JEAN-PIERRE HENRY

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LE PETIT MONDE POETIQUE DE JEAN-PIERRE HENRY

TEXTE DE JEANINE RIVAIS

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          « Il était une fois… » Ainsi pourraient débuter toutes les œuvres de Jean-Pierre Henry ; dont le héros est un petit bonhomme haut comme trois pommes, à l’air juvénile ; au bon visage rond et gentil ; aux joues luisantes comme des pommes d’api ; au nez rouge et à la bouche réduite à un o minuscule ; aux yeux ronds comme des billes ; aux cheveux drus, coupés « en brosse », parfois dissimulés sous un bonnet coquin. Quant au corps, raide, sans cou, il est quadrangulaire, appuyé sur deux jambes en forme de triangles pointus vers le bas, de sorte qu’il n’a pas de pieds ; et les bras –quand ils existent-- sont de courts rectangles terminés par des menottes qui cramponnent un ballon, un petit camion ou un cerf-volant… Rien ne signale qu’il s’agit souvent de garçonnets, sauf un petit air conquérant qui n’appartient qu’au sexe masculin. Par contre, les fillettes ont des seins menus aux larges aréoles. Parfois, tout ce petit monde fête… les Rois (il semble bien que les enfants soient tous des rois chez ce créateur) : ils sont alors coiffés d’une couronne aux crénelures triangulées et ils sont de profil pour se faire admirer sous… tous les angles ! 

          Tout se passe, en effet, comme si l’artiste ramenait chaque personnage, oiseau, bateau… aux formes géométriques étudiées à l’Ecole élémentaire. Qu’il ait gardé de cette époque sans doute heureuse et insouciante, où il illustrait son « cahier du jour », l’habitude de réaliser des frises : ainsi orne-t-il le tour de chaque corps (et celui des tableaux, d’ailleurs), de points parfaitement réguliers et équidistants, ou de petites figures répétitives. Chaque bande est installée là, marquant la silhouette du personnage et le bord de l’univers où il se cantonne. Servant de frontière à une constellation de signes qui abondent plus anarchiquement autour du personnage : Mais peut-être sont-ils, dans l’esprit du peintre/poète, les planètes de ce microcosme ? Cette frise est parfois doublée d’une autre, composée, en des tailles naines, d’animaux, de jouets, ou d’individus, chacun enfermé dans un rectangle : ne s’agit-il pas alors des images ou des bons points que gagnaient autrefois les élèves lorsqu’ils avaient été bien sages ? D’ailleurs, Jean-Pierre Henry corrobore cette réminiscence d’événements scolaires en surajoutant des motifs pictographiques tels que X ou IOIX, etc. Comme si le primitivisme de cette écriture non-signifiante apportait un grain de folie et de fiction à ses tableaux si paisibles ? Finalement, tous ces éléments décoratifs conjugués donnent à ses créations l’air de jolies illustrations finement ciselées.

          Mais, si ses œuvres ont un petit air naïf et bon enfant de l’imagerie populaire, elles témoignent pourtant d’une solide technique picturale, acquise apparemment dans la solitude, puisque Jean-Pierre Henry est autodidacte. Attestent de son talent, les fonds longuement travaillés en plusieurs couches de peinture, regrattée ici pour faire ressortir la trame du matériau ; ailleurs épaissie et couverte de graphismes hiéroglyphiques, pour capitonner les places où il dépose, tel un objet précieux dans un écrin, le petit être toujours unique qui naît sous son pinceau. Et parce qu’il affectionne apparemment les couleurs tendres et mates, toutes ses toiles sont conçues en des nuances de bleu foncé lumineux s’atténuant jusqu’à des plages tendres mêlées de rose et tamponnées d’impalpables ajouts de noir. D’autres fois, elles sont rose saumoné, ou mauve un peu fané, filigranées de fleurs d’un blanc doux, etc.

          Sans parler de l’humour qui fait proférer au sage père Henry de terribles menaces ("La peau du chat, non du clown, si je l’attrape !") ; le guide vers de profondes réflexions philosophiques, ("Ainsi vont les choses, comme les petits oiseaux…") ou le ramène tout simplement vers l’écolier qu’il fut naguère et qui s’attribue une bonne note lorsqu’il estime que sa composition est réussie. Et, bien sûr, elle l’est !

          Car, narrative à la manière d’un conte, l’œuvre de Jean-Pierre Henry qui a gardé son âme d’enfant, est un mélange de tendresse, de poésie, de rêve, de souvenirs enjolivés au fil du temps ; tout cela rendu avec un évident amour de la peinture.

VOIR AUSSI TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LE PETIT MONDE POETIQUE DE JEAN-PAUL HENRY" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°  72 Tome 2 de JANVIER 2003. Et aussi : www.rivaisjeanine.com/festivals/retour-sur-banne-2002/henry-jean-pierre/