Jeanine Rivais : Katty Verny-Dugelay, racontez-nous brièvement votre biographie.

          Katty Verny-Dugelay : Je suis née à Clermont-L’Hérault, en Languedoc. J'ai vécu une enfance méditerranéenne très heureuse, dans un domaine de vignobles, sur un ancien site romain du nom de "Fouscaïs”, ce qui signifie "Fontaine de Cassius".

          J'ai fait des études administratives et littéraires. Puis, je suis venue vivre à Paris, j'ai épousé un peintre,  de sorte que toute ma vie, j’ai vécu dans un entourage familial artistique.

Mon premier recueil de poèmes a été publié en 1984. Depuis, j’ai participé à de nombreuses revues, anthologies, événements poétiques, etc.

          Très concernée, je me suis impliquée dans des activités caritatives et humanitaires destinées particulièrement au soutien des enfants handicapés et de leurs parents.

 

        jeanine Rivais : Vous êtes poète : pouvez-vous définir les raisons pour lesquelles vous avez choisi de vous exprimer par la poésie et non par une autre forme littéraire ?

          Katty Verny-Dugelay : Je dirai que la poésie s'est “choisie” d’elle-même. J’ai commencé à écrire à une époque où je vivais des épreuves très douloureuses et où j'avais de nombreuses insomnies. Au début, j'écrivais la nuit, sans penser à une quelconque implication poétique. Plus tard, je me suis rendu compte que la poésie était entrée dans ma vie, que je ne pouvais plus m'en passer : la poésie était la vie qui se cherchait chaque jour en moi-même, dans les autres, dans la beauté du monde, dans une totalité de l'homme qui est rythmée sur la grande respiration de la nature.

          La poésie est désormais pour moi un éternel commencement, et en même temps le début de l'éternité.

 

          Jeanine Rivais : Vous écrivez dans "Herbe ouverte", “Les mots ne sont pas un cadeau facile”. Essayez de définir votre poésie, et de la situer par rapport à la poésie contemporaine.

          Katty Verny-Dugelay : Je n'essaie pas de me situer par rapport à la poésie contemporaine. J'écris ce que je sens, ce que m'inspirent la vie, les événements qui se déroulent autour de moi. Je trouverais ennuyeux et restrictif de “me situer”.

          A une époque où je me cherchais des référents, des lecteurs ont rapproché ma poésie d'une autre dont j'ignorais tout : la poésie japonaise. Maintenant que je la connais mieux, je pense qu'en effet, il y a une certaine parenté entre elle et mon œuvre, à cause de la brièveté et du regard ébloui posé dans l'instant sur les petits éclats de la vie.

 

          Jeanine Rivais : Voilà une référence qui vous emmène géographiquement et spirituellement bien loin de l’esprit occidental !

          Katty Verny-Dugelay : A mesure que mon œuvre est devenue plus volumineuse, j'ai commencé à faire des rapprochements avec d'autres poètes qui sentaient également des liens avec cette poésie pas aussi éloignée de la nôtre qu'il semblerait !

 

          Jeanine Rivais : Parlons des thèmes que vous abordez. Quelle que soit la forme du poème, vous partez de la nature, et vous revenez vers l’état d’âme du poète. Vous pratiquez en fait la même démarche que les écritures chinoises et arabes : des autres vers moi. Etes-vous d’accord ?

          Katty Verny-Dugelay : Oui. Je parle de tout ce qui m'entoure et dont je me sens faire partie. Avant de commencer à penser à moi personnellement, j'ai besoin d'exprimer mon appartenance à cette globalité.

          A partir de là, je fais un constant va-et-vient, avec la nature en particulier, avec tout ce qui s'y passe. C’est comme une nécessité, comme si je respirais dans la même respiration que la nature, le cosmos et tous les éléments qui les composent.

          Je crois que le fait de vivre avec un peintre, le fait qu'il peigne surtout les rythmes naturels (eau, strates de la terre, mouvements des nuages...), a créé une sorte d'harmonie qui s'est imprégnée en moi, a eu une incidence sur ma réflexion. N’oublions pas non plus que je suis née à la campagne :  pas même dans un village, dans un tout petit hameau; que mon enfance jusqu'à la mort de mon père (j’avais alors neuf ans) a été vécue dans un jardin avec mon frère. Dès que nous revenions de l'école, nous nous retrouvions dans ce jardin, dans un univers d'enfants. De très nombreuses sensations de cette époque-là reviennent dans ma vie, dans ma poésie et la nourrissent.

 

          Jeanine Rivais : Evoquons maintenant la forme de vos œuvres : vous écrivez des poèmes très courts, placés au milieu de la page, avec tout autour un large blanc. Notre grand poète Guillevic a écrit: “Le blanc, c’est le silence” (1). Quelle est votre définition de ces grands espaces ?

         Katty Verny-Dugelay : Ils signifient pour moi, à la fois le silence et une respiration, une grande liberté autour de moi.

 

          Jeanine Rivais : Peut-être est-ce un moyen de vous protéger ?

          Katty Verny-Dugelay : Peut-être. Je n’y avais pas pensé sous cet angle-là. mais c’est possible... Une grande auréole blanche que je créerais autour de moi ?

 

          Jeanine Rivais : Le mur du jardin ?

          Katty Verny-Dugelay : Oui, ou les murs d'une tour d’ivoire : j'ai deux filles, l'une dotée de toutes les grâces de la nature; l'autre lourdement handicapée physique et mentale. Elle a vécu des expériences terribles et je l'ai accompagnée sur nombre de lits d'hôpitaux : cette confrontation avec la souffrance, la vie et la mort en direct, m'ont fait rentrer au plus profond de moi-même, revenir à l'essentiel. En même temps, cette vie a tracé mon chemin : voir souffrir mon enfant, souffrir avec elle, mais surtout ne pas être triste ! J'ai voulu que cette souffrance soit libératoire; qu’elle m'ouvre encore plus vers le monde, vers la vie, vers les autres. Mon écriture est partie de tous ces moments qui existaient avant elle. Ils l'ont, par la suite, accompagnée sans interruption : les deux démarches se sont unifiées et ont fini par trouver une harmonie.

 

          Jeanine Rivais : Vous écrivez en vers libres : pourquoi éprouvez-vous le besoin de les disposer comme des vers traditionnels ? Et quelle importance revêt pour vous cette mise en page, dans votre poésie ?

          Katty Verny-Dugelay : Je le fais spontanément, et il est rare que je revienne sur la disposition d'un poème. Peut-être, de prime abord, paraît-elle traditionnelle ? Mais s'y glissent de petites découpes qui font la différence ! Le poème terminé, il me convient qu’il soit sous cette forme. J’en ressens profondément la respiration.

 

          Jeanine Rivais : Est-ce à dire que tous vos poèmes sont conçus d’un seul jet ?

          Katty Verny-Dugelay : Pas tous évidemment : certains très rares, me viennent spontanément, en quelques secondes. Sur la plupart, et de plus en plus, je reste ou reviens longtemps. Je ne peux que me réjouir, si les uns et les autres donnent l'impression d’une écriture spontanée !

          Au début, ceux qui semblaient jaillir de moi, sans que j'éprouve le besoin d'y changer une virgule, me surprenaient beaucoup. Inversement, pourquoi d’autres étaient-ils si longs à venir ? Peu à peu, j’ai compris qu’ils avaient besoin de mûrir en moi. qu’ils n'étaient prêts que lorsque tout était clair au niveau de mon inconscient. Et j'ai dû parfois travailler beaucoup avant de m'en détacher.

 

          Jeanine Rivais : Quels sont vos projets ?

          Katty Verny-Dugelay : Surtout ne pas cesser d'écrire, puisque la poésie évolue selon une trame continue. La poésie est la vie, la vie est la poésie, il est essentiel de ne pas s’arrêter.

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          De Katty Verny-Dugelay, aux éditions Caractères, (7, rue de l’Arbalète, 75005, Paris) "Empreintes" (1984), "Corolles de l’ombre" (1987), "Saison du silence"(1991) et "Herbe ouverte"(1994).

Ces ouvrages sont des «must» dans votre bibliothèque.

 

(1) Guillevic : Entretien avec J. Rivais dans les Cahiers de la peinture.

 

Poésie avec K. VERNY- DUGELAY

Herbe ouverte, Caractères, p. 23

"Le  vent  avec  une  branche  de  feuillage  sur  le calque de l'air balbutie un alphabet éphémère que crissent les cigales et la parole furtive prend sa forme  imprégnée  d'été".

 

 

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 13 DE MARS 1995 DE LA REVUE FEMMES ARTISTES INTERNATIONAL.

 

  

"SAISONS DU SILENCE " :  1991 

 

VOIR AUSSI : TEXTE  DE JEANINE RIVAIS: "KATTY VERNAY-DUGELAY, poète" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE POETES.

 

 

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS "POESIE ET ORALITE : MAURICE LESTIEUX ET KATT VERNY-DUGELAY POETES" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE POETES.