PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003.

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

 

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PREFACE DU CATALOGUE

 

ET VOGUE L’ART SINGULIER !

 

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N’est-ce pas déjà la Préhistoire, cette aube des années 60 où, filtrant depuis quelques décennies hors de l’anonymat de murs asilaires ; s’échappant du secret de jardins inconnus, une véritable fontaine de jouvence de créations autodidactes était soudain considérée comme un art à part entière ; et soulevait une vague sans précédent d’admiration, d’étonnement et de sympathie ? Tout cela tournant autour de Jean Dubuffet, qui appelait « Art brut » cette production de « l’homme du commun à l’ouvrage ». Créait pour lui un musée. Et interdisait carrément à quiconque l’emploi de ce mot. 

Les événements se sont ensuite précipités : à cause de cette interdiction, il a fallu inventer d’autres vocables. Les imaginaires les plus divers se sont mis en branle. Journalistes, poètes, écrivains… ont déployé des trésors de fantaisie. Le tout couronné par l’exposition parisienne de 1978, Les Singuliers de l’Art. L’aventure était sur de bons rails. Et dès lors, l’Art hors-les-normes, l’Art spontané, l’art différencié, la Création franche… en un mot l’Art Singulier, avançaient  irrésistiblement vers une reconnaissance de plus en plus large et passionnée.

Alors, tels des champignons parés de leurs plus belles couleurs, des musées ont jailli du néant : Axé sur l’imaginaire paysan, arrivait bon premier, sans se soucier des autres, Candide et son Petit Musée du Bizarre (1968). Puis venaient le Musée d’Art brut et la Neuve Invention implanté à Lausanne (1976) ; La Fabuloserie du couple Bourbonnais, Musée d’Art Hors-les-Normes (1983) ; l’Aracine de Madeleine Lommel, Musée d’Art brut (1986) ; le Site devenu Musée de la Création franche de Gérard Sendrey (1989) ; l’Art en Marche de Luis Marcel (1994) ; la Collection Cérès Franco d’Art contemporain (1994). Au fil des années, tous ont triplé, quadruplé leurs collections, sont devenus de véritables ruches vite trop exiguës. Et l’histoire a filé à toutes jambes : Candide, hélas, a quitté pour d’autres cieux son monde de petits personnages chantournés avec amour ; la Fabuloserie fête ses vingt ans ; l’Aracine a migré vers des lieux plus spacieux et prestigieux, et le Musée de la Création franche s’apprête à en faire autant. Le Musée de l’Art brut et la Neuve Invention s’impose sereinement, qui a pris le caractère quasi-sacré des mythes fondateurs ! Et tous sont devenus de véritables institutions affirmant leurs différences ou leurs tendances souvent voisines.

Parallèlement, des revues  ont pris une ampleur considérable : Gazogène, l’Amateur, Les Friches de l’Art, Regard… et surtout, véritable mémoire de l’Art Singulier depuis près de quarante ans, Le Bulletin de l’Association les Amis de François Ozenda.

Tous ces axes animés par des amateurs fous de singularité constituent désormais les piliers d’une création floribonde située en marge des circuits officiels. Auxquels manquait, bien sûr, le sceau des créateurs eux-mêmes ! Prenant conscience de ce manque et parce qu’ils voyagent avec leur cœur plus qu’avec leur raison, quelques-uns ont oublié pour un moment leur œuvre personnelle pour proposer à d’autres des espaces où montrer les leurs. Ainsi a débuté l’ère des festivals qui depuis s’épanouissent dans des villages devenus lieux de convivialité, dépositaires de mille œuvres multiformes ; et noyaux de rencontres amicales développées autour d’imaginaires débordants de vie et de couleurs : Le premier est né à Roquevaire, en 1990, autour de la Maison de Celle qui peint, de Danielle Jacqui. En 1994, les montagnes savoyardes ont soudain résonné des échos de cette singularité, transbordée par Louis Chabaud à Praz-sur-Arly… D’autres ont suivi, le cadet en Ardèche, à Banne sous la houlette de Marthe Pellegrino. Enfin, le dernier-apparu, Le Printemps des Singuliers organisé à Paris par Nadine Servant, a drainé vers lui une foule tellement immense que ne subsiste aucun doute : en ce début de XXIe siècle, la fête singulière bat son plein ; L’Art singulier vogue à toutes rames !

 

Lors du défilé final, Louis Chabaud fait au revoir à la foule des artistes et des visiteurs.
Lors du défilé final, Louis Chabaud fait au revoir à la foule des artistes et des visiteurs.

          Eté 2003, Praz-sur-Arly, petit village « pralinais » est pour la sixième fois en émoi. « Pralinais », à lui seul cet adjectif suggère la douceur piquante de cette manifestation qui propose sans ostracisme un large éventail de tendances marginales. En fait, avec sa verve intarissable de baladin du bord des routes, Louis Chabaud se préoccupe peu de tendances. A coups de cœur, il choisit parmi cette manne, les productions qui suscitent en lui le plus d’émotions. D’où l’éclectisme des expositions qu’il organise. Son enthousiasme a d’ailleurs été si communicatif qu’il a entraîné à sa suite tout le village, rendant de ce fait son festival encore plus unique : Divers organismes prêtent les cimaises ; des habitants logent les artistes invités ; d’autres, à tour de rôle les sustentent… Un véritable bourdonnement biennal s’est instauré, auquel se joint un public nombreux, venu parfois de fort loin !

Au point qu’il faut dire et redire combien ce festival ouvert à la fois sur la marginalité et sur le monde, a grandement contribué à élargir la réputation et l’influence de cette aventure hors normes dont la richesse picturale et sculpturale et l’impact artistico-sentimental n’ont pas fini de surprendre !

Jeanine Rivais.  

 

Comment, alors, ne pas être triste, à l’idée que, « faute de combattants » disparaîtra peut-être (ce « peut-être » peut-il être encore porteur d’espoir ?) ce festival qui avait acquis en neuf années une réputation internationale. 

Faisons confiance à la volonté des deux fondateurs, Louis et Paulette Chabaud, pour trouver de nouvelles bonnes volontés. Et pour que, de ce « peut-être » jaillisse en 2005, un nouveau cru de Singuliers de l’Art !