PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

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CINQ QUESTIONS A ANTO

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Jeanine Rivais : Avant d’aborder les cinq questions traditionnelles, « Anto » est-il votre véritable nom, ou un pseudonyme ? Et dans ce cas, pourquoi « Anto » ?

Anto : C’est un pseudonyme. Je m’appelle Laurent Michel Vessières qui est très long. Je faisais, au début, de tout petits formats, il me fallait donc un nom court. J’ai réfléchi à plusieurs thématiques autour d’un nom. Et comme j’aime beaucoup l’attirance des contraires, j’ai choisi « antonymie » et aussi  « anthologie » par rapport aux peintres qui m’ont précédé et à l’amour que j’ai pour eux. C’est en somme un hommage, une envie de pérenniser leur pouvoir attractif et leur création. 

 

       J. R. : Vous vous êtes donc situé d’emblée dans une démarche littéraire et non pas picturale ?

A. : Voilà. C’est une démarche que j’aime bien, puisqu’on peut aussi y inclure « Antonin Artaud »… 

 

        J. R. : : Depuis combien de temps créez-vous ? Et quel a été votre itinéraire pour parvenir à votre création actuelle ?

        A. : J’ai commencé à Cabo Depalos, en Espagne. Nous étions en vacances. J’avais dix ans, et je voyais mon oncle qui peignait. Je le regardais dessiner la famille. C’est à cette époque-là que j’ai donné mes premiers coups de crayon, mes premiers coups de pinceau. Par la suite, j’ai longtemps travaillé avec mon oncle pour qui j’avais la plus grande admiration. 

        Plus tard, alors que j’habitais à Reims,  j’ai fréquenté le cours d’animation de Charles Leipzig. Il a présenté nos films à un Festival de Jeunesse de Zagreb, et j'ai obtenu le Premier Prix. 

        Je peins depuis ce temps-là. J’ai quitté l’école à quinze ans, et les seuls cours que j’ai suivis depuis ont été ceux de la vie ! Dans les années 75/76, j’étais un peu livré à moi-même, un peu vagabond, je suis parti en Belgique et en Hollande. J’ai toujours eu la certitude qu’il m’était inutile de poursuivre des études, parce qu’aucune ne m’amènerait à ce que j’avais envie de faire. 

        Après avoir écouté tellement de musique, j’ai décidé de m’y consacrer, tout en continuant à peindre, mais sans chercher à vendre. J’ai organisé des concerts de rock. 

 

        J. R. : Pensez-vous que cette musique jazzy puisse avoir eu une influence sur le côté très rythmé de vos œuvres à plusieurs personnages ? 

      A. : Je pense que oui. Que cela m’a mis en tête des surfaces colorées, des gammes chromatiques. Mais je crois surtout que le fait d’avoir vu tellement de monde est devenu chez moi quelque chose d’obsessionnel. Avancer, avancer toujours. Voir des gens qui meurent sur la route. Rencontrer des personnes que vous ne verrez plus jamais. Il y a en moi une présence fantomatique dont je n’essaie de garder que les bons moments. 

        Je me suis vraiment mis à la peinture vers 1986. J’ai été aidé par un grand décorateur parisien qui s’appelait Jouen. Il n’était pas artiste, il avait une société de construction. Il m’a donné le départ. J’ai réalisé dans ses ateliers des copies de Lautrec pour le Moulin-Rouge, des peintures un peu bizarres pour le Lido. Puis, j’ai rencontré des gens qui faisaient du cinéma. J’ai commencé à faire des clips. J’ai travaillé dans la publicité… J’ai à cette époque-là complètement rompu avec la peinture. 

        J’y suis revenu en 91. 

 

       J. R. : Quelle définition donnez-vous de votre travail ?  Si je regarde vos personnages, ils sont tous de face, et fixent de leurs gros yeux ronds, l’espace en off. Que regardent-ils ? Le spectateur ? Ou leur monde bien à eux ?

      A. : En fait, je leur dessine de gros yeux ronds à cause du rapport observateur/observé, et du monde intérieur.

 

        J. R. : Malgré l’apparence, ce sont donc des introvertis ?

      A. : Des introvertis qui essaient de communiquer. Le rapport à la communication est très important dans mon travail. Et j’essaie chaque fois de le faire passer. Donner une force, une implication réelle à observer l’intérieur de l’humain, à travers les mondes de ces petites personnes…

 

        J. R. : Vous parlez de communication entre vos personnages. Or, il semble évident qu’il n’y en a aucune. Que, s’ils sont bien côte à côte, ils ne se regardent jamais. Il en va de même lorsque vous avez établi un décalage entre eux, soit de taille, soit de position géographique. Tableau après tableau, cela se reproduit : lorsque vous avez mis cette petite fille et son canard, en fait elle ne regarde pas l’animal qui a l’air de s’en aller de son côté.  Et même sur un grand tableau où vous avez peint un couple, l’homme semble tendre la main vers la femme, mais elle paraît tout à fait indifférente… 

       A. : Bien sûr, toutes les histoires peuvent se décliner. Je parle de la première image que l’on « crée » et qui est une sorte de leitmotiv à travers une œuvre. A partir du moment où un artiste a compris quelque chose à travers sa peinture, il a mis le doigt sur un point névralgique. L’idée qui le pousse à continuer de travailler et de créer, c’est cette volonté de communier. L’envie de sentir l’autre et d’établir sa relation à son histoire. Dans le cas de la petite fille et de son canard, chacun va vers son ciel. Le corps de la fillette est de la même couleur que son ciel. Le canard s’éloigne en pensant à elle. Tout est une histoire faite de petites histoires que chacun va se raconter devant mon tableau, et qui va les mettre en relation. 

          J. R. : Certes, il y a tous les éléments d’une cohabitation, harmonieuse d’ailleurs : nous sommes dans la campagne, il y a des petits personnages qui peuvent faire le lien. Mais tous ces personnages regardent vers un même point situé manifestement en off du tableau… S’ils communiquent, c’est par votre volonté, mais vos personnages ne semblent pas en manifester le désir…

       A. : Evidemment, il y a là une ambiguïté. Vous regardez une scène, vous êtes l’observateur. Vous êtes dans la scène, vous ne vous voyez pas agir. Cette relation est un peu évanescente. C’est pour cela que les rapports entre mes personnages sont une juxtaposition d’états d’âme, de positionnements. Le travail des mains est très important. En fait, mes personnages ont des mains pour toucher ; deux yeux pour voir ; rarement des oreilles parce que les gens n’écoutent pas forcément l’histoire de l’Autre.  Le vrai discours serait que les gens doivent communiquer pour « avoir la même couleur ».Mais il y en a toujours un qui est différent. La différence, c’est l’iris de Van Gogh, c’est la capacité d’écoute ou pas. Si je leur mettais de grandes oreilles, elles signifieraient « écoutez-moi ». Là, ils ont de grands yeux, et signifient « regardez-vous et apprenez à vous écouter ». Le phénomène d’absence crée une interrogation chez le spectateur.

 

          J. R. : Venons-en aux questions formelles : Il semble que vous n’employiez que des couleurs de terre ? On pourrait presque dire des « couleurs de campagne», et toutes les nuances de verts, passant par des bleus et des bruns. Pourquoi cette détermination d’avoir des teintes si proches les unes des autres ? Pour vous, le bonheur, en somme, est dans le pré ?

          A. : Je pense que ce choix de ce que vous appelez « des couleurs de campagne » tient au fait que j’ai toujours vécu dans la ville. J’ai à l’esprit l’envie de me rapprocher de la terre. Je ne dirai pas que « le bonheur est dans le pré » ; mais que nous sommes sur une terre que nous devrions considérer de telle sorte que nos enfants puissent continuer d’y vivre. Or, avec tous ces problèmes de pollution, il n’en sera peut-être rien.

 

        J. R. : En somme, votre démarche se voudrait militante, sans que le militantisme apparaisse dans vos œuvres ? Ce que vous montrez, c’est votre rêve, votre utopie. Quand je vois un coq, c’est le symbole de la campagne. Ces multiples petits détails suggèrent vos nostalgies, et montrent non pas les dégâts que vous reprochez à notre civilisation, mais ce que vous rêvez qu’elle pourrait être ?

         A. : C’est l’absence de réalité. La réalité est forcée dans le contraire. Trop montrer génère une redondance. Or, je préfère la nuance et le côté caché. Qui joue à cache-cache va se retrouver dans des pays intérieurs différents. Représenter la réalité, c’est comme prendre un appareil photos. Il s’agit donc de créer un univers, dégager une force qui soit nos symboles. 

 

          J. R. : Diriez-vous que c’est parce que vos personnages sont empêchés d’ « aller vers… », d’ « aller jusqu’à… » que vous ne les représentez que par des têtes ? Au mieux, ils ont deux bras, mais atrophiés et minuscules et jamais de jambes.

          A. : Je pense que la tête est plus forte que le corps. Elle agit plus rapidement qu’un corps. Si surgit une idée, elle l’explore en une fraction de seconde, alors que jamais vos jambes ne vous emmèneront d’un point A à un point B dans le même temps ! 

          Mais je ne les prive pas pour autant tous de jambes. Il m’arrive d’en mettre dans certains tableaux. Plutôt que de mains atrophiées, je préfère « mains à trois doigts » : ce parti-pris est basé sur l’idée d’une tête bien remplie, une main pour agir, et un air moqueur. 

 

          J. R. : D’un point de vue esthétique, on peut dire que votre monde correspond aux normes du monde habituel, avec des hommes et des femmes ; la différence se faisant non par les bustes puisque le plus souvent ils sont absents ; mais par les cheveux. Ce sont, chez les femmes,  des sortes de crochets qui s’enchaînent sur le même principe géométrique que les frises scolaires de naguère. Alors que la plupart des hommes sont chauves. Est-ce, dans leur cas, un transfert par rapport à vous ?

          A. : Non. Pas du tout. Les cheveux sont une différence essentielle dans la vie. Un personne est brune, l’autre rousse… Chacun marque son identité par la couleur de ses yeux, la forme de sa bouche et la couleur de ses cheveux. J’essaie de gommer ces différences pour représenter non pas l’idée d’un homme brun, roux ou blond, mais  donner l’idée d’un être unique. J’introduis dans les cheveux des femmes plus de drapé, un soupçon d’érotisme.

 

          J. R. : Il faut donc en conclure que vous peignez de façon récurrente, toujours le même homme et toujours la même femme. Et qui seraient Anto et sa femme ? Votre peinture serait donc une histoire de famille ? 

        A. : Ce sont plutôt mes envies, mon regard sur l’Autre. Si j’aime une femme, c’est que j’aime toutes les femmes ; si j’aime mes enfants, c’est que j’aime tous les enfants… 

 

        J. R. : Mais dans ce cas, nous parvenons à une sorte de stéréotype qui doit être assez angoissant ?

          A. : Justement, c’est cette angoisse qui sert  à se prolonger, à réagir, à se mettre en phase de façon permanente. Ce que j’essaie d’apporter, c’est cette nuance dans le stéréotype. Ce qui est intéressant, c’est la nuance. Pas le stéréotype dans lequel vous trouvez l’inconscient collectif, le fait de véhiculer des choses basiques. 

 

         J. R. : Votre façon de dessiner les visages me laisse néanmoins perplexe : certains sont triangulaires et nous sommes dans le stéréotype que vous venez d’évoquer à l’instant avec le triangle complet  et la bouche bée, si le personnage est de face ; ou réduit à deux côtés si les personnages sont latéraux. Par contre d’autres ont la bouche vermiculée. Pourquoi ces différences tellement connotées ?

         A. : Si on veut rendre une expression avec seulement quelques traits, il faut choisir des symboles très rapides. Si mon personnage est mécontent, la bouche va décrire un arc de cercle tombant ; s’il sourit, ce sera l’inverse… Ce sera une barre s’il ne dit mot… Et à travers tout ce que fait le peintre, seront lisibles ces états d’esprits.

 

         J. R. : Et les cœurs ? Vous m’avez répondu que le troisième doigt symbolisait les cœurs. Mais où sont-ils ?  Dans les yeux ?

        A. : Ils sont dans les yeux, dans les paysages. Ils sont en suspension  ou au contraire rattachés au sol. Ils sont n’importe où, de n’importe quelle couleur. Ils choquent. Ils viennent en résonance par rapport aux autres couleurs du tableau. Ils font ressortir ce côté de l’amour, de ce que l’on a envie de mettre dedans. Ce sont des cœurs à moitié vides, à moitié pleins, cernés une fois, dix fois, vingt fois, avec une flèche, sans flèche, avec un trou, un soleil à l’intérieur… avec un serpent, un hippocampe… 

 

        J. R. : Nous sommes partis du principe que votre travail est narratif, et que ces personnages n’ont que leurs yeux pour me parler. Ils me regardent. Et, de regardeur je deviens le regardé. Et, suivant l’inclinaison des yeux, ils vont me dire qu’ils sont tristes, gais, horrifiés… En fait, ma subjectivité va faire une grande partie du chemin. Par contre, si j’en reviens à cette petite fille avec son canard, je suis vraiment dans une histoire, dans la narration. Comment expliquez-vous ces différences ?

        A. : Le principe de narration n’est pas strictement défini. J’ai deux manières de travailler : L’une qui est pure, dans la simplicité, dans le tracé d’une histoire ; et l’autre qui va dans la complexité, l’approfondissement des choses : je travaille alors plusieurs couches, je vais y apporter une strate de personnages en premier plan, d’autres en second plan. En fait, je retrouve le langage du cinéma. Je suis donc dans un problème de multicouches, et je vais travailler par séries qui vont dire une chose, puis passer à une autre série… 

         J. R. : Quel sera l’intérêt d’une série par rapport à une œuvre unique ? 

         A. : Je ne crois pas aux chefs-d’œuvre. Je ne crois pas à l’œuvre qui exprimerait à elle seule tout ce que j’ai à exprimer…

 

         J. R. : Vous pensez donc que toutes les nuances apportées par cette série, vont exprimer une seule idée ? 

        A. : Oui. Nous sommes issus de la terre, donc nous aurons une série où les personnages sont craquelés, et qui vont défendre la dernière fleur à préserver. Attention dans une autre,  à nos ciels orangés qui peuvent être le danger nucléaire… Cependant, j’évite d’exprimer l’idée directe. Je préfère la poésie au service d’une idée. 

 

         J. R. : Pour terminer, y a-t-il quelque chose qui vous semble important, et que nous n’aurions pas évoqué ? Que vous voudriez ajouter ? 

         A. : Oui, le rapport à l’enfance qui, dans mes toiles, n’est pas innocent. Il y a des êtres qui regardent le spectateur, des êtres qui ne sont pas formalisés, qui sont non-représentatifs, pas « bien » dessinés, et qui gardent cette « âme d’enfant ». Ce qui génère un regard, une introspection sur le regardeur. C’est un peu une leçon : vivons les choses en nous souvenant de ce que nous avons été. 

 

         J. R. : L’enfant serait donc en fait votre témoin. Le témoin de ce que vous devriez toujours être ?

         A. : Oui. En fait, plus l’on vieillit, plus l’on s’approche de ce qui vous détruit. On rentre dans un système progressif. On veut ou on ne veut pas jouer dans ce système. Or, l’artiste, de par sa création, a la possibilité de ne pas y jouer. Et quand il travaille à travers tous ses moments de vie passés, qu’il a vu ses amis se perdre, « faire des bêtises », perdre leurs enfants, leurs femmes, il réalise que tout cela est inhérent à la phase adulte, à la dégradation naturelle qui l’amène à une mort certaine…

 

         J. R. : Tout cela n’est pas très optimiste ! 

         A. : Jamais. La poésie n’est pas optimiste.

 

       J. R. : Puisque vous êtes pour la première fois à Praz-sur-Arly, c’est pour vous une découverte : quelle définition donnez-vous de ce festival ? Et comment le rattachez-vous à l’Art singulier ?

         A. : Il y a ici une gamme d’artistes « éclatée», pas forcément limitée à des « Singuliers » : beaucoup ici ont suivi des cours, alors que,  selon la définition, ce terme s’applique à des autodidactes. 

        Le regard de Louis Chabaud sur « son » Art singulier, « son » Art hors-les-normes est un regard bien spécifique. C’est d’abord un regard à travers sa propre route ; à travers son amour. Et il y applique une telle subjectivité qu’il a fait de Praz-sur-Arly l’un des meilleurs festivals que je connaisse. Il a une vraie sélection. Tous les artistes qu’il choisit ont un grand talent. C’est un label de qualité. Ce sont des voyous bordeleurs. Ils accueillent les nouveau-venus comme moi, tout à fait naturellement. Ils ont une vraie amitié de départ. Chacun est directement accepté par Louis et par les amis de Louis. Chaque « nouveau » se retrouve donc dans une situation particulière où il n’a même pas besoin de joker, il est directement assimilé. Ce qui est pour moi assez étonnant, parce que je ne travaille pas d’habitude sur les circuits de l’Art singulier.

 

         J. R. : Quelle définition donnez-vous de l’Art singulier ?

    A. : J’ai jusqu’à présent essayé d’être le plus discret possible par rapport à l’Art singulier qui est, me semble-t-il, clairement défini. J’ai rencontré Louis dans une manifestation artistique à Cherbourg, où étaient représentées toutes les formes d’art. Je ne crois pas qu’un véritable artiste ait besoin d’aller frapper à des portes en disant : « Me voilà, j’appartiens à ta mouvance ».

 

        J. R. : Quelqu’un a écrit : « La création artistique est une mise en forme de sa douleur. Votre définition de l’art est-elle conforme à cette phrase ? Ou au contraire, votre création est-elle pur plaisir ?

         A.: J’ai un peu répondu à cette question, dans les précédentes. 

         Pour le reformuler plus simplement, je dirai que, comme chacun a en lui une faille, la faille dont parlait Artaud. C’est-à-dire sa relation avec un cerveau qui, à un moment donné, perd sa structure, devient cette petite douleur qui va le faire travailler ; engendrer sa monomanie, par rapport à sa création, à ses horaires, son envie de faire… La douleur est très importante. On ne peut être un vrai artiste que si l’on a souffert, et d’une douleur énorme. Soit d’un défaut physique, soit d’une douleur mentale très forte. C’est une relation que l’on a à soi-même, une bouée qu’on lance vers l’Autre… Cette douleur est instinctive, on l’a ou on ne l’a pas. La noirceur du travail est perceptible, même lorsqu’il s’agit de douleurs très gaies. Ce qui est étonnant,  c’est que même la gaieté traitée en couleurs vives puisse impliquer une souffrance criante, comme chez Van Gogh, même chez  Crespin qui est juste à côté de moi…

 

         J. R. : Qui s’en défend bec et ongles…

       A. : Oui, en effet. Des gens comme eux, qui sont des joyeux, qui  « veulent » être des joyeux mais qui ont en arrière-plan un mal-être naturel. Cette petite douleur est bien là. L’artiste sait la cerner, la mettre en scène à travers ses peintures ; à travers sa vie. Il a besoin de pleurer, de lâcher des vannes pour exister. C’est cette petite douleur qui le fait avancer, se mouvoir, se mettre en cause, se mettre en péril, se mettre en risque à travers sa création. C’est là où il devient intéressant . Là où se situe l’émergence du vrai travail d’artiste ; l’univers d’illettré à travers cette souffrance. Et il est faux de dire que l’on va à l’atelier avec la joie. On y va avec cette petite musique, ce côté lancinant qui permettent de belles choses. 

 

         J. R. : Quels sont vos projets ? 

         A. : J’ai envie de travailler sur des formats plus grands ; de mettre en scène et en relief des sujets que j’aime ; préparer un atelier davantage tourné vers la sculpture. Sinon, d’autres vont le faire à ma place et cela va m’énerver. Cela peut sembler très formaliste. Mais chacun court toujours après cette troisième dimension. C’est aussi se mettre en péril. Se demander si l’on est capable de faire cela, de lâcher autant d’énergie à travers ces volumes, à travers ce que l’on va « raconter ». Il y a ensuite des thématiques que l’on a envie d’aborder, et que l’on repoussera, que l’on remettra à plus tard, à un moment où tout sera en résonance. Je vais donc tâtonner, aller chercher du bois, peut-être essayer autre chose ? 

 

Entretien réalisé le 28 juillet 2003.

ANTO : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES VISAGES A L'INFINI D'ANTO, PEINTRE" :  N° 75 d'AOUT 2004, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, dans le cadre du Ve festival de Praz-sur-Arly. 

Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY.

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr Rubrique art singulier. 

Et : VOIR AUSSI : "CINQ QUESTIONS A…" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N° 75 Tome 1 d'AVRIL 2004. + texte page 99.

Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS : RETOUR SUR PRAZ-SUR-ARLY 2003.