DAREDO ET SES "POUPEES"

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Depuis la nuit des temps, depuis la Dame de Brassempouy ; depuis l'Antiquité où les Grecs utilisaient le même mot pour désigner la poupée et la fillette ; depuis les poupées katchina symbolisant les ancêtres ou africaines supposées rendre des femmes fertiles…  Depuis, donc, le temps où un enfant, une fillette en général, l'a tenue en main pour y projeter ses rêves ; où un "grand" l'a chargée d'exprimer ses fantasmes les plus intimes, la poupée ludique, rituelle de toutes origines, esthétique, etc., a traversé le temps, transformable mais indestructible, sa fonction dans le jeu étant d'être médiatrice. Témoin des évènements du quotidien, figurant, transfigurant la fillette qui s'identifie à elle. Ou aidant un individu à vaincre son mal-être.

Poupée/jouet, donc, le plus souvent. Mais, lorsque cette "poupée" est réalisée par (un) une adulte ; lorsque Louise Bourgeois créait des figures totémiques en bois qu’elle appellera plus tard "personnages", destinés à  "exorciser le mal du pays" qu’elle avait eu en quittant la France ; lorsque Hans Bellmer fabriquait les siennes à partir de ses fantasmes érotiques ; lorsque Michel Nedjar réalise ses objets fétichisés qu'il appelle ses "poupées Chairdâme" ressemblant à des racines de mandragore ; lorsque Miguel Amate promène au bout d'une laisse à travers Paris, ses monstrueuses créatures... peut-on dire encore qu'il s'agit de "poupées" ? 

On pourrait citer à l'infini ces créations inattendues, tantôt rassurantes, tantôt inquiétantes. Une chose est sûre, -qui irait à l'encontre de la phrase de Louis Pons "L'artiste, tout au plus un prédateur du réel"-, c'est que la plupart de leurs personnages, qu'ils soient ou non poupées dans leur esprit, n'essaient pas, justement, de ressembler au réel : Ils traduisent joie ou tristesse. Reproduisent malformations ou disgrâces. Mais sont souvent à la limite de la caricature… Ce que veulent marquer leurs auteurs, c'est le mouvement, l'instant suspendu, arrêté, dont nul n'attend une suite immédiate. Il s'agit de donner raison d'être à ce qu'il ou elle crée. Construire en quelques secondes, un "pourquoi" et un "comment" ! 

Dans ces conditions, que sont les êtres imaginés par Daredo ? 

Peints, avec d'artistiques "maladresses" qui les rendent difformes, bosselés… ils sont souvent en posture d'attaque ou de défense : le chat se pourléchant les babines, grimpé sur l'oiseau ; les visiteurs autour du bassin des monstres ; l'animal, ses gros yeux ronds et sa gueule rouge, au-dessus de deux enfants, les cheveux dressés sur la tête, en train de crier !!!... Sentiment de danger, donc, inquiétude, à tout le moins, de la part de leur auteure. 

En trois dimensions, par contre, ils ne sont qu'humanoïdes, et tout à fait esthétiques ! Leurs visages sont en argile, peut-être, sans une ride, le nez droit, les petits yeux tout ronds ; coiffés de chevelures/bonnets parfaitement lisses, sans aucune fioriture. Pas ou peu de cous. Les corps, roides, sont des sortes de troncs, parfois croisés par deux bras minuscules, les robes toujours cachant supposément des jambes. De sorte que, si leurs bras sans mains peuvent à la rigueur serrer quelqu'un ou quelque chose, l'existence de leurs jambes est tout à fait soumise à questionnement ! Seraient-elles, finalement, condamnées à demeurer sur place, malgré les antennes qui, parfois, sinuent au-dessus de leurs têtes ? 

Ces petites personnes sont, par ailleurs, d'une coquetterie notoire ! Drapées dans des tissus unis ou fleuris, piquetés d'infimes pointillés, agrémentés de pompons, poils et fanfreluches, passementés à l'encolure, galonnées de petites incrustes et couvertes de bijoux. 

Toutes, en somme, féminines, naïves et colorées. Poupées ou non, elles sont conçues non pas pour résorber quelque profond malaise face à la vie, mais uniquement pour le plaisir des yeux. Et si elles sont bel et bien empêchées de voyager, n'est-ce pas parce qu'auprès d'elles, il fait bon vivre !? 

Jeanine RIVAIS.

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015,.APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE". 

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Darédo Art Darédo Art 26 juin 2015

Je ne crée pas mes Madones ( car pour moi il s'agit de cela) uniquement dans un but esthétique, elles m'aident à exorciser les peurs dont mon quotidien est lourdement chargé. Je ne sais pas si elles sont faites pour rester sur place mais quand elles sortent, elles me font voyager et en même temps, c'est vrai, paradoxalement, elles me permettent un ancrage. Les fanfreluches dont elles sont chargées sont des sortes d' attributs et autant d'offrandes à la vierge Marie qui m'accompagne.S' il y a un décalage expressif entre mes peintures et dessins et mes "sculptures" c'est que j'aime jouer avec des matériaux différents à chaque fois et que je ne maîtrise pas. Je ne peut créer que s'il y a une certaine incertitude quant au résultat final.C'est très difficile d'expliquer ça, mais le fait de créer me rassure et en même temps, j'ai besoin de me sentir en danger." 


Darédo Art Darédo Art 26 juin 

Je ne comprends pas trop ce que veut dire l'expression " maladresses esthétiques"? ( est-ce péjoratif?). Je ne sais pas dessiner, je fais mes dessins à partir de fonds que je travaille et dans lesquels je vois des formes qui me parlent. Ou bien je travaille les yeux fermés. 

Esthétiques "maladresses"  : Maladresses étant entre guillemets signifie que vos personnages ne sont pas conformes aux canons habituels.. Mais le fait que le mot soit entre guillemets implique que c'est volontaire. Que vous les avez faits ou déformés au gré de vos envies Ce qui est évident dans vos oeuvres.


Darédo Art Darédo Art 26 juin 

Je n'ai pas l'habitude de parler de mon travail et même je redoute cela, car en le faisant j'ai le pressentiment que quelque chose se figerait.