ODY SABAN

Texte de JEANINE RIVAIS

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          L’œuvre d’Ody Saban, née en Turquie, est un carrefour de cultures, de mentalités ; une histoire iconoclaste où sont évoquées, construites et détruites en une monstrueuse gigantomachie, les civilisations/religions chrétienne, juive et musulmane qui ont influencé les gênes de ses ancêtres : utilisant la calligraphie, la broderie picturale, la gestuelle des unes… elle y intègre des personnages, des êtres de légendes appartenant aux autres… Elle invente de nouveaux mystères, des façons neuves d’appréhender son ancien monde qui la rattache à ses racines, et le nouveau qui l’en écarte.

   Plusieurs constantes s’imposent dans cette œuvre très colorée où apparaissent, surlignés, une tête, un corps, un couple, un oiseau… puis la tête dans la tête, le sexe dans l’œil, le corps dans le sein, le bateau dans le crâne, la mer dans la bouche, le poisson dans la jambe… Il faudrait en citer encore, analyser ce va-et-vient du macrocosme au microscopique petit coin peaufiné, à la multiplicité créée à travers un kaléidoscope… 

          Aucune géométrie dans ces déploiements d’énergie, cette explosion de rythmes brisés sitôt nés. Néanmoins, la composition en est évidente. S’y côtoient individus, mandragores, monstres d’un étrange bestiaire, mosaïques où s’imposent de façon obsessionnelle le visage et les yeux énormes : c’est qu’Ody Saban vient d’un pays où, privée du droit à la parole, la femme n’a que le regard pour s’exprimer, refléter sa mémoire, sa réalité, son passé et son futur, l’intérieur et l’extérieur qui se conjuguent sur chaque pouce du territoire de l’artiste ; son voyeurisme aussi, cette façon qu’elle a de regarder par le trou de la serrure ce qui se passe dans son harem ! Et il faut alors évoquer l’érotisme multiple des créations d’Ody Saban ; les copulations, mais aussi les enlacements des corps de femmes... allongées, de façon récurrente, au bord de la mer, près de l’eau fascinante et dangereuse, symbole de gestation, de poésie, de la féminité revendiquée.

   Autant de références à la fois fantasmatiques et autobiographiques d’une artiste répétant à l’infini ses soleils, ses lunes, les scintillements de sa Caverne d’Ali-Baba, pour mettre au jour des œuvres lumineuses, belles de refuser réalisme et esthétisme… 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES MILLE ET UNE FANTAISIES D'ODY SABAN" : DANS IDEART N° 40 de DECEMBRE 1994. ET http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique ART CONTEMPORAIN.