PASCALE DIDIER, céramiste

ENTRETIEN AVEC JEANINE SMOLEC-RIVAIS

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Jeanine Smolec-Rivais : Pascale Didier, vous êtes céramiste presque exclusivement animalière ?

Pascale Didier : Oui, totalement animalière. J'ai fait un essai de totem en binôme avec une amie, mais c'était la première fois que je me lançais dans autre chose !

 

J.S-R. : Qu'est-ce qui vous a amenée à choisir les animaux, plutôt que les humains, par exemple ?

P.D. : C'est une intimité ; et le fait que cela me paraissait plus facile à faire.

 

J.S-R. : Je vois bien quelques chevaux, quelques chats, mais je vois surtout beaucoup de volatiles ! Et ce qui est remarquable, c'est que ces "étrangers" sont tout raides, alors que vos volatiles sont très mobiles, saisis dans des actions ! Je vois une poule qui promène son poussin sur son dos ; une autre en train de caresser le sien… Pourquoi seules vos volailles ont-elles le droit de bouger ?

P.D. : Ca, c'est un mystère ! Si seulement je le savais ! J'ai fait des essais avec des tortues…

 

J.S-R. : Oui, mais immédiatement, le spectateur pense au symbole de la tortue portant le monde ! Tandis qu'une poule qui porte ses poussins, n'est pas évident !

P.D. : Oui, mais c'est l'illustration de l'expression "Maman poule"…

J.S-R. : Elles sont en effet, très maternelles !

P.D. : Oui, j'ai d'abord pensé à la mère au milieu de ses poussins qui partent en tous sens. Et puis, il y a eu le problème de la grippe aviaire qui nous obligeait de rentrer les poules ! Alors je me suis dit qu'il fallait qu'elles se musclent ! Et elles ont commencé à faire du sport… C'est parti ainsi !

 

J.S-R. : Vous avez, en somme, créé une sorte de mythologie aviaire où l'humour joue un grand rôle !

P.D. : Oui !

 

J.S-R. : Vos poules sont toutes blanches. Vos coqs aussi, d'ailleurs ! Il s'agit de quelle espèce ?

P.D. : Certaines poulettes sont en couleurs. Ce sont les poules qui sont restées blanches. Mais je n'ai pas d'explication !

 

J.S-R. : Mais quand je vois par exemple une poule avec un sac à dos et des baskets, je me demande pourquoi cette sorte de personnalisation qui relève vraiment du fantasme ?

P.D. : Je ne sais pas si c'est un fantasme ? Mais les poules sont dans des situations humaines : elles vont marcher, elles font de la pâtisserie, de la cuisine, elles font des piqueniques, elles vont à la pêche… elles suivent la mode…

J.S-R. : Je vois aussi vos deux chevaux dont les corps sont tout à fait réalistes, mais pourquoi n'êtes-vous pas allée au bout alors qu'il était facile de leur faire des jambes galbées, et des sabots comme ceux des "vrais" ? Est-ce une question esthétique ? Est-ce une question d'humour ?

P.D. : C'était une question pratique : il fallait que la base soit suffisamment lourde pour que l'équilibre soit assuré ! Et puis, le fer ne se façonne pas comme la terre. Tout cela est donc un confort de réalisation.

 

J.S-R. : Quand vous insérez des morceaux de métal pour faire les pattes, comment procédez-vous ? Passez-vous aussi vos pièces de métal au four ?

P.D. : Oui, j'aime bien les passer au four.

 

J.S-R. : Tout cuit donc en même temps ?

P.D. : Oui. Sinon, il est très difficile après cuisson, de faire des ajouts. De toutes manières, les trous que j'aurai fait dans la céramique, auront joué. Donc, quand je mets tout au four, tout joue de la même façon.

 

J.S-R. : Venons-en à vos chats : Ils sont pratiquement tous dans la même pose : debout sur leur arrière-train avec la queue qui revient fouetter leur poitrine. Mais ce qui change pour eux, c'est la tête : certains ont les yeux bleus, d'autres verts… L'un d'eux a un petit air coquin, l'autre un peu tristounet. Un autre fait la moue… Pourquoi omettez-vous de fignoler le corps, alors que la figure est très travaillée ?

P.D. : Je crois que, dans toutes mes œuvres, il y a une partie finie, et une partie non finie. Quand je faisais de la sculpture, je procédais de la même façon. Il fallait que le personnage émerge d'une partie non finie. Je ne m'en rends pas compte, mais puisque vous l'avez noté, c'est que je suis encore dans ce processus

 

J.S-R. : En tout cas, ce sont, dans l'ensemble, des chats un peu humoristiques.

P.D. : Oui. Par ailleurs, les chats ne sont pas que des sculptures, ce sont des petites boîtes. Cela suppose donc une contrainte de rigidité et de hauteur. Mais je pense que je ne suis capable que de travailler dans cet esprit.

En fait, pour les chats, je suis partie de formes géométriques, puisque j'ai commencé à partir d'une assiette à soupe coupée en deux.

 

J.S-R. : Comment avez-vous fait ?

P.D. : J'ai pensé qu'à partir d'un rond, si je collais les deux parties et que je coupe la pointe, j'aurais un chat !

 

J.S-R. : Mais ce ne serait pas plus simple de faire carrément le corps ?

P.D. : Pas sûr ! Je suis partie de formes géométriques : Avec une petite assiette, j'ai fait une coccinelle, une grenouille… Et c'était parti !

 

J.S-R. : Etes-vous sûre qu'il reste des assiettes à la maison ?

Et passons à ce qui est marin ou submarin. Vos poissons sont des zancles ?

P.D. : Peut-être ? Certains sont plus plats que d'autres.

 

J.S-R. : Pour certains, vous avez carrément mangé le poisson avant de le présenter ; d'autres demeurent bien dodus. N'avez-vous pas le sentiment de faire de l'humour noir, en ne présentant que les arêtes ?

P.D. : En fait, ceux-là sont exécutés à deux. C'est une amie qui me fait la partie bois, Et je trouvais tout à fait sympathique de présenter ces arêtes de poissons.

 

J.S-R. : Et les tortues sont des tirelires ?

P.D. : Pas forcément. Certaines, oui. Tout dépend de mon humeur lorsque je les fais.

 

J.S-R. : Quels sont vos animaux préférés ? Il y a des chouettes, mais elles sont moins… chouettes !

P.D. : Je pense que c'est avec les poules que je m'amuse le plus ! Je crois que je vais travailler d'autres chevaux, en les mettant en situation; et pour les derniers petits cochons que j'ai faits, je me suis aussi bien amusée. Comme j'ai une grande quantité de poules, je pense que je vais me lancer dans d'autres animaux.

 

J.S-R. : Mais vos pintades ?

P.D. : Il y a tout un orchestre, avec des canards et des grenouilles.

 

J.S-R. : Vous travaillez depuis longtemps sur les animaux ?

P.D. : Oui. Depuis environ 2002.

 

J.S-R. : Question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ?

P.D. : Je n'ai pas l'habitude de parler de mon travail. Je sais que j'y propose de l'humour et de la tendresse.

 

J.S-R. : J'ai tout de même oublié de vous demander si vos œuvres sont bien du raku ?

P.D. : Oui. Et j'ai beaucoup de mal à ne pas faire des craquelures partout. Si je n'ai pas de craquelures, il me manque quelque chose.

 

 ENTRETIEN REALISE DANS LA COUR DE L'ECOLE DE SAINT-PAUL LE JEUNE, LE SAMEDI 31 MAI 2014, LORS DU XXIIIe FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI.