FRANCOISE PONTANIER

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LES ANTHROPOLOGIES ONIRIQUES DE FRANCOISE PONTANIER

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          Quels voyages fabuleux aux pays de quelles irréalités ont charmé l’enfance de Françoise Pontanier, pour que leur rémanence soit si forte ; que leur transposition s’effectue avec une telle intensité, une telle sûreté, dans son oeuvre peinte, pourtant encore à ses balbutiements ? 

          Où qu’ils aient pu être situés dans le cosmos, il s’agissait, il s’agit en tout cas de mondes heureux, aux polychromies éclatantes ; peuplés d’allochtones homomorphes aux anatomies souvent incomplètes ou encore mal coordonnées ; des mondes sans souplesse, mais paradoxalement créés dans des géométries curvilignes dont aucun angle abrupt, jamais, ne vient rompre les parallélismes sinueux, les constructions étroitement imbriquées, les ornementations involutées. Peut-être, aussi, le temps y est-il encore incertain, puisqu’ils ne sont peuplés que d’êtres en mutation, de la prime jeunesse à l’âge adulte ? 

          Certains individus, en effet, sont à la fois l’habitacle et l’habitant, soudés en d’étranges “roulottes / carapaces” symbiotiques, bifaces mais non pas janiformes ; où le positionnement des pieds orientés par deux vers la droite et vers la gauche, ne permet d’envisager pour ces ensembles indissociables, que des déplacements “en crabe” : le chemin partant de la porte à mi-distance de ces “siamois”, corrobore d’ailleurs que telle est la seule possibilité ! Cette influence réciproque persiste lorsque les habitations sont plus élaborées, gratte-ciel hérissés d’antennes, emplissant le tableau de leurs verticalités ; car l’ascenseur y est, comme sur les dessins d’enfants qui reproduisent à la fois l’intérieur et l’extérieur, unique écrin perlé escaladant la structure à la manière d’un doigt gigantesque au long duquel seraient accrochés de minuscules individus. Inversement, lorsqu’elles sont buildings humanoïdes parsemés de fenêtres éclairées, se détache au premier plan une tête énorme, aux organes sensitifs hypertrophiés autour de minuscules yeux multicolores ; comme si cette tête était le moteur de l’immeuble et en garantissait la mobilité ! 

          Plus évolués, mais pas encore autonomes, seraient des êtres plus grands, vivant en tribus ; circonscrits comme des cocons d’une unique ligne qui enveloppe leur crâne cabossé, leur moue accentuée et leur nez proéminent ; à la fois corps et vêtement, sans bras, mais munis d’appendices ambulatoires. Ces derniers n’ont apparemment conservé du palier évolutif  précédent, que le problème des pieds inversés, qui plus est perpendiculaires à l’orientation des corps de profil ; de sorte que, se dirigeant vers la gauche (mais il en irait de même s’ils allaient vers la droite), ils ne peuvent qu’avancer “vers” le spectateur !...

          Lequel se croirait parfois confronté à quelque variante d’amphibiens, puisque l’étape suivante semble concerner des personnages uniquement composés de têtes énormes et de pieds. Plus richement tatoués que les précédents, ils portent sur leurs visages des tortues (dont chacun sait qu’elles sont symboles de sagesse !) ;  des sortes d’astéries qui, entre nez et yeux, étoilent ces faces polychromes ; et surtout des salamandres, récurrentes dans l’oeuvre de cette artiste !

Enfin, l’allochto-érectus, dernier stade de la métamorphose de ces “espèces” singulières  : nantis de bras, et de jambes allant du même côté ; doués de sentiments puisque, comme dans toutes les civilisations recensées, ils s’embrassent à bouche que-veux-tu ; très nettement sexués ; aptes à se reproduire à en juger par le foetus dans le ventre de “celle” qui, dotée de seins menus, est  incontestablement  la  “femme” ! La quintessence, en somme, de cette anthropologie  onirique  !...

          Bizarrement, aucune flore ne vient agrémenter les mondes exobiologiques de Françoise Pontanier. Sauf, peut-être, d’énormes champignons aux pieds en forme de croix latine, autour desquels se développe un large chapeau, liseré de granules blancs...

          Par contre, existe un bestiaire ; animaux polypèdes, caronculés et cornus, velus au pelage ponctué d’une infinité de taches ondulées ; dardant leurs trilangues aiguës et roulant de gros yeux dépourvus de paupières. Et puis, ce qui pourrait être l’émanation de quelque grotte rupestre, de lourdes bêtes à quatre pattes torses ; à l’arrière-train tronqué, terminé par une queue sustentatoire extrêmement réduite ; au corps couvert de plaques rectangulaires sur lesquelles sont reproduits personnages et animaux. “Actuels” ou symboles peints d’une culture  disparue, tous se meuvent dans une atmosphère saturée de pavois de cérémonie en lévitation, eux-mêmes richement ornés de semblables motifs.

          Ainsi, de mirages en utopies, Françoise Pontanier est-elle devenue l’auteur talentueux d’un univers fantasmatique, riche et personnalisé. Et même si, parfois, ses créatures et leurs ornements sont proches de ceux des “Rêves” aborigènes, autant en emporte le sable... vers ses propres formes primitives, issues de son imaginaire ; vers sa poésie picturale exotique, harmonieuse, souvent ludique : une oeuvre d’une inventivité attachante, d’une créativité qui emmène le visiteur sur les traces du Magicien d’Oz et autres pourvoyeurs de rêves en couleurs... loin... très loin... bien “au-delà de l’Arc-en-ciel” !

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES ANTHROPOLOGIES ONIRIQUES DE FRANCOISE PONTANIER" : N° 72 Tome 1  DE FEVRIER 2003 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. Et aussi : www.rivaisjeanine.com/festivals/retour-sur-banne-2002/pontanier-françoise/