JEAN-RAYMOND MEUNIER

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LES PERSONNAGES EN MUTATION DE JEAN-RAYMOND MEUNIER

TEXTE DE JEANINE RIVAIS

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          Va-t-il ou non sauter dans le précipice au bord duquel il se tient à demi-penché, le personnage masculin de Jean-Raymond Meunier, très concentré apparemment sur ce qui, peut-être l’attend en bas ? Il semble bien que la réponse indiffère sa compagne, debout non loin de là, les orteils en éventail ! Et il semble également que le « courant » ne passe pas très fort entre l’autre couple, dans lequel l’homme replié sur lui-même, presque en position fœtale, est en train de se gratter (d’ennui ?) les orteils ; tandis que l’autre vraisemblablement féminine, à en juger par ses ongles  rouge-vif très sexuels, est en train de lire, oublieuse de son environnement?  

          Peut-être après tout, cette "Foule plate" n’a-t-elle pas encore trouvé sa place dans l’univers de l’artiste, et les protagonistes sont-ils des mutants (les créatures de métal qui les accompagnent corroboreraient cette hypothèse). 

          En effet, depuis longtemps, Jean-Raymond Meunier créait des personnages lourds, souvent tronqués à hauteur de poitrine ; aux traits raboteux comme lourdement ridés ; aux moitiés de visages dissymétriques ; à la chevelure hirsute. Sortes de siamois parfois à qui un œil commun niché entre les arêtes des deux nez donnait des allures cyclopéennes. D’autres fois, l’artiste les représentait en pied : et quels pieds ! énormes, supportant des jambes lourdes écrasées par des corps tatoués de figures très narratives ; ou par des corps/vêtements dont les replis constituaient des formes obèses ; au-dessus desquelles se dressait au bout d’un long cou, une minuscule tête ! Ou bien, l’artiste stylisait ses modèles, en faisait des sortes de robots dodus, articulés comme des poupées.

          Que s’est-il donc passé pour que, soudain, les personnages de Jean-Raymond Meunier soient devenus raides, statiques, longilignes, quasiment sans formes, autres que la tête à peine séparée du corps ? Moins ludiques, certainement. Moins socialisés sans aucun doute. Plus touchés de mal-être existentiel, peut-être. Sans pour autant, avoir perdu leur densité ni leur poésie un peu gauche…

          Alors, si son individu au bord du gouffre ne se décide pas à sauter, il semble bien que Jean-Raymond Meunier, lui, l’ait fait. Qu’il se soit libéré d’un style où il était vraisemblablement très –trop ?—à l’aise, et qu’il ait accosté sur d’autres rivages qu’il va peupler de personnages antithétiques des premiers. N’est-ce pas le propre des authentiques artistes, de chercher toujours … ailleurs, et autrement ?

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES PERSONNAGES EN MUTATION DE JEAN-RAYMOND MEUNIER" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA : N° 72 Tome 2 de Février 2003  : Et aussi :  Site : http://jeaninerivais.fr Rubrique ART SINGULIER ; et ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS :  http://jeaninerivais.fr Rubrique Comptes-rendus de festivals Banne 2006.