PETRA

Texte de JEANINE RIVAIS

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     L’œuvre de Petra n’est qu’un long cri douloureux, une image à la fois lucide et impitoyable de la condition humaine. Visant à conférer une expression picturale à l’état intérieur de ses modèles, à travers l’extérieur,  la physionomie, les gestes, la façon d’appliquer la peinture...

          Car une évidence s’impose : Seuls, intéressent Petra le corps et l’humain. Sans aucun contexte signifiant qui en détournerait l’attention. Les rattacherait à la terre… Une recherche si violente que toutes ses toiles se présentent comme une sorte de démonstration épouvantée. Suggèrent qu’il est dans la nature humaine de se ronger, de se détruire, de rêver à soi jusqu’à ce que le corps en soit si gravement affecté qu’il parvient à une inexorable décomposition. C’est cet ultime moment qu’elle saisit ; celui où l’individu est parvenu à une non-vie ; où, psychologiquement, il refuse sa mort ; laquelle l’entraîne néanmoins.

          Tout cela rendu à gribouillis rageurs, grandes plages de peintures aux couleurs complémentaires ou violemment antithétiques  qui se chevauchent ou se contrarient; coulures granuleuses semblables à celles de bougies qui auraient longuement fondu ; projections et lourds amas de matière dont les décompositions brutalement colorées relèvent du célèbre « dripping » de Jackson Pollock. Mais il va de soi que la motivation est autre ; qu’elles dégoulinent pour remémorer au spectateur la délitescence de l’esprit au fil de la vie, la dérive vers la mort de l’individu, l’impossibilité de retenir, ne serait-ce qu’un instant, le passage du temps, subséquemment le sien. 

          Ainsi, par ses déformations outrées, par la touche picturale et le choix des couleurs, par les contrastes entre les apports dramatiques et les espaces sulfureux, par les mouvements violents et arythmiques qui, bien qu’aux frontières de la mort, communiquent à la surface du tableau un mouvement agité, les créations de Petra retrouvent-elles l’utilisation artistique des formes du langage des Expressionnistes ; s’inscrivant dans le droit fil de tous les Expressionnistes picturaux. Comment, face à une telle œuvre, terrifiée et terrifiante ne pas voir en cette artiste qui s’est sauvée grâce à elle, la coloriste du désespoir ; celle à qui, face à la mort, ne reste que ce grand cri pictural ?

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS " LE CRI AU MONDE DE PETRA": Site : http://jeaninerivais.fr/ Rubrique ART SINGULIER.