FANTASMES OU TRAUMATISMES DE LEO, peintre 

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          Sont-ils laids, les personnages de Léo ! Et tellement atrophiés, avec leurs têtes énormes, leurs mentons en galoche, leurs bouches édentées, leurs yeux exorbités, leur système pileux inexistant ! Et puis, leurs corps –quand ils en ont un !-  réduits parfois à un os vertical ; déformés par leurs bosses dorsales ou ventrales ! Seules, leurs jambes, peut-être, trouvent grâce aux yeux de l'artiste, car leurs bras sont démesurés, terminés par des mains qui sont de véritables battoirs !  A vouloir décrire ces êtres qui se veulent humains, il semble que toutes les expressions populaires puissent être empruntées ! 

          Pourquoi ces individus –ou fractions d'individus- ont-ils des têtes aussi hypertrophiées ? A en juger par le fait qu'elles sont tellement pleines, le spectateur pourrait conclure que, indépendamment de possibles corps,  s'y passe tout ce qui concerne leur vie ? Tantôt, au milieu de circonvolutions rapiécées se bousculent têtes chevelues et moustachues (fantasme peut-être de ces "gens" complètement chauves imaginés par Léo ?!), autres têtes aux crânes dénudés et aux yeux vides ; bustes encapuchonnés, têtes d'oiseau au bec pointu, main perçant la boîte crânienne : pour saluer ? Appeler ?... Le plus bizarre est que ce corps qui au premier abord avait pu passer pour un os, est en fait un corps/corselet appuyé sur deux bras, duquel et entre lesquels sort un nain à tête énorme, sans corps et sans bras, appuyé à son tour sur deux minuscules jambes !! S'agit-il d'un autre fantasme de cette invraisemblable tête, qui serait "en train" d'accoucher ? 

          Ailleurs, une tête qui "se promène" au milieu de nulle part, ressemble à un morceau de gruyère abondamment troué. Trous entre lesquels des entrelacs de vaisseaux sanguins ? Des routes tortueuses ? Des labyrinthes ?... n'aboutissent logiquement… nulle part ! 

          Ailleurs encore, au milieu de ce qui pourrait –subjectivement- passer pour une plage sous un ciel d'orage,  une personne pourrait, elle, passer pour une femme, vu la longueur de ses seins pendouillant, et l'ampleur de son ventre de femme enceinte ; n'était qu'elle est bel et bien en train de coïter en levrette, avec un barbu chauve ! 

Et puis, faut-il considérer comme un essai de vie sociale, le tableau où plusieurs personnages se retrouvent dans des postures gymniques ? Ou bien comme la récapitulation de tous les maux dont Léo affuble ses créatures ? L'un, évoluant sur une roue, se retrouve sans tête, portant d'une main, tel Jésus, une croix, tandis que de l'autre, il brandit une corbeille dans laquelle se trouve un bébé ! Un autre, à la tête/soleil –creuse- s'agrippe à une chaîne terminée par un boulet ; que semble lui disputer un troisième sur les fesses duquel un borgne est en équilibre ; et plus loin, un bossu est en train de gaver une oie plumée… 

Bref, impossible de jamais définir assurément aucune des intentions de Léo ! Et c'est un drôle d'humour plus noir que noir, qu'il propose au visiteur !  Lequel s’interroge sur les motivations qui poussent un artiste dont la définition pourrait être chaos primal, folie créatrice, à dispenser son incontestable talent en une réalisation à la fois réaliste et onirique ? Une question demeure : Y a-t-il concordance absolue entre ce que pense l'artiste et ce qu’il peint puisqu'il a établi une parfaite harmonie dans les dissonances. En somme, est-il parvenu avec cette vision infernale et traumatisée (sante) qu’il pose sur la toile ou le papier, à trouver son propre paradis ? 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.