LES UNIVERS COLORES DE JOQUATREVINGTDIXNEUF

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Et d'abord, pourquoi 99 ? 99 quoi ? Pas années, car vu son œuvre, cet artiste paraît largement sur la bonne pente de la cinquantaine ! Pas euros, car alors il serait allé jusqu'à 100 voire au-delà ! Bref, le mystère reste entier ! 


Par contre, aucun mystère dans les couleurs qu'il jette à la figure de son visiteur ! Réalisées dans une sorte d’urgence, polychromes dans des nuances paradoxalement douces et éclatantes ! Toujours ou presque, dans les violines. 

Dans un premier temps, informes, traits mêlés en tous sens. Pour révéler, ensuite, 'la vie" qui en émerge. Le premier paradoxe de cette démarche si particulière, tient à ce que, face au melting-pot dépourvu de perspective et totalement déraisonnable qu’il a longuement élaboré, vient un moment où l’artiste estime la scène « équilibrée » et arrête enfin son pinceau ! L’équilibre né du déséquilibre, en somme !

Lorsqu'il a résolu ce problème formel, le second paradoxe tient au "dit" de Jo99. Car une fois mis de côté le chaos primal, la folie créatrice, les belles formes non signifiantes, impressionnant travail de non-vie, ovales, rondes, remplies de géométries protéiformes suggérant qu'il ignore tout de l'angle droit ; une fois regardées les œuvres bordant la science-fiction, dans lesquelles vole un diable ailé au milieu d'une ambiance de fleurs, passe un ange gardien survolant une ville au-dessus de laquelle brillent soleil et étoiles ; roucoulent deux ectoplasmes cernés de flammes, nage une sorte d'allochtone verdâtre…  la riche matière et les couleurs vives qui donnent consistance et vie aux personnages, suggèrent –nouveau paradoxe- que l'artiste réside dans  une vallée de larmes :  Une femme à la tête auréolée d'une orbe dentelée, agenouillée au premier plan, pleure des gouttes si grosses qu'elles dégoulinent sur sa poitrine et deviennent d'énormes pétales ! Une autre, les yeux exorbités, aux minuscules seins fleuris,  hurle, sa bouche béante face au visiteur   ! 

Parfois, l'artiste…  "retombe sur terre" ! Une salle remplit la toile, repoussant au second plan la tapisserie couverte de lettres. Et, dans un cadre très réaliste de placards, table, chat… , une petite fille, perplexe, semble chercher vainement l'inspiration ! 

Laquelle ne semble jamais faire défaut à Jo99. Au long de ce travail où prime la fantasmagorie d’un imaginaire débridé, quelques autres constantes jalonnent la démarche de l’artiste : esthétisme et originalité ; caractère à la fois ludique et raisonnable malgré l'évidence de traumatismes mal résorbés… De son sens de l’harmonie trouvé dans les tumultes de la toile ; de sa folie du chaos à sa dénonciation de la détresse humaine ; de l’éclat des couleurs et l’abondance de la matière au primitivisme des graphismes ; par l’ambiguïté entre l’apparence et "sa" réalité, il est le créateur d’une œuvre généreuse, singulière, éminemment personnelle.

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".