'autoportraits témoignant qu'elle est perpétuellement à la recherche d'elle-même ? Et, dans ce cas, une telle récurrence ne témoigne-t-elle pas qu'il s'agit pour elle, chaque jour peut-être, de se confronter à ses choix, ses sentiments, ses volontés, ses déterminations, ses interrogations… ? Cependant, il est évident qu'elle a voulu prendre de la distance, parce que tous ses portraits sont stylisés ; à aucun moment, ils ne sont réalistes. 

Une évidence est là, en tout cas, c'est que presque tous sont féminins. Les rarissimes fois où l'un d'eux est en pied, il est masculin, à en juger par le phallus qui pend entre ses jambes écartées ! Et il s'agit alors d'une vraie leçon d'anatomie, partant de la tête à la bouche ouverte, aux cheveux aplatis en cercle, sans fioritures ; montrant la colonne vertébrale, les petits seins ; débouchant sur une surprenante poche qui pourrait être les organes génitaux. Étonnamment traitée dans des tons de gris, neutres donc, surlignée de blanc. Autour du personnage gravitent têtes de clowns, visages en lévitation, figures géométriques…, comme s'il n'était pas capable de remplir l'espace et qu'il fallait à l'artiste trouver des additifs fallacieux ! 

Quant à la majorité, elle est donc féminine. Et pris en "bustes", du visage de trois-quarts gauche, jusqu'à la taille, chaque portrait emplit largement l'espace. Ce qui frappe, au premier abord, c'est la couleur. Mireille Bay ménage des passages de blancs, des entrecroisements de noirs qui semblent concentrer la dominante, différente pour chaque œuvre. Car, même si celle-ci est "rouge", elle peut aller d'un rouge/rose/saumon aux traits légers, à un rouge orangé, un rouge rosé, voire uniquement tracé, cernant un bleu inattendu ! 

Vient ensuite la matière avec laquelle sont composés les portraits : tantôt minces couches ; tantôt magma  pour lequel elle pose, superpose, appose longuement à grandes traînées du pinceau surchargé ou au contraire presque sec, épaisseurs sur épaisseurs de peinture ; telle couleur faisant vibrer les autres. L’artiste en vient, à force de superpositions irrégulières à une véritable gangue lourde et chaleureuse, avec laquelle elle va faire naître son personnage. 

          Aucun élément de décor, ou alors des sarabandes incertaines. Aucune rupture. Il semble que la main vienne d’elle-même vers le centre de la toile ; fouisse ces non-formes préalables ; compose à petites touches une silhouette : bouche gourmande, toujours bien dessinée. Yeux grands-ouverts sur le monde et lourds sourcils arqués, car, comme le déclare l'écrivain et artiste Gordon C. Aymar : "les yeux sont le lieu on l'on cherche l'information la plus complète, fiable et pertinente" sur le sujet. Et les sourcils peuvent signifier, "presque à eux seuls, l'émerveillement, la pitié, la peur, la douleur, le cynisme, la concentration, la nostalgie, le mécontentement et l'attente, en infinies variations et combinaisons". Nez variant du petit appendice mignonnement retroussé à une simple ligne évocatrice, voire une lourde croix barrant le front. Chevelure abondante, toujours sophistiquée. Menton volontaire. Epaules larges au-dessus de seins volumineux. 

          De ces divers portraits, le visiteur pourrait conclure que Mireille Bay "est" heureuse, optimiste. N'était que, parfois, elle se peint en gris, avec un visage brouillé, des seins de guingois, l'anatomie interne bien évidente, comme si, ce jour-là, tout allait de travers, comme si, soudain, le quotidien était sombre ; comme si, en toute chose, en tout événement, prédominait la grisaille ! 

 

          Et c'est ainsi que, de ses visages multiples et toujours le même, à ses ébauches d'individus ; de ses enfermements parfois, à ses présences jetées comme des escales, Mireille Bay choisit son "dit" au gré d'évolutions, de rythmes qui lui conviennent, d'enchaînements profus qui la font rêver. Subséquemment, conscient de cette marche de la créatrice vers elle-même, comment le spectateur ne percevrait-il pas, sous la lourde dentelle des entrelacs picturaux, sous la douceur et l'harmonie des couleurs qui les conjuguent, le questionnement personnel incessant, de cette artiste ?

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.