"SCORIES DANS LA BRUME"

OU

YANNICK G. peintre

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          Définition étonnante d'une œuvre qui, pourtant semble très présente, conséquente et homogène ! 

          Chacun connaît bien sûr le mot "brume", qui a tendance à voiler les choses, les éléments de paysages, etc. Mais ce mot "scories" pose problème, surtout que l'emploi du pluriel implique qu'il y en a de plusieurs sortes. 

Qu'en dit le Larousse ?  Scorie : nom féminin.

Sous-produit d'élaboration métallurgique, ayant une forte teneur en silicates et oxydes métalliques. 

Produit volcanique riche en vacuoles, de très faible densité, qui se forme lors des éruptions de type explosif.

Par extension : Partie mauvaise, inutile ; déchet : "Des scories dénaturent ce texte".

          Les premières définitions semblant totalement non appropriées, faut-il en conclure que Yannick G. s'appuie sur la dernière ? Qu'il considère son œuvre sans respect, sans déférence, comme perdue dans son esprit, voilée comme elle le serait dans la brume ? 

 

          Sa définition est d'autant plus paradoxale que son œuvre lourdement inspirée de Bernard Buffet est "peuplée" de personnages réalistes ou apparemment allochtones, longilignes? cernés d’anguleux traits noirs ; que la composition est très structurée, chaque tableau quadrillé de lignes noires. Que tous ces êtres conçus en un blanc grisé reposent sur de larges plages noires ou bleu foncé. Qu'ils sont tous solitaires et ne regardent jamais le visiteur. Que, placés côte à côte, ils semblent symboliser la neurasthénie d’un monde en ruine. Ce que corroborerait le fait que, peint-il des maisons, elles sont brinquebalantes ou tenues par des échafaudages ; réalise-t-il une nef d'église, les piliers sont tout de guingois  ; peint-il Don Quichotte, ce symbole le plus parodique et le plus pitoyable, il est réduit à l'extrême maigreur ; etc. !

       Autre particularité, la multitude de détails, l'effervescence, le désordre, la surabondance qui infléchit les lignes, perturbe les stabilités et suscite l'inquiétude ; de telle sorte que chaque personnage bien que statique, se retrouve dans un véritable bouillonnement. 

 

 

          Autre paradoxe par rapport à sa définition, les œuvres de Yannick G. sont résolument figuratives, outrancièrement figuratives, même ! A tel point que, sans le relier à Basquiat et ses suiveurs (puisque aucun graffiti ne s'ajoute à ses dessins), on pourrait voir en lui un émule de la "Bad Painting" par la façon dont il va jusqu’au bout d’une expressivité figurative, avec une peinture libre de tout esthétisme, de tout concept, rappelant –sans en être, une fois encore- les principes de l’Art brut. Subséquemment, une voie de la solitude.

 

          Au final, Yannick G.  ne peut pas être dénué d'une pathologie qui renvoie à la peur, à la hantise d'une inventivité qui tord, torture le réel. Un pessimiste, en somme, qui se sert de sa peinture pour supporter le monde ! Un monde contemporain qui, s'il a beaucoup de scories, n'est en rien perdu dans la brume ! 

Jeanine RIVAIS

 

TEXTE ECRIT SUITE AU XXXe FESTIVAL "BANN'ART, ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI"  DE BANNE 2017.