TEXTES COURTS de JEANINE RIVAIS
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Ces textes étaient courts, non pour des raisons de qualité des œuvres des artistes, mais simplement parce que ma documentation, mes photos étaient insuffisantes ! Si nombreux sont les artistes que, bien que bourlinguant depuis des années, il m'est impossible de les connaître tous. Alors, ces rencontres de hasard sont parfois trop brèves
TOUS CES TEXTES ONT ETE ECRITS SUITE AU PRINTEMPS DES SINGULIERS 2003, A l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.
J.R.
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Grandes œuvres hyperréalistes, les toiles de Maïté Danchin, au travail très sophistiqué et longuement peaufiné, représentent des scènes de bars, avec pianiste, saxophoniste, et chanteur. Un monde tel que l’on imagine les fous de jazz de naguère, pris au moment où les musiciens auraient fait une pause.
Il semble évident que le décor n’est que prétexte à mettre en valeur les personnages assis à leur table, appuyés au comptoir… car il n’est que stylisé alors que les visages sont très expressifs, les yeux brillants et les corps suggestifs de promesses implicites. Dans ces atmosphères feutrées, tout le monde a l’air heureux.
Quel maëlstrom a donc emporté l’esprit de Samuel Favarica pour que ses œuvres soient ainsi un agglomérat de personnages aux traits lourds et burinés et d’objets quotidiens ou futuristes se chevauchant, s’entrelaçant sans jamais le moindre espace libre ?
Très violemment colorées, toujours à la limite de l’insoutenable à cause des cohabitations de rouges écarlates, de bleus inattendus, et de verts livides, ces peintures (et ces sculptures) donnent au spectateur le sentiment d’un baroquisme exacerbé, d’une véritable obsession de ne laisser le moindre souffle se glisser dans cette osmose si absolue !
Sans aucun doute, est-ce le côté malsain et obsessionnel de sa création qui rapproche Samuel Favarica de la mouvance hors-les-normes.
Les tableaux de Frédérique Gautron sont conçus en des motifs décoratifs parfaitement symétriques ; avec, sur des fonds rouges, des incrustations de matériaux divers, petits bâtonnets, boules finement ornementées…
Faut-il aller au-delà de la simple idée de décoration et voir cette parfaite organisation comme celle d’un monde géométrique conçu à partir d’un carré compartimenté autour duquel s’arrondissent des symboles christiques, comme des mandalas, par exemple ? Mais, quelle vie, quelle histoire, quel mysticisme prendraient corps dans le silence de ce tellement parfait ordonnancement ?
Jeantimir Kchaoudoff produit un petit travail très naïf, d’œuvres peintes ou de découpages très colorés, à la limite de l’Art brut. Ses personnages sont raides, conçus à partir de formes géométriques : quadrangles, triangles, etc. Tous sont des humains dont les cheveux ont pris la place du cerveau et dégoulinent de part et d’autre du visage éclairé d’immenses yeux bleu vif. Ils sont dotés de pieds d’oiseaux, aux mains traversant le corps comme sur les dessins d’enfants.
Un travail très gestuel, parfois jeté sur des fonds violemment raturés.
S’agit-il d’icônes ? Ou d’ex-voto ? Un peu des deux sans doute, puisque les thèmes principaux d’Othman Khadraoui portent sur des entrées ou des sorties de villes aux portes orientales à coupoles richement ornementées, ou d’individus apparemment malades sur lesquels un personnage pratique l’imposition des mains ?
Mais il pourrait également s’agir de reliquaires, lorsque le peintre représente un personnage assis, découpé de façon à représenter à la fois l’individu et l’« autel » sans qu’il soit vraiment possible de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, quitte à pencher pour la deuxième, au vu des longs cheveux et des grands yeux cernés de khôl. Elle (il ?) tient appuyé sur sa poitrine l’une des portes évoquées ci-dessus. Tandis que deux jarres humanoïdes le flanquent de part et d’autre des battants de la « porte ».
Cet artiste qui, d’après son nom, doit être maghrébin, emmène également le visiteur vers son lointain désert, peuplant ses œuvres de Bédouins et de toute une faune de scorpions, grillons, etc.
Il fut un temps où Lesenfans était plus inspiré qu’aujourd’hui ; celui où ses «boîtes» éclairaient de leur humour les cimaises du Grand-Palais et de Figuration Critique ! Où ses petits personnages taillés à l’emporte-pièce et vivement colorés refaisaient au vitriol, le monde qui les concernait. Un monde bien à eux, sculpté et peint de façon tellement personnelle que ses œuvres se reconnaissaient à une lieue à la ronde !
Depuis quelques années, il a fait de nombreux tableaux sur les vaches, continuant de travailler avec des matériaux de récupération, mais ses tableaux ressemblent plus à des peintures en léger relief qu’à des sculptures plates.
Et même si les titres (« Transgénique », « Ménage de printemps »…) témoignent qu’il est toujours concerné par l’univers, même s’il évoque la vache folle et recycle des éléments appartenant à la culture du passé, ses dénonciations ont largement perdu leur côté incisif.
Tagh est depuis de longues années un voyageur qui va, autour du monde, chercher les preuves qu’il peut encore être dépaysé, étonné, grandement concerné… Que là où il va, le sérieux et l’humour se côtoient. C’est pourquoi chacune de ses œuvres est, sur fond d’exotisme, un mélange de réalisme et de fantasmes, sur lesquels des éléphants énormes côtoient des paysages de rêve, affrontent les sagaie des autochtones d’un beau noir d’ébène, ou les épineux de la brousse …
Apparemment, dans le cas de cet artiste, l’habit fait bien le moine, ou plutôt l’explorateur, car à la ville, il arbore en toute simplicité saharienne, longues chaussettes de laine et casque colonial. Sans oublier la gourde, bien sûr…
Il est toujours surprenant de « rencontrer », au milieu de «gens du commun à l’ouvrage», comme l’aurait dit Jean Dubuffet, quelqu’un dont la célébrité est depuis bien longtemps établie. Et qui, (sans mettre un instant en doute son grand talent), n’est peut-être pas tout à fait à sa place dans le monde de la Singularité.
Non que son travail ne soit pas singulier : il l’est, au sens d’ «original», et non comme appartenant à la mouvance singulière. Pourtant, Le spectateur aurait mauvaise grâce de lui en tenir rigueur, car Trez semble avoir bien joué le jeu.
Un jeu de dames, pourrait-on dire, vu la présentation en damier qu’il a faite de ses œuvres. Plutôt jeu d’homme, si tel jeu existait ! Car les œuvres proposées le présentaient, en tout cas, dans tous ses états. Très découpé en une parodie anatomique dont le résultat est très décoratif ; et se détachant biscornu certes, mais avec une grande « personnalité » sur les fonds monochromes. Une série de portraits d’identité, en somme, où il se retrouvait tantôt à pied, tantôt à cheval… Un assortiment de fantasmes en grandes couleurs, de l’auteur qui, d’une ligne incisive, ajoute à chaque créature une autre créature, sans qu’elles soient jamais situables dans un contexte social, géographique ou temporel. Un travail à la fois très structuré et amusant à « épeler » !