La poésie écrite en vers libres, avec ses images nombreuses, ses raccourcis et ses suggestions, ses infinitifs martelant ses désarrois..., sincère,  profonde, oppose-t-elle aux  moments de plénitude à de grandes zones d’ombres... N’est-ce pas là la démarche, la préoccupation de nombre de poètes européens ? N’extériorisent-ils pas la même sensation de froid face à l’hostilité du milieu où ils vivent ; les mêmes frustrations affectives ; les mêmes enthousiasmes ; les mêmes forces et faiblesses ; les mêmes incertitudes psychologiques, exprimées avec les mots d’un même langage, mais façonnés “ autrement” ?

 

          Et n'est-ce pas le cas aussi pour L’ARBRE BONHEUR de JEAN BENSIMON. Ce recueil composé de poèmes entrecroisés, de vers et de prose, propose en fait trois fils possibles de lecture : la première et la plus logique passant des textes “hauts” vers ou prose en caractères d’imprimerie, aux texte “bas” de prose en italique ; en une sorte d’incantation / invocation et de répons. La seconde courrait alors d’un texte “haut” au suivant, celui de gauche discursif, lançant des affirmations, des “états” spirituels (“Voilà que la vague vient inonder des rivages brûlants, un influx monte dans le sang”) ; celui de droite en vers, plus aéré, abordant un détail important qui éclairerait son vis à vis (“Je marche sous une petite pluie fraîche / en songeant au corps chaud de mon amour...”. La troisième lecture aborderait les textes “bas”, précieux, ciselés avec minutie et poésie (“...Le chemin obscur de l’arbre conduit vers la pourpre...”)

Quelle que soit la solution choisie par le lecteur, le poète l’emmène dans une quête à la recherche de lui-même, à travers l’arbre et ses multiples symboles (fouissage des racines ; dureté et certitudes du tronc, ramifications des branches, etc.); à la recherche de la poésie, du poème conçu à l’origine comme “des mots sans écho”, puis “des mots errants”, jusqu’au moment où, l’inspiration venue, “un long poème glisse dans la nuit du chêne”, et qu’enfin, l’auteur délivré puisse “jouer” avec “le poème délié / pied de nez / à l’homme enceint de gravité”.

Un beau livre chaleureux qui prouve, s’il en était besoin, que le Spleen et les angoisses existentielles du poète subsistent, et sont  toujours source d’inspiration !

Jeanine RIVAIS

 

L'auteur a obtenu le Prix Aliénor (1990) pour son recueil PARAGES PASSAGE, poèmes. Éditions Arcam.

 

L'ARBRE BONHEUR :  (1994) Editions l'Harmattan