PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

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CINQ QUESTIONS A FREDERIC BROCHEC

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          Jeanine Rivais : Depuis quand peignez-vous ? Et quel a été votre itinéraire, pour en venir à la forme actuelle de votre création ?

          Frédéric Brochec : J’ai commencé lorsque j’avais une dizaine d’années à composer des BD. Plus tard, j’ai travaillé sur des chantiers, comme ouvrier tuyauteur. Par la suite, j’ai eu la possibilité de suivre pendant deux ans une formation de graveur. A partir de là, j’ai attaqué la gravure de façon plus personnelle. Et j’ai commencé la peinture. 

 

          J. R. : Quelle définition donnez-vous de votre travail ? 

        F. B. : Voilà une sacrée question ! Comment trouver une définition ? 

 

         J. R. : D’habitude, c’est toujours moi qui définis le travail des artistes ! Je trouve amusant que cette année, ce soit vous qui vous définissiez !

          F. B. : Oui, mais c’est très dur. C’est un truc pour nous enfermer ?

 

          J. R. : Pas du tout ! C’est un moyen de vous situer, de vous explorer.

          F. B. : Je dirai peut-être que c’est un moyen de communication. 

 

          J. R. : Je trouve cela bien vague pour un travail aussi élaboré, aussi structuré que le vôtre ; avec une « écriture » aussi personnelle !

       F. B. : Il va falloir que je le regarde mieux, alors ! Tout ce que je sais, c’est que je me raconte des histoires avec mes petits personnages. A part cela… Et personne ne me souffle, ils me regardent, là sur mes tableaux, mais ils se taisent ! 

 

          J. R. : S’ils vous soufflaient quelque chose, ce serait pour vous dire que vous avez eu la créativité de les inventer, eux qui sont si personnels. Que vous avez une telle fantasmagorie sur le papier, qu’ils s’étonnent que vous ne puissiez dire un seul mot sur vos années de création ? 

          F. B. : Non, vraiment ! Je mets tout dedans, alors après je n’ai rien à en dire ! Cela s’est fait tellement lentement, progressivement, que je n’ai aucune définition. C’est quelque chose qui est en route ! Je souhaite que cela continue !

 

          J. R. : Alors, quelle définition donnez-vous de l’Art singulier ?

        F. B. : Je m’y sens bien. Depuis que je participe à des expositions d’Art singulier, je m’y sens bien. Mais savoir si l’Art singulier est quelque chose de complètement cerné, avec une étiquette qui colle vraiment à un certain type de création, je n’en suis pas certain, parce qu’il y a gens dont l’œuvre peut entrer dans d’autres créneaux. Pour moi, ce n’est pas quelque chose de bien défini. C’est à côté de l’Art brut, et pas loin de tout ce qui peut se faire comme autres types de créations.

 

 J. R. : Quelle définition donnez-vous du Festival de Praz-sur-Arly ?

F. B. : C’est la super-fête. Un grand moment de rencontres d’artistes, de personnes, de public aussi. Quelle que soient les autres définitions, j’y passe un très bon moment. 

       J. R. : Quelqu’un a écrit que la création artistique est une mise en forme de sa douleur. Votre création est-elle conforme à cette définition ? Ou bien, n’est-elle, au contraire, que pur plaisir ?

           F. B. : Je dirai que ce n’est ni l’un ni l’autre. Une mise en forme de la douleur, c’est possible à certains moments, lorsque le point de départ, le besoin de créer procède de quelque chose d’intérieur, que je n’arrive pas à exprimer. Mais aujourd’hui, ce que je fais n’est pas du tout la mise en forme de ma douleur. Ce n’est pas non plus pur plaisir ! C’est comme si j’étais un intermédiaire pour transmettre quelque chose que je ne peux d’ailleurs pas nommer. Quand des personnes regardent mon travail, et me renvoient ce qu’elles ressentent, elles ont des réactions totalement opposées, à tout le moins différentes. Et différentes parfois de ce que je crois exprimer. Cela vient-il de leurs personnalités différentes, je n’en sais rien du tout ?

          Quant au plaisir, il est très important dans ce que je crée. C’est pour moi, la chasse à l’ennui. 

 

J. R. : Quels sont vos projets ?

F. B. : Si je pouvais, je continuerais à développer cette idée de cabane que j’installe depuis quelque temps. Construire des lieux, des images agrandies de mes boîtes. Pour moi, mes boîtes sont des petits lieux. Je voudrais vraiment avec elles,  investir totalement des lieux. 

 

J. R. : A l’image de lieux déjà célèbres, comme le Palais Idéal du facteur Cheval, la Maison de Picassiette ou l’Etrange Musée de Robert Tatin, etc. ?

F. B. : Non. J’imagine plus une invitation de quelqu’un qui a une dizaine de pièces dans son appartement, et qui m’en prête une. Je m’y enfermerais jusqu’à ce que j’y ai mis tout ce que j’aurais envie d’y mettre. Ensuite, je pourrais m’en aller ailleurs. En fait, je conçois cette idée comme la construction de lieux intimes. Pas des lieux visités par des milliers de personnes ! Créer des lieux comme cette cabane, où une fois entrés, les gens sont tranquilles…

 

J. R. : Mais cette idée d’une présence permanente chez d’autres implique une grande complicité. Ce genre d’installation ne peut pas être créée n’importe où. Elle est par ailleurs dépendante d’architectures dont vous n’êtes pas responsable.

F. B. : Cela se ferait, bien sûr, au gré des rencontres. Et il faudrait alors que mes hôtes me fassent une totale confiance pour que je puisse y créer ce que je veux. 

J’ai toujours imaginé mes boîtes qui mesurent au maximum 80 cm, dans des lieux à très hauts plafonds, de 7 ou 8 mètres, avec des visions extérieures, et à l’intérieur des escaliers, des passerelles, permettant une visite plus intime. J’ai bien conscience que ce n’est pas réalisable maintenant : il me faudrait un grand mécène. 

En fait, je ne conçois pas un lieu définitif où m’installer. Seulement des lieux de passage, où je travaillerais avec des objets de hasard trouvés sur place. Une histoire qui serait non seulement mon histoire, mais aussi celle du lieu quand j’y suis passé. 

 

       Entretien réalisé le 28 juillet 2003.

 

BROCHEC Frédéric : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES HISTOIRES DE MONSIEUR ET MADAME VENTRE" : N° 72 Tome 2 de FEVRIER 2003 : Rubrique BANNE TROISIEME FESTIVAL D'ART SINGULIER.

Et "CINQ QUESTIONS A FREDERIC BROCHEC" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°75 Tome 1, Août 2004, VIe FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY. 

ET AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS  : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE FESTIVALS RETOUR SUR BANNE 2003.