VANAJA BRAIBANT ET SON MONDE DE FIL DE FER 

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Depuis la nuit des temps, les artistes ont valorisé les matériaux les plus divers. Leur créativité avec le bois, la terre, le verre date de fort longtemps. Bien plus tard, le papier…. Mais si le fer ramène à la plus lointaine Préhistoire, à quand remonte le travail artistique avec le fil de fer ? Peut-être y en eut-il d'autres, mais il semble bien que les mobiles et stabiles de Calder ont, parmi les premiers, attiré l'attention et l'admiration. Car, avec ces œuvres, "dont les éléments suspendus et en équilibre entrent en mouvement sous l’action de l’air et la circulation du vent", il a inventé une façon nouvelle de capter le mouvement du monde, transmettre l'émotion ressentie face à ces sculptures qui bougent ! 


Depuis lors, munis uniquement de deux pinces, l'une pour couper, l'autre pour plier, combien d'artistes ont-ils travaillé le fil de fer, élaborant courbes et lignes, volutes et arabesques ! Lui faisant prendre vie. Lui conférant rêve et poésie. Générant à chaque fois attendrissement et émotion ! 

De nos jours, nombre d'entre eux en ont saisi la symbolique : les emmener du début informe de l'œuvre, jusqu'à son terme chargé de sens, cheminant au gré de leur fantaisie… Leur permettant d'être dans l'espace, en trois dimensions. En même temps, de jouer sur le vide plutôt que sur le plein, ce que ne permettent pas la terre ou le verre, par exemple. Et d'extrapoler sur le fil symbolique qui accompagne leur vie !  

     Parmi ces "fildeféristes", Vanaja Braibant invente un univers de sculptures aériennes, véritables dentelles de fil de fer. Bien que raide en apparence, ce matériau, par sa docilité et sa mémoire, lui laisse une grande liberté. Sans l'angoisse de la scission, car tel le roseau de la fable, ce matériau plie mais ne rompt pas ! 

 Tour à tour, elle passe de soleils tissés à l'infini, le noyau entouré de rayons arachnéens terminés par de minuscules piécettes dont le rôle est de refléter le soleil ; à des sphères aux filaments si ténus que le plus infime souffle de vent les fait bouger ; à des êtres/têtes en équilibre sur des trépieds ouvragés comme le seraient des points au crochet, leurs yeux, bouche et nez constitués de fils colorés ; à des fleurs linéarisées ; et à des boules banales qui jonchent le sol sans, paradoxalement, créer l'impression de surcharge ! 

Mais la quintessence de ses créations, ce sont ses personnages : Les uns dansant, constitués d'une infinité de circonvolutions irrégulières, couple à l'évidence se livrant à des ébats amoureux, un cœur orné de plumes blanches au-dessus de leurs têtes, corroborant cette impression. 

Quant aux autres, toutes féminines, elles sont longilignes, fines et élégantes. Et, n'était que leur auteure les a placées côte à côte plutôt qu'en cortège, elles pourraient être les protagonistes d'un défilé de mannequins. Roides, têtes dressées, bras semi-pliés, leurs robes aux décolletés profonds sont tantôt à larges claires-voies carrées, tantôt finement tricotées, formant des sortes de plis tour à tour brillants ou mats.

Que d'exigence, de rigueur ne faut-il pas, pour obtenir des ensembles tellement homogènes, bien que remplaçant la soudure par des ligatures, des nœuds discrets qui jouent à la fois un rôle décoratif et stabilisateur ?

Ligatures fines, et c'est indispensable, car les maîtres-mots de ce genre de création sont : Légèreté, transparence, lumière. Trois mots que Vanaja Braibant conjugue à merveille et qui font de l'œuvre de cette dentellière du fil de fer, l'une des visions contemporaines les plus originales. 

                                                      Jeanine RIVAIS.  


CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015,.APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".