DU REALISME A LA TRUCULENCE, LES ŒUVRES DE DANIELE BONNY, sculptrice

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"Truculent", dit le dictionnaire : "haut en couleur, pittoresque, ou comique par ses excès, son apparence".

N'est-ce pas la définition même des œuvres de Danièle Bonny ? Cette artiste, en effet, réalise des sculptures de terre qui pourraient avoir fait un petit tour chez Rabelais, chez Villon et tant d'autres qui, comme elle, proposent des personnages truculents, hideux et pince-sans-rire. Dans lesquelles chacun est confronté à ce que l'imaginaire peut présenter de paradoxal, de provocant et de poétique. Des œuvres réalistes qui interrogent, bousculent et souvent en appellent au burlesque de l'existence. Des “humains”, toujours. Modelés, burinés, jamais fignolés ni enjolivés, pour qu’apparaisse le travail du temps sur la peau desséchée ; que ressortent les éléments du corps qu'elle souhaite mettre en évidence. 

Ainsi, brisant tous les tabous, l'un des pôles essentiels de cette création est-il l’érotisme, nombre de personnages masculins exhibant leur sexe, se caressant dans les postures les plus scabreuses, dans une obscénité naturelle qui laisse pantois le moins prude des spectateurs ; un réalisme cru illustrant des fantasmes sans douceur. Quant aux femmes, aussi laides soient-elles, sirène aux pendeloques bouchonnées d'une coupe afro, ou hétaïre à bonnet pointu… elles exhibent leurs seins volumineux ; même cette vieille ribaude au visage masculin, ratatinée telle une momie !

Œuvre fascinante en même temps, du fait qu'elle se situe à l’écart de toutes les modes, intemporelle malgré sa connotation archaïque, les rares personnages habillés arborant des habits de naguère, tels ce paysan (?) qui a enfilé ses braies, sa tunique, sa cape de laine et son couvre-chef bicorne auquel ne manquent que les grelots pour qu'il soit Polichinelle ! Ou la funambule en tutu, coiffée de semblable bonnet !... 

Et tous ces gens-là sont laids ! Non que leurs corps soient difformes. Au contraire, ils sont minces !  Mais leurs têtes ! Larges ! Taillées à coups de serpe ! D’épais sourcils et des yeux mi-clos sur leurs jouissances ! De gros nez épatés et des oreilles décollées… Et qui voudrait embrasser ces bouches lippues, tordues, souvent brèche-dents  ! 

Alors, peut-être est-ce la raison pour laquelle les personnages de Danièle Bonny ne s’aiment pas les uns les autres, sont de simples individus préoccupés d’eux-mêmes ; en tout cas, toujours seuls !  Ou bien, inversement, est-ce elle qui ne supporte pas le « monde réel », et se sert-elle d’eux pour le dénoncer ? Et la laideur de ces petits êtres est-elle le reflet du monde actuel, avec ses populations déshumanisées ? Dans ce cas, au lieu d’être face à de simples individus, sommes-nous en présence d’une volonté de l’artiste de témoigner ? D’une œuvre sociologique, en somme ? 

Une œuvre, en tout cas, violente, provocatrice, d’une  totale originalité, forte et spontanée ! Une artiste authentique ;  poursuivant son chemin hors du temps !

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.