PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

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CINQ QUESTIONS A MARTIN LARTIGUE

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      Jeanine Rivais : Depuis combien de temps créez-vous ? Et quel a été votre itinéraire pour parvenir à votre création actuelle ?

Martin Lartigue : Je peins depuis les années 70. J’ai commencé par l’abstraction. Ensuite, j’ai fait de la bande dessinée. Et puis, j’ai laissé tomber pendant une dizaine d’années. J’ai repris avec la figuration. Et maintenant, je me trouve mêlé à cette forme d’art que l’on appelle l’Art singulier.

 

J. R. : Pensez-vous que votre passage au cinéma, et le fait d’avoir travaillé séquence par séquence, aient joué un rôle dans le fait que vous ayez réalisé des bandes dessinées ?

M. L. : Peut-être par rapport à la notion du jeu, de l’amusement. Et surtout de la périodicité de mon travail. Je suis incapable de faire toujours la même chose. Mais j’ai besoin d’un support narratif.

 

J. R. : Vous êtes donc en plein paradoxe : Si on éprouve le besoin d’être narratif, comment peut-on être en même temps abstrait ?

M. L. : C’est justement parce que j’ai besoin d’un support narratif que j’en suis venu au figuratif. Quand on fait de l’abstrait, on part un peu au hasard. Or, j’ai besoin d’être structuré. Peut-être parce que je ne le suis pas trop moi-même, j’ai besoin de l’être dans ma création. 

 

J. R. : Quelle définition donnez-vous de votre travail ? Je m’aperçois qu’il a beaucoup changé en deux ans. Celui que j’avais vu auparavant était en effet très narratif. D’ailleurs, vous racontiez à propos de chaque toile, une histoire ou un conte. Il me semble, maintenant, être plus découpé, comme si vous reveniez à la bande dessinée. Nous sommes dans un travail plus épisodique que narratif ; dans de petits « passages » et non dans une histoire tout entière dite sur une toile. Qu’est-ce qui vous a fait changer? 

M. L. : C’est que le propos devient pour moi plus clair, plus net. J’en arrive à une conception plus simple.

 

J. R. : Qu’entendez-vous par « plus simple » ?

M. L. : Plus lisible pour tout le monde. Plus évidente à regarder. C’est en même temps une création que je mène en parallèle avec un travail de céramique, et je crois que cela m’amène à être plus décoratif. En fait, je crée en céramique avec très peu de moyens, deux ou trois couleurs en plus de la couleur de la terre. C’est un travail assez primitif. 

 

J. R. : Vous pensez donc que ce travail assez austère peut influencer votre peinture qui, elle, est foisonnante… toutes organisées autour d’un personnage central…

M. L. : C’est peut-être pour cela que je les trouve plus décoratives, plus agréables à regarder.

 

J. R. : Pourtant, j’ai un peu de nostalgie. Il me semblait que les toiles que j’avais vues les années précédentes étaient extrêmement décoratives, mais pas au sens un peu péjoratif que l’on donne souvent à ce mot : elles témoignaient d’un sens de la couleur, un sens des rapports des éléments qui me semblaient remarquables. 

M. L. : Je ne me rends pas bien compte de cette différence. Je vois plus la continuité de ma recherche. Je ne sais pas en fait ce que je cherche. Je recherche peut-être moins l’harmonie ?... 

 

J. R. : Prenons cette grande toile que vous intitulez « La loi du Milieu », elle est véritablement structurée comme une bande dessinée. Elle comporte différents épisodes suggérant une scène de violence. Pourquoi ce besoin de les séparer, alors qu’ils participent d’une même « histoire », et pourraient être tous sur le même plan ?

M. L. : Je pense que c’est plus de la fresque que de la bande dessinée. D’abord, c’est muet. Et l’espace est réduit. Et surtout, il ne faut pas le prendre au premier degré : c’est l’histoire d’une famille, les ancêtres, les parents, toute une saga, avec en plus des valeurs morales, le bien, le mal dont nous avons beaucoup entendu parler ces derniers temps… J’ai voulu exprimer tout cela avec une espèce d’équilibre qui ne veut peut-être pas dire grand-chose. Mais j’ai voulu montrer qu’en fait, chacun fabrique son milieu. 

J. R. : Puisque nous sommes dans un festival qui se définit dans cette frange de la marginalité, quelle définition donnez-vous de l’Art singulier ?

M. L. : C’est une mouvance sans école. Ni Dieu ni Maître, en somme. Mais je pense que, malgré nous, nous subissons des influences. Mais, tout de même, je crois que nous sommes moins cernés par les écoles classiques. Je m’en réjouis. J’aime cette époque où chacun peut créer pour soi !

 

J. R. : Comment estimez-vous que votre œuvre s’y rattache ?

M. L. : Dans le sens où je peux affirmer ce que j’ai envie de dire par ma peinture, sans que cela gêne les autres. Bien sûr, nous sommes dans une époque où il y a tellement d’images, qu’il est normal de trouver dans chaque œuvre des résurgences inconscientes. Mais j’aime bien le retour à des choses un peu simples. 

 

J. R. : Puisque vous avez déjà exposé au Festival de Praz-sur-Arly, quelle définition en donnez-vous ?

M. L. : Je m’y sens très bien parce que je le trouve très convivial et en même temps très respectueux de chacun. 

 

J. R. : Enfin, Quelqu’un a écrit que la création artistique est une mise en forme de sa douleur. Votre œuvre correspond-elle à cette définition, ou au contraire est-elle pour vous, pur plaisir ?

M. L. : Elle me permet en tout cas d’exprimer des choses que je ne pourrais pas dire. En ce sens, elle permet sans aucun doute de soigner l’être. C’est pour cela qu’il est important de ne jamais cesser de créer. 

 

J. R. : Vous êtes quelqu’un de tout à fait timide. Deux choses me surprennent, chez vous : Si vous étiez un enfant timide, cela vous a-t-il été facile d’être acteur ?  Et maintenant, avez-vous le sentiment que votre peinture dit ce que vous ne dites plus avec des mots ?

M. L. : J’étais déjà très timide quand j’étais enfant. Mais je crois que c’est de grandir qui m’a rendu la vie difficile. Sans doute ai-je « manqué quelques marches » ?  Je suis assurément plus bavard dans ma peinture que dans la vie. Je ne sais pas si je suis violent ?...

 

J. R. : « Profond » conviendrait sans doute mieux ? 

M. L. : Oui. En tout cas, c’est bien ce que je cherche dans ma peinture. 

 

J. R. : Quels sont vos projets ?

M. L. : Arriver à peindre de grandes fresques. Bien que nous vivions à une époque où ce genre de choses ne serait pas conservé. Mais en fait, je ne me soucierais pas qu’elles durent.  

 

J. R. : Pourtant, tout artiste n’a-t-il pas envie que son œuvre soit pérenne ? 

M. L. : C’est possible. Mais alors elle devient un art figé. Je n’aime pas la convention. Par exemple, acheter un support quand il en existe partout autour de soi, me semble inutile. C’est pour cela que j’aime bien la céramique : le support est autre que la plage déterminée, enfermée dans un cadre ! Le support de hasard, voilà ce qui m’intéresse. 

Pour le moment, cette idée de fresque est à l’état de rêve. Je n’ai pas encore de projet concret sur cette idée. 

 

Entretien réalisé le 28 juillet 2003.

 

 

LARTIGUE Martin : TEXTES DE JEANINE RIVAIS :  "ARRETS SUR IMAGE POUR MARTIN LARTIGUE". Et "ON A RETROUVE LE PETIT GIBUS : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°71 de JANVIER 2002, Ve FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY. 

TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  N° 71 de Janvier 2002, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, dans le cadre du Ve festival de Praz-sur-Arly. 

Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 2001.

Et aussi : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS BANNE 2002.

Et "CINQ QUESTIONS A MARTIN LARTIGUE" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°75 Tome 1, Août 2004, VIe FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY.