HOMMES ET/OU BETES, LE MONDE THERIANTHROPIQUE DE

CHRISTOPHE FORGET,

estampeur

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          "La thérianthropie ou zooanthropie est la transformation d'un être humain en animal, de façon complète ou partielle, aussi bien que la transformation inverse dans le cadre mythologique et spirituel concerné" (¹). Mythe humain remontant à la plus lointaine antiquité. 

          Au fil du temps et des civilisations, que de drames, que d'émotions autour de ces êtres fabuleux et aberrants ! Pour ne prendre que deux exemples relevant de notre temps, qui n'a frémi au vu du terrible Hulk ; ou au contraire fantasmé en visionnant "La Belle et la Bête", le magnifique film de Jean Cocteau ? Et depuis, combien de films actuels traitent de ce drame, en ajoutant d'ailleurs, beaucoup d'effets spéciaux et d'hémoglobine ? 

          Rien de tel, pourtant, dans les monotypes de Christophe Forget. La cohabitation de ses personnages, tantôt humains, tantôt animaux, semble tout à fait pacifique ! De sorte qu'il est logique de penser qu'il ne s'agit pas pour lui de cauchemars, mais plutôt de rêves, ou de contes dans lesquels il libérerait ses voix intérieures ; une façon peut-être de se délivrer du milieu environnant qui ne lui conviendrait pas, pour s'"en aller" dans un autre bien à lui, qui le ramènerait au temps magique où hommes et bêtes se parlaient, où ces êtres mystérieusement hybridés étaient en parfaite empathie avec ses semblables ? 

        Le problème, dans les oeuvres de cet artiste est que, dans la dualité qui est en jeu, il semble bien que toujours l'homme naisse de la bête, et non l'inverse ? Chaque tableau montrant ce phénomène d'apparition / disparition, ici une tête janiforme couronnée chevauche une sorte de félin allongé, tandis que deux têtes émergent de son flanc et que d'autres, en lévitation, volètent autour de lui. Là, sous la protection (?) ou la menace (?) d'une gigantesque tête humaine cornue, un animal indéterminé brandit son poing énorme face à des têtes/chrysalides. Ailleurs, un humain à corps éléphantesque est confronté à un félin moustachu. Ailleurs encore, deux humains (ou trois ? Ou cinq ? Plus ! Impossible de les dénombrer, la peau de ce dernier animal étant couverte de visages, etc.) galopent sur une sorte de cheval/tapir… 

          Il faudrait continuer longtemps encore, parler aussi des couleurs, dans l'œuvre de cet artiste : Plutôt couleurs d'ombre, riches dans leur diversité, bien que leur nombre soit des plus limité. Avec des associations parfois inattendues, des superpositions créant des tonalités glauques ou vert céladon, sur lesquelles prédomineraient des orange foncés. Virant à des bruns verdâtres volontairement "salis" (sans que ce mot ait le moindre sens péjoratif). Et quelques touches de bleu, de blanc et même de jaune disposées là sans doute pour compenser l'absence de lumière ? 

          Quelle est donc l'anatomie de ces étranges allochtones ? Impossible de le préciser car tous les "corps" sont couverts d'écailles ou caparaçonnés dans un mimétisme avec l'animal. Et seules leurs têtes émergent de leurs cottes de mailles. Simplement, leurs visages suggèrent qu'ils sont tous masculins.

          Dans quel monde cohabitent-ils ? Impossible de répondre, les fonds ne proposant que des espaces vides coupés de quelques colonnes dans lesquelles sont en gestation (?) des têtes et encore des têtes. Ailleurs, certaines semblent enfouies dans des niches semblables à celles des catacombes de Palerme. Parfois, le vide est brisé par un coffre énorme (un sarcophage ? ). Il semble donc bien que les êtres conçus par Christophe Forget ne soient d'aucun monde connu !? 

Alors, dans quel temps vivent-ils ? Rien, non plus, ne permet d'être affirmatif, n'était que les armures, les collerettes au cou des animaux leur confèrent un petit air moyenâgeux ! 

 

Il semble bien, finalement, qu'aucune connotation ne permette de situer géographiquement, historiquement, socialement ces êtres. Il faut donc en conclure qu'ils sont de tous temps et de tous lieux. Ce qui fait de leur auteur, dans son univers fantasmagorique,  un voyageur en quête perpétuelle de ses racines ! 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.

(¹) Wikipédia.