Née à Paris, Marie-Claire Guyot a vécu en Italie, Venise, Turin, Milan, avec son mari et ses deux filles. Elle a, dans ces cadres de légende, exposé à diverses reprises, ainsi qu'en Espagne, des paysages, des portraits : rien d'inquiétant, dans cet itinéraire artistique. 

Rien de comparable non plus, avec les œuvres exposées sous le titre "Silence et secret", dans différents musées de l'Yonne, par Louis Deledicq, l'ami à qui elle les avait progressivement confiées (¹). Des dessins semblables à ceux d'Aloïse, en "plus désespéré" ! Quelle a pu être la réaction de ses proches, leur incrédulité, eux qui connaissaient une dame et une peinture "classiques", en découvrant brutalement après sa mort, la face cachée de la mère et de l'épouse, auteur des huiles et des pastels, accrochés désormais sur des cimaises ! Créés sans préoccupation d'équilibre, d'harmonie ; sans doute pas des œuvres d'art ! Où s'ils le sont, c'est au sens où le regard d'autrui, surpris, ému, perplexe ou admiratif, a fait des diverses expressions picturales des malades mentaux, des créations muséales. Des manifestations fondamentalement psychanalytiques, produites dans l'urgence. Des garanties de survie, insuffisantes finalement, puisqu'à cinquante-quatre ans, Marie-Claire Guyot a décidé de nous quitter. 

 

Au fil de la découverte de ces œuvres terribles, le visiteur se trouve confronté à des femmes dans toute la douleur de l'accouchement ; maculées ; expulsant leur fœtus par le ventre, le sexe, le crâne… des hommes gigognes ou serrés, entrelacés ; humains à têtes d'animaux ; personnages écorchés, têtes démesurées sur des corps atrophiés… Jamais le plus petit répit pour ces êtres pleurant les grosses larmes d'une infinie souffrance. De grands yeux pour verser ces larmes ; des yeux doubles ; parfois échappés de leurs orbites. Des têtes dans lesquelles s'entrechoquent d'autres têtes ou des personnages tenant leur cordon ombilical ; nez saignants ; oreilles-sexes ; bouches rouges agressives ; faciès torturés, barrés par des serpents aux dents monstrueuses ou des crocodiles bicéphales ! Le tout, "vie" et "décor", à dominante rouge, striés à grands traits désespérés ! 

 

Une œuvre inclassable, irrationnelle, puissamment perturbatrice par la violence et le désarroi manifestes de l'artiste, générant la réaction d'attraction-répulsion-fascination ressentie par le spectateur. Un grand cri situé bien au-delà de la simple préoccupation picturale ! Une œuvre dont il est, longtemps après, difficile de se libérer, tant reste bouleversant, même post-mortem, cet appel au secours ! 

Jeanine RIVAIS

 

(¹) Ces œuvres ont été exposées au Musée d'Art naïf de Noyers-sur-Serein (1992) (date du texte) ; au Château du Tremblay (1996).

Louis Deledicq était conservateur du Musée d'Art contemporain de Tanlay (Yonne) et Noyers-sur-Serein. 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1992 ET PUBLIE DANS LA REVUE "DE L'AUTRE COTE DU MUR" DE 1996.