LES MORTS-VIVANTS OU LES VIVANTS-MORTS D'INSOLO, peintre et sculpteur

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"Tel je fus comme tu es, et tel que je suis tu seras / Richesse, honneur et pouvoir sont dépourvus de valeur au moment de votre trépas". "Dit des trois vifs et des trois morts" XIIIe siècle.

 

          La coutume veut qu’Art populaire (car telle peut être qualifiée l'œuvre d'Insolo), soit synonyme de créations-témoignages de vie, avec une connotation différente, selon les ethnies et les régions. Pourtant, il semble bien que l’art populaire le plus ancien -puisqu’il remonte à la plus lointaine Préhistoire-, se rapporte à la mort : les  rites funéraires se retrouvent en effet dans toutes les civilisations. A la fois différent, mais d’intentions similaires, leur but est d’une part de remplir un devoir de mémoire ; d’autre part de maintenir un lien entre les vivants et l’au-delà. C'est pourquoi nombre de créateurs ont tenté de percer le mystère de la mort en représentant des personnages squelettiques, en mouvement ?! Il s'agit pour eux d'une valse-hésitation entre la personnification de la Mort, et la représentation funéraire de cadavres et de squelettes. 

 

          Les demi-squelettes d'Insolo sont-ils vivants ? Sont-ils morts ? De leur sens premier, les personnages qu'il représente, tous à l'état partiel ou total de squelettes, ont-ils été arrachés à leur contexte cultuel –culturel- ? Ses "personnages/reliques" dépassent, à l'évidence, le simple cadre religieux : Ils deviennent témoignages anthropologique, ethnologique voire archéologique de civilisations qui, depuis des siècles, ont gravité autour d’eux. Dans ces conditions, présentés sous l'aspect de peintures et de sculptures, devraient-ils être considérés comme religieux ? Sont-ils totalement profanes ? Il est évident que pour chaque visiteur, la conclusion sera subjective et que son “regard” sur ces oeuvres dépendra de cette subjectivité.

 

          Il semblerait impossible de trancher, n'était qu'apparemment, Insolo se soucie comme d'une guigne, de savoir s'ils sont profanes ou religieux. Que pour lui, ils sont tout autre chose. Que son "dit" est avant tout d'humour noir, TRES noir ! Et qu'il ne fait pas dans la dentelle, lorsqu'il peint sous une coiffe de nonnette, un crâne totalement dépourvu de toute chair, en train de s'allumer une cigarette ; que son corps dont le spectateur ne voit que quelques petites parties semble plein de vie ; et qu'une cuisse très sexy s'impose au premier plan ; tandis qu'autour d'elle (car à l'évidence il s'agit d'une femme) lévitent vers et autres vibrions ! Même remarque érotico-funéraire pour cette femme –là, elle apparaît d'emblée comme telle- vêtue d'une robe du soir ; à la tête/crâne sur un cou et un corps sur lesquels est dessinée en fins traits noirs la totalité du squelette ; et qu'un individu incertain et un chien peut-être, couvrent sa robe noire. 

          Différente est la démarche d'Insolo, lorsqu'il montre ce qui semble être des photographies : L'une l'intérieur d'un corps, avec tous les organes, le sexe évident prouvant que cette fois, il s'agit bien d'un homme ! Description pour laquelle l'artiste a légendé "Il a du cœur" ! Homme encore, mais proposé telle une radiographie, le soldat, allemand apparemment d'après la forme du casque (mais sa nationalité a-t-elle de l'importance ?), vu que seul le visage est squelette, et que le spectateur peut compter sur sa cartouchière, le nombre de munitions qui lui restent ? 

          Et puis, autre avatar : peint de couleurs vives, un visage dessiné, avec nombre de traits en tous sens. Mais, surprenant, le cadre est couvert de texte, au long duquel on peut lire, entre autres "Il met sa main dans son crâne" ! Tandis qu'à côté, bien vivant, mais squelette apparent, grimace un  être cornu, tout à fait inattendu au milieu des squelettes indéniablement humains ! 

          Autre démarche enfin, lorsqu'Insolo devient sculpteur, et présente un squelette rigolard, dûment appareillé sur métal ! Et qu'un petit animal (un lapin ? ) gît à ses "pieds" ! 

 

          Alors, cette confrontation de l'artiste avec la mort : Sérénité ? Humilité ? Arrogance ? Quelle que soit la réponse, ces squelettes  lui renvoient  l’image de ce qu'il adviendra de lui dans le meilleur des cas ! Heureusement, pour le spectateur, après ce périple contraignant, s’impose la certitude qu’il est le vainqueur ;  que, malgré  cette omniprésence de la mort à laquelle il vient d’être confronté, et du caractère inéluctable de son propre destin, pour lui triomphe la vie !

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.