MAX ALHAU

LA FALCONNIERE

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La nouvelle est en France un genre littéraire bien mal aimé ! De sorte que les auteurs lui préfèrent souvent le roman, quitte à "tirer à la ligne" pour parvenir au volume nécessaire ! Il faut admettre que les amateurs qui font exception, s'ils sont ravis de la densité de l'écriture subséquente à la brièveté de l’histoire, sont parfois frustrés d'être si vite parvenus au terme de l'intrigue ! Par ailleurs, passer sans transition d'un thème à un autre est toujours une gymnastique scabreuse ! 

Tel n'est pas tout à fait le cas chez Max Alhau. Ses courts récits, qui portent pourtant sur des thèmes différents s'appuyant tantôt sur "je", tantôt sur "il", possèdent un ton puissant, concis, très personnel. Et poétique. En effet, même prosateur, l'auteur est avant tout poète (¹). Ses lecteurs ne s'y sont pas trompés, qui ont attribué au nouvelliste le " Prix de Poésie 1999 ".

Dans "L'Etoile jaune"  la culpabilité obsède le narrateur depuis qu'une camarade, arrivée un matin en classe avec une étoile cousue sur son manteau, lui avait demandé :  " Toi aussi, tu es juif ? " Il avait répondu par la négative et, sachant qu'il mentait, elle ne lui avait plus adressé la parole jusqu'au jour où elle avait "disparu". Trente ans après, est-ce bien elle qu'il vient de "reconnaître" dans une jeune femme entraperçue, portant, sans raison "apparente" une étoile jaune, -ce stigmate honteux des années noires de la guerre- ? Sa quête angoissée pour la retrouver dans l'immeuble sur lequel a été apposée une plaque commémorative de sa mort, atteste que certaines blessures ne seront jamais refermées. 

Jeu du souvenir, encore, dans "Le retour involontaire" qui ramène abruptement l'auteur sur les lieux de ses premières amours, celles qui, à seize ans paraissent éternelles, et que la mémoire gardera toujours dans un petit coin de cœur privilégié. Humour, avec "Albertine n'a pas disparu ainsi" où, prenant le contre-pied du fameux récit de Marcel Proust, Max Alhau redonne à la jeune femme supposée morte, un répit, un moment de vie en marge. Jeu de l'humour et du macabre avec "Un moment de la vie du docteur Guillotin" qui a inventé une "machine à tuer proprement" ; mais qui, effaré par le résultat observé sur des souris, détruira la maquette de cette monstruosité qu'il aurait "pu appeler Guillotine  (s’il n’avait craint)  les ravages qu'elle aurait  causés" ! Jeu mystique de l'étrange et du morbide, avec "La Falconnière" où l'auteur est assassiné au cours d'une promenade dans l'un des plus beaux paysages du monde, par un fou adepte de Saint -Côme ! Plus longue, plus dramatiquement narrative, "L'accusé" démonte le processus selon lequel il est possible, dans un cadre étranger et de mauvaise foi, d'admettre sa culpabilité alors que l'on est innocent. Et d'en mourir !

Mais la nouvelle la plus intellectuellement provocatrice de ce recueil, est intitulée "Une belle jeune femme". L'auteur rencontre fortuitement Corine au moment même où, racontant la relation d'un écrivain avec une certaine Carine, il est bloqué dans l'évolution de son histoire. Jeu relationnel entre vécu et création ; entre désir réel et désir cérébral, entre Carine et Corine. Dans les deux aventures déroulées parallèlement, la préférence de l'auteur pour la rêverie devient si évidente qu'il fait un lapsus spectaculaire, écrivant "cette aventure n'en est qu'une pour moi", alors que le contexte imposerait !  "…n'en est une que pour moi…". Sans  doute est-ce pour cette raison que finalement, la fiction  "permettant d'influencer les événements à venir … sera plus reluisante que la réalité" ; et qu’ayant vécu "avec" Carine une nuit merveilleuse, il refusera de vivre réellement la même situation avec Corine, concluant : "Ce que j’ai vécu avec l’autre me suffit". Comme si, désormais, il ne faisait plus la différence entre lui-même et son héros de papier !

Un recueil très intéressant, une réflexion sur l'individu de chair et sa création A lire absolument.

Jeanine RIVAIS

 

MAX ALHAU : La Falconnière : Ed. Editinter. 

Poésie : (Ed. Rougerie) Passages,  Les mêmes heures,  Ici peut-être, D'un pays riverain, Sous le sceau du silence (Prix Artaud). (Ed. Arbre à paroles) Le fleuve détourné, Le bleu qui précède la nuit. (Ed. Voix d'encre) : Cette couleur qui impatiente les pierres.

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LA NOUVELLE TOUR DE FEU.