LES "COUTURAGES" TEXTILES DE VERONIQUE REYNAUD

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"Quand on ne sait pas dessiner, on peut faire des images avec de la colle et des ciseaux, et c'est pareil qu'un texte, ça dit la même chose". Jacques Prévert.

          Rien ne prouve que Véronique Reynaud ne sait pas dessiner ! Mais son choix a été de préférer à une peinture, un travail situé entre le journal intime, la biographie et l'histoire de vie ; minutieux et sensible ; qui lui permet d'utiliser différents médias selon des modalités différentes. D'ailleurs, est-il bien juste d'utiliser à son propos le mot "collage", alors qu'il faudrait sans doute plutôt dire "couture" ou mieux encore inventer le mot "couturage" ? Ce choix s'expliquant peut-être par la volonté d’établir une franche rupture avec les normes de la composition picturale ; multiplier les approches et les interprétations ; produire des effets inattendus et des significations indépendantes de celles auxquelles le visiteur est habitué.

          Et puis, une paire de ciseaux ne vaut-elle pas un crayon ou un pinceau ? Véronique Reynaud a bien compris que le collage est une bonne façon de lire les images, de les comprendre, de leur donner une vie nouvelle. Pour elle qui, apparemment aime la nature, les fleurs et les petits oiseaux (comme il est dit en poésie), elle a choisi de combiner ces éléments pour composer ses œuvres.

     Ainsi part-elle de son pan de tissu blanc sur lequel elle dispose ses plages fleuries préalablement peintes, brodées ou réalisées avec des encres ; parfois dispersées sur la toile, d'autres fois si drues que le fond n'apparaît plus. Elle les retient alors de quelques fils délicats, rebrodés à même le tissu porteur. Une manière comme une autre de retisser du lien. Car broder, c’est jouer avec les choses, les mêler, "faire croire que", affirmer en somme  la magie du couturage. De sorte que, parmi les dés, les machines à coudre et les morceaux d'étoffe tels qu'on les imagine dans son lieu de travail, ses tableaux en gestation sont autant de touches de couleurs.

      Ces éléments fixés, il lui faut créer un autre lien les rattachant les uns aux autres : Commence alors une progression labyrinthique de fines tiges ajoutant des jambes menues à un gymnaste à peine décelable noir sur noir ; réunissant tel oiseau à tel bouquet, etc. ; la toile se couvrant ainsi de lignes arachnéennes. Parfois, l'artiste va même jusqu'à broder à l'ancienne une partie du contour de l'œuvre ; ajouter quelques tubulures colorées ; quelques bâtonnets qui vont raidir l'ensemble ! Le tout non encadré, et supporté par de simples branches ; pour garder le caractère primitif de l'œuvre. 

 

          Une question surgit : En coupant, peignant, cousant, décorant… qu'apporte à Véronique Reynaud ce mélange de styles ? Alors qu'elle pourrait, par exemple, tout simplement coller les éléments… Il semble bien que, pour elle, il ne s'agisse pas simplement d'un geste, que ce soit une attitude. Que cela signifie prendre son temps. Qu'il soit important d’aller doucement. Qu'en se contentant de coller, elle ne retrouverait plus la magie du geste ; et surtout, toutes étapes accomplies, que le "rendu" ne serait pas le même parce que cette façon de faire, ce mélange de techniques font vibrer l’œuvre. Que le fait, enfin, de conjuguer les avancées, en cette démarche inaccoutumée et complexe, lui permette de mélanger des techniques traditionnelles avec des techniques contemporaines. Qu'aujourd’hui où chacun court sans cesse et fait tout vite, elle se pose, et retrouve le geste ancestral. 

 

Ainsi, de délimitations en superpositions, d'appositions en juxtapositions… Véronique Reynaud a-t-elle généré une particularité stylistique au charme esthétique extrême ; créé une nouvelle réalité, éloignant les images originelles de leur signification pour les métamorphoser et en composer d'autres, surprenantes, curieuses, et belles, d'une facture très personnelle.

Jeanine RIVAIS

 

TEXTE ECRIT SUITE AU XXXe FESTIVAL "BANN'ART, ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI"  DE BANNE 2017.