LES ICHTYOLOGIES PROTEIFORMES DE JACQUES BOYER

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          Autodidacte, Jacques Boyer est un créateur d'Art-Récup'. Et l'une de ses passions, presque une addiction, est la création de poissons ! Si vous aimez la nature, si la mer et ses occupants vous fascinent, arrêtez-vous devant les créations de cet enthousiaste exécutées avec les glanes qu'il a découvertes… 

 

          Des poissons ! Deux sortes de poissons, à vrai dire : 

           Les "réalistes", raides comme s'ils avaient été "naturalisés". Constitués de bois mats, avec, comme il se doit, des nageoires triangulaires. Et des corps écailleux : petits morceaux de métal rectangulaires, bruns ou bleus, serrés de façon à recouvrir complètement le support sur lequel ils sont fixés par une pointe centrale. Conçues de plusieurs couleurs, les "écailles" rendent l'animal aussi vrai que vrai. Parfois, sa gueule ouverte laisse voir d'inquiétantes dents ; ou bien, à l'instar des poissons-scie, un long rostre menaçant.

          Et puis, mêlant vie et fantasmes, la fantaisie et l'humour ont conduit "ailleurs" Jacques Boyer, l'emmenant vers d'étranges animaux : S'ils sont "à pattes", ils appuient lourdement les très militaires épaulettes qui les ornent, sur des pieds à trois doigts raides ou chaussés d'improbables grolles polychromes ; supportant  leurs corps taillés "à coups de serpe" qui évoquent vaguement un quadrilatère avec une tête découpée en triangle de chaque côté de laquelle dardent deux gros yeux ! Ceux-là sont peints de bleu imitant les écailles ou de jaune carrelé, cerné de noir épais. La nageoire caudale tantôt verticale, tantôt horizontale, triangle, carré ou pointe, est peinte ton sur ton avec le corps.

          Mais là où se pose un problème d'identification, c'est lorsque la tête arbore deux oreilles et deux énormes cornes ! Facile, direz-vous, il s'agit d'un poisson/vache ! Erreur, car incontestablement, la bête présente un groin troué de deux naseaux ! Alors, finalement, cochon ? A chacun sa liberté d'interprétation ! Car, comme dans toutes ses autres compositions, Jacques Boyer est ambigu, ne permettant au spectateur aucune analyse définitive ! 

 

          En tout cas, réalistes ou fantaisistes, il reste à se demander si les créatures de notre ichtyologue ont un sexe ? Si, subséquemment, elles se reproduisent ou si chacune appartient à la génération spontanée (sans vouloir nier le travail de l'artiste) ? Si elles ont une vie sociale, car il ne les présente jamais en groupe ? Par quelle évolution temporelle ou biologique elles sont devenues 

   Et c’est ainsi que, de ses entités liées à des trouvailles de hasard, à ses ébauches piscicoles générées par des imaginaires exotiques, Jacques Boyer choisit son "dit" au gré d’évolutions, de rythmes qui lui conviennent, d’enchaînements qui le font rêver. En même temps qu'ils amusent et provoquent le visiteur ! 

 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU XXXe FESTIVAL "BANN'ART, ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI"  DE BANNE 2017.