CHARLES-HENRY FRASSON, assembleur

ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS

***** 

Jeanine Rivais : Charles-Henry, diriez-vous que vous travaillez un unique modèle, avec multiples variantes ? 

Charles-Henry Frasson : Voilà. C'est tout à fait cela. J'ai un modèle de base, et en fonction des matériaux dont je dispose, je m'adapte. 

 

J.R. : C'est donc toujours bois et métal ? 

C-H. F. : C'est vieux bois et vieux métal. 

 

J.R. : Du métal que vous forgez et que vous soudez ? 

C-H. F. : Du métal que je récupère en forme.

 

J.R. : Qu'appelez-vous "en forme" ? 

C-H. F. : En forme avec des arrondis… Des métaux qui dont déjà été utilisés. Par exemple, pour les arrondis, ce sont des roues de charrettes ; d'autres fois, du matériel agricole. Et, quand je n'ai pas les matériaux dont j'ai besoin, je le forge moi-même. 

J.R. : Donc, vous êtes à la fois forgeron, menuisier et artiste ? 

C-H. F. : Assembleur. C'est un peu un mélange des trois.

 

J.R. : Vous dites "vieux bois". On voit bien que c'est du bois qui a vécu. Mais on le voit moins, du fait de vos interventions peut-être, sur le métal. Car il me semble que vous respectez les accidents du bois, alors que vous commandez des formes au métal ? 

C-H. F. : Je laisse le bois tel qu'il a vieilli, parce qu'il a des lignes. Ensuite, j'essaie d'adapter les deux éléments afin de faire ressortir le vieillissement du bois, et j'adapte le fer. Donc, au départ, c'est le bois qui guide le résultat. 

 

J.R. : Quelle que soit la forme que vous adoptez qui est souvent la forme d'un poisson, vous avez toujours l'idée des angles aigus ? 

C-H. F. : J'ai beaucoup d'arrondis, parce que cette forme est très sensuelle, très agréable à regarder. Je la trouve douce. Les angles pointus ne me tentent pas trop.

 

J.R. : Je n'ai pas dit "pointus", j'ai dit "aigus" et ils ne sont pas forcément pointus. Il est vrai que vos formes sont géométriques sans être brutales… 

C-H. F. : Je veux que l'ensemble soit doux au regard.

J.R. : Vous faites ce genre de créations depuis longtemps ? 

C-H. F. : Il y a une dizaine d'années que je travaillais dans ce sens. Tout seul dans mon atelier. Je travaillais dans une société de recyclage de matériaux, ce qui m'a donné l'opportunité d'avoir des ferrailles avec ces formes. Et puis, des amis qui avaient vu mes créations m'ont engagé à exposer. Alors, depuis un an, je me suis lancé dans des expositions. C'est une autre démarche.

 

J.R. : Donc, d'un seul coup, le regard d'autrui est arrivé sur votre création ? 

C-H. F. : Voilà. 

 

J.R. : Alors que, jusque-là, c'était une création personnelle. Quel a été l'effet sur vous ? 

C-H. F. : Déjà, c'est très dur de montrer son travail. L'expliquer n'est pas facile non plus. Mais les retours sont agréables, parce que les gens apprécient. Ils voient quelque chose de nouveau. Et ce mélange des deux matériaux parle à beaucoup de personnes. 

 

J.R. : Je dirai de votre travail qu'il est uniquement esthétique. Qu'il n'a aucun but militant, psychologique, narratif, et tout ce que l'on peut imaginer à partir de certaines œuvres ? 

C-H. F. : Non. C'est juste pour le plaisir des yeux.

J.R. : On peut aussi dire que vous êtes sculpteur/récupérateur ? 

C-H. F. : En grande partie, oui, parce que la majeure partie est de la récupération. Je n'ai aucun bois neuf, aucune ferraille neuve. Que d'anciens matériaux.

 

J.R. : De temps en temps, vous quittez un peu l'idée de l'amande. Et on peut voir soudain que vos animaux ont des cheveux, qu'il pousse des nageoires à vos poissons. Que certaines des petites amandes sont trouées, martelées, etc. A quel moment décidez-vous que le plat est trop plat et que vous allez faire des ajouts ?  

C-H. F. : C'est assez compliqué. Je ne le sais pas à l'avance. Quand je commence une sculpture, je me mets dans mon stock de bois, et je vois comment je peux assembler deux éléments. C'est à mesure de la construction que l'idée évolue dans un sens ou dans l'autre. Selon ce que j'ai sous la main, et selon la façon dont je ressens la sculpture. 

 

J.R. : Venons-en à la question traditionnelle que je pose à tous les artistes : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ?

C-H. F. : Non, l'ensemble m'a l'air complet ! Mais je suis nouveau dans ce milieu ! 

 

J.R. : Oui, et je vois bien que vous n'avez pas l'air bavard ! Voulez-vous ajouter quelque chose ? 

C-H. F. : Non, sinon que j'essaie de m'adapter à ce milieu des expositions. 

 

ENTRETIEN REALISE A BANNE, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI le 6 mai 2016.