COLETTE DEYME

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 COLETTE DEYME EN QUETE DE LIBERTE.

TEXTE DE JEANINE RIVAIS

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   Comme beaucoup d’autodidactes, Colette Deyme qui « peint depuis la nuit des temps » (¹), a été, au début, tentée par le classicisme des natures mortes et autres paysages, attirée par le travail « bien fait » et réaliste. Jusqu’au moment où elle s’est rendue compte qu’une telle démarche, si elle lui donnait une meilleure technique, ne titillait guère son imaginaire. Cette remise en question lui a permis d’échapper à la convention, évoluer vers la liberté…

          Mais à partir du moment où elle avait supprimé le carcan, quelle démarche suivre, comment se sentir à l’aise devant l’infinité de possibilités offertes par cette liberté toute neuve ? Finalement, elle s’est sentie attirée par trois d’entre elles (peut-être plus, mais celles-là sont les plus « lisibles ») et incapable de choisir : qu’à cela ne tienne, elle a opté pour mener les trois de front. Depuis lors, au gré de ses humeurs, elle peut peindre de très balthusiennes jeunes filles assises à la fenêtre près d’un bouquet de fleurs ; des enfants en larmes dans un cadre bucolique ; des couples en des attitudes fusionnelles très attendrissantes : des êtres par conséquent, situés à la fois géographiquement et socialement. En des situations à partir desquelles le spectateur peut épiloguer, continuer l’histoire, décider subjectivement que cette scène respire la paix, la joie, ou au contraire la mélancolie… D’autres fois, désireuse d’échapper à l’anecdote, Colette Deyme peut réaliser un groupe de personnages presque abstraits, réduits chacun à un agglomérat de taches vives aux teintes complémentaires ;  quadrangulaires, aux contours tracés sans règles pour éviter qu’ils soient trop incisifs ; sortes de pyramides instables d’où sortent sans cous, des têtes à peine ébauchées : des êtres  complètement intemporels donc… Ou encore, l’artiste peut choisir de disposer de petites personnes pictographiques, aux silhouettes raboteuses et aux traits rudimentaires, de façon à leur faire occuper la quasi-totalité de la toile ; le reste étant, comme dans les démarches obsessionnelles de l’Art brut, couvert de collages de fragments de journaux ou d’écritures manuscrites qui ont envahi les interstices et les marges… 

          Mais alors y a-t-il plusieurs Colette Deyme distinctes, de factures différentes ? En fait non. Car, quelle que soit la formulation, l’artiste joint à un talent inné la même véritable science de la représentation. Et finalement, sa façon de peindre est toujours la même : jamais de couleurs franches, mais un mélange harmonieux ou hardi de nuances ; une façon non pas de caresser la toile avec le pinceau, de glisser côte à côte des traces plus ou moins larges ; mais de la tamponner en écrasant la peinture à petites touches. Une technique ancienne, naïve, ramenant au temps où les peintres n’hésitaient pas à rester de longs moments sur un infime espace ; à passer, repasser de multiples épaisseurs, les unes faisant vibrer les autres ; générant des plages très lumineuses, d’autres sombres ; douces ou violentes… Une continuité, un mouvement progressif, un long travail de gestation à la fois des individus et du tableau ; où se sent la complicité entre le « faire » et le « dit » ; entre la main et le cœur de l’artiste.

          Se pose alors la question de savoir quand, pourquoi… elle s’en va dans l’une ou l’autre expression ? A partir de quel moment, lasse de l’une, elle passe à l’autre ? Et pourquoi certains tableaux sont signés à l’envers ? Il semble bien que rien de raisonné ne détermine ces avancées picturales. Qu’en fait, il s’agisse d’un jeu permanent entre Colette Deyme et la toile. Qu’elle mène de front  avec le même plaisir, plusieurs créations différemment conçues. Et que, si l’une ne lui plaît plus, elle va l’inverser, et recommencer « pareil » ou « autrement », la tête en bas, une autre « scène » ! Tout dépend en fait des rythmes qu’elle a en tête et tous les moyens sont bons pour venir à bout de sa quête perpétuelle d’une beauté toute personnelle. 

          Et le temps passe, sans que son érosion apporte la moindre ride à l’oeuvre de cette créatrice qui, imperturbable, travaille spontanément, assume de s’engager sur des idées préconçues ou au contraire accepte d’aller vers des démarches qu’elle ne maîtrise pas : respire en fait, à larges goulées,  un perpétuel air de liberté.

 (¹) Colette Deyme.

 VOIR AUSSI TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "COLETTE DEYME EN QUETE DE LIBERTE" : N° 72 Tome 2 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. Et aussi : www://jeaninerivais.fr/PAGES/deyme.htm. Et http:// jeaninefivais.jimdo0com/Rubrique  FESTIVALS  RETOUR SUR  BANNE 2003.