ALAIN SIGNORI

Entretien avec JEANINE RIVAIS

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       Jeanine RIvais : Plusieurs de vos confrères ont nuancé l’expression « Art-Récup’ que je leur proposais. L’acceptez-vous? 

      Alain Signori : Oui, je la trouve acceptable.

 

          J. R. : Vos personnages sont toujours en gros plan tandis que le fond est presque anonyme. Pourquoi procédez-vous ainsi ? Vous n’avez, c’est évident, pas essayé d’être réaliste. C’est l’idée d’homomorphisme qui vous intéresse, mais une forme humaine imaginaire fantaisiste… ?

        A. S. : Moi je dis que ce sont des actions poétiques. Ce qui me donne un champ large. 

 

        J. R. : Est-ce la raison pour laquelle tous vos personnages sont des « cérébraux » ? Ils n’ont que la tête. Pour penser ? Tout de même, ils peuvent « aller quelque part » : ils ont des jambes. Mais ils n’ont pas de fonctions corporelles ?

          A. S. : Je n’ai apporté que des petites œuvres. Mais j’en ai de grandes où le personnage est entier. 

         Ce sont des photomatons ! Des personnages imaginaires. Mais je suis en tain de partir sur une série de personnages existants, d’amis proches, de gens que je connais, et je travaille à partir de leurs photomatons.

 

          J. R. : Pourquoi cette volonté de leur faire de gros yeux ? Pour prouver qu’ils sont ouverts sur le monde ? Et tous ont la bouche bien ronde : ils crient, ou ils chantent ?

        A. S. : Parce que pour moi le regard est ce qui est le plus important. Et la bouche sert à parler : mes personnages parlent. 

 

          J. R. : Et que disent-ils ?

          A. S. : Des mots d’amour, des mots de haine, tout ce qu’un être humain peut dire…

 

         J. R. : Oui, mais ils sont tout de même en grand danger. Ils sont en train de pêcher, un requin arrive… Pour vous, vos tableaux sont-ils narratifs ? 

       A. S. : Bien sûr. J’ai imaginé une multitude de personnages, avec des histoires complètement inventées. Je n’essaie pas de mettre un terme définitif à l’histoire. Je veux que tout le monde se l’approprie à son gré. Il en va de même pour les personnages seuls. 

 

       J. R. : En quoi est-ce important que les objets qui vous servent à fabriquer vos personnages, soient burinés, rouillés, érodés… ?

       A. S. : C’est important parce qu’ils ont une vie propre. Ils ont une présence, une existence quand je les trouve. Ils ont déjà un battement de cœur.

 

        J. R. : Il me semble que vous ne récupérez que des objets artisanaux. Je vois des scies…

        A. S. : Avec mes premières œuvres, je ne procédais pas ainsi. Je partais de n’importe quoi. 

 

         J. R. : Elles me semblent plus sauvages que les récentes, plus totémiques.

         Est-ce parce que leur quotidien est tellement lourd que vous les enfermez ?

       A. S. : Non, c’est une question de technique et non une question de pensée. Au départ, les éléments étant très rouillés, c’était simplement pour les protéger. Donc, il ne faut pas chercher d’explication psychologique ou symbolique à cette façon de faire. Je n’enferme pas mes grands formats, parce que j’utilise des matériaux moins dégradés. 

 

        J. R. Voulez-vous ajouter quelque chose à la définition de votre démarche? 

        A.S. : Oui, que je suis un mec sympath, et tout et tout !

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DE L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.