PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

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CINQ QUESTIONS A ROGER FERRARA

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          Jeanine Rivais : Depuis quand peignez-vous ? Et quel a été votre itinéraire, pour en venir à la forme actuelle de votre création ?

          Roger Ferrara : Je dessine depuis ma plus tendre enfance. A dix-sept ans, j’ai suivi des cours avec un professeur à la retraite, qui avait enseigné à Turin. Et puis, j’ai eu un autre professeur, Thérèse Henry, qui était hollandaise.

          Est-ce que ce passage avec des professeurs femmes a rendu ma peinture un peu plus poétique ? je l’ignore. En tout cas, au départ, elle était différente. Je suis passé par des formes classiques. Et puis, à leur contact, les gammes chromatiques et le dessin se sont adoucis. J’ai appris à mettre en scène mes rêves. Cela a été pour moi très important, parce qu’avant je n’y parvenais pas.

 

        J. R. : En même temps, vous êtes entré en plein dans le monde du conte.

          R. F. : Oui, tout à fait. J’en suis arrivé là, en passant par tous les stades de la technique et par toutes sortes de péripéties. Alors, quand je peins, j’aime passer d’une technique à l’autre, superposer des épaisseurs de peinture à la brosse, réaliser des glacis et autres procédés. 

          Mais maintenant, je ne réfléchis plus à ce que je vais mettre « ensuite », c’est devenu un réflexe. Une chose, cependant, est récurrente : je démarre toujours mon « histoire » par le personnage central. C’est lui qui va me donner la pulsion pour tout ce qui va venir autour. Par exemple, si je pars d’une petite fille enfermée dans une cage, c’est une cage d’amour et tout le monde vient faire le beau autour d’elle : l’un lui joue une aubade, l’autre arrive avec son vélo, un troisième vient avec son petit âne… 

 

          J. R. : On pourrait fort bien vous rattacher à la bande dessinée du fait du côté narratif de votre travail. Mais ce qui est amusant, c’est que par opposition à elle où les individus sont souvent déformés ; vos personnages ont toujours un petit côté rétro, avec des bonnets qui pourraient être de cotillon, etc. En même temps, ils ont de petits visages, parfois un peu ironiques, d’autres fois frondeurs… En fait, nous sommes dans le monde gentil de Roger Ferrara !

       R. F. : Oui, tout à fait. Il est vrai que j’ai de la difficulté à rendre ces personnages contemporains. Sans doute parce qu’ils sont toujours tirés de contes pour enfants.

 

         J. R. : Mais au fond, si vous parveniez à les rendre contemporains, seraient-ils aussi tendres, et donneraient-ils autant envie de les regarder avec soi-même le cœur si plein de tendresse ?

          R. F. : Je ne sais pas. Mais j’essaie du moins de rendre ces « contes » contemporains. 

 

          J. R. : Ces contes sont-ils « écrits » surtout pour votre petite fille ?

        R. F. : Oui, d’ailleurs elle pose des questions. Souvent, les enfants qui me côtoient copient les personnages qui sont sur mes tableaux.

          J. R. : Ce qui corrobore la tendresse dont nous parlions tout à l’heure, et implique beaucoup de poésie. 

        Venons-en à la question suivante : Quelle définition donnez-vous de votre travail?

          R. F. : Je suis venu un peu par hasard vers les Singuliers, parce qu’en fait ma peinture ne se rattache à aucun mouvement. Mais, dans les circuits contemporains, personne ne voulait de moi. Alors, est-ce que je suis singulier, puisque ici, tout le monde m’accepte ? Je suis autodidacte, puisque je dessine depuis ma plus tendre enfance. Comme je l’ai dit plus haut, j’ai appris un peu de technique avec des professeurs. Mais cela s’est limité à pouvoir mettre en œuvre ce que j’avais à dire.

         Maintenant, quand on me demande si je me sens singulier, je réponds oui, parce que j’ai découvert une grande famille, et je sens vraiment que je suis attiré vers eux et vers leur façon de considérer l’art ; vers leur façon d’être libre.

 

          J. R. : Vous avez donc répondu à ce qui devait être la question suivante : quelle définition donnez-vous de l’Art singulier ? Mais vous n’avez, par contre, pas défini votre peinture. J’aimerais que vous y reveniez et que vous en parliez plus précisément.

         R. F. : J’ai plus de facilité à parler des autres, que de parler de ce que je fais. Je le fais, je le vois. Parfois, j’y découvre des choses, comme un simple visiteur. Comme une personne qui ne les aurait pas peintes. Où cela m’emmènera-t-il ? Je l’ignore. 

 

        J. R. : Puisque vous voilà en Savoie depuis une dizaine de jours, quelle définition donnez-vous du Festival de Praz-sur-Arly ?

         R. F. : Je trouve ce festival fantastique ! J’y ai rencontré des gens que je ne connaissais pas. J’aime pratiquement toutes les formes d’art que j’y ai vues. J’espère que ce festival va continuer, parce qu’il y a tout de même de grands espaces entre Paris où il n’y a pas de festivals, où on ne parle pas d’Art singulier ; et celui-ci qui tient largement sa place bien au-delà de la Savoie. J’ajouterai que j’ai beaucoup apprécié les dirigeants, entre autres Chabaud que je ne connaissais pas. 

 

          J. R. : Quelqu’un a écrit que la création artistique est une mise en forme de sa douleur. Votre création est-elle conforme à cette définition ? Ou bien, n’est-elle, au contraire, que pur plaisir ?

          R. F. : Pour ma part, je ne pense pas que la création soit obligatoirement « une mise en forme de la douleur ». Par contre, il est exact que lorsque j’ai eu des passages douloureux, ils ont été positifs au niveau de ma création. Je pense que c’est la même chose que pour des sportifs ? 

          Quand j’étais enfant, je n’ai jamais ressenti de la douleur. Je n’avais que de l’amour, je voyais le monde de toute beauté. Je crois que j’ai été un peu surprotégé. Je ne peux donc pas dire exactement que cette définition me convient. Mais j’ai conscience que certains artistes ne peignent que dans la douleur. Que certaines individualités ne se forment que dans la douleur.

 

J. R. : Quels sont vos projets ?

R. F. : Comme je le disais tout à l’heure, je ne sais pas où je vais aller. Au fur et à mesure de ma création, j’entrouvre des petites portes, je découvre qu’il y a derrière une part de rêve. D’autres fois, c’est un échec, alors je reviens en arrière. Je vois beaucoup de peintures. J’aime voir les peintures des autres. Et je crois que cela m’apporte beaucoup. Les douleurs et les amours des autres me servent à mettre en forme ma peinture. 

 

       Entretien réalisé le 28 juillet 2003.

 

FERRARA ROGER : TEXTE  DE JEANINE RIVAIS (1996 suite au festival de Roquevaire) : "LE JARDIN ENCHANTE DE ROGER FERRARA, peintre " : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°60 de 1997.

Et IDEART N° 51 DE FEVRIER/MARS 1997.

Et  : http://jeaninerivais.fr Rubrique Art singulier. 

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS  : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE FESTIVALS RETOUR SUR BANNE 2003.

VOIR AUSSI : "CINQ QUESTIONS A…" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N° 75 Tome 1 d'AVRIL 2004. 

Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS : RETOUR SUR PRAZ-SUR-ARLY 2003.