Ve FESTIVAL D’ART HORS-LES-NORMES DE PRAZ-SUR-ARLY (Haute-Savoie)

******************** 

DURANEL JEAN

*****   

 

 

LES PETITS MORCEAUX DE VIES de JEAN DURANEL, peintre

*****

          Jean Duranel enfant gagnait-il à l’école beaucoup d’images, qu’il ait voulu, devenu adulte, prolonger ces moments privilégiés et dessiner pour son plaisir personnel et peut-être par nostalgie, ces faveurs qu’on ne lui accordait plus ? Quelles que soient ses raisons, il est évident que cet autodidacte a conquis ses lettres de noblesse dans le monde de l’art ; et que son imaginaire l’emmène bien loin dans celui, fantasmagorique où se retrouvent les véritables créateurs ! Pourtant, s’il a appris le goût des herbes bleues et la fantaisie des créatures bipèdes nichant dans les arbres, il les place régulièrement côte à côte avec des humains bêchant à jambe que veux-tu dans les jardins de Monsieur Tout-le-Monde ; et des extravagances dignes des contes de Grimm ou de Perrault sont confrontées à des détails de quotidiens les plus banals !  

          Rien d’illustratif, cependant dans l’œuvre de Jean Duranel ; du moins de façon linéaire : tout se passe comme s’il sélectionnait des moments précieux de ses vagabondages fantasmatiques, et les enfermait dans des alvéoles où il incomberait à chacun de devenir une histoire à faire rêver quiconque s’aventure dans son univers ! 

          Et quelles aventures où, du fait de l’absence de perspective, le Monsieur-est-dans/sur-le-loup-que-tient-par-le-cou-un-second-personnage-tandis-qu’un-troisième-danse-sur-la-tête-de-l’animal-dont-le-dos-est-surplombé-d’un-arbre-et-que-de-ses-reins-sort-une-maison… et qu’au-dessus de cette chaîne flottent les nuages et la lune-encombrée-d’une-maison-dans/hors-de-laquelle-dort-un-autre-individu… Il faudrait ainsi suivre (en s’amusant de la connotation ludique de telles non-logiques) l’enchaînement de chaque tableautin, pour y voir avec quel bonheur les éléments les plus hétérogènes y sont réunis ; comment tout est lié comme par une sorte de cordon ombilical (d’ailleurs, les « routes » qui serpentent entre les différents lieux y ressemblent beaucoup) ; ou enfermé tête-bêche dans un « œuf » ; comment s’opèrent d’étranges transmutations au cours desquelles l’ombre portée d’un homme devient un dragon, un quart de visage de face devient un profil entier, un ventre génère une bouche ; et comment des détails récurrents se retrouvent sur chaque œuvre (femmes-papillons, têtes scindées, etc.)… 

          Dans ce déploiement à l’infini de « scènes » où les protagonistes aux visages lippus sont apparemment en train de s’ébaudir, à tout le moins de héler quelqu’un, le visiteur s’émerveille également du talent de coloriste de Jean Duranel qui, comme il est dit plus haut, voit ses forêts en bleu ; mais aussi la terre et la mer en rouge (après tout, le Poète n’affirmait-il pas que « la terre est bleue comme une orange… ? » ; où les collines sont jaunes et les chevaux violets… tout cela en des proximités qui font vibrer les nuances et sont un régal pour les yeux ! 

          Enfin, Jean Duranel possède un sens décoratif rare : telle une dentellière, il entoure chaque œuvre d’une frise (décidément l’artiste se remémore bien le temps de l’école, où naguère chaque page se terminait par cette petite bande répétitive !) qui, de chatons, pots, têtes, flèches ou traits ondulés… donne à ses créations l’air raide et sophistiqué de ces images qui ornaient (mais en noir et blanc) les livres de lecture d’antan.

          Une œuvre originale, poétique et jubilatoire, qui émoustille l’imaginaire et fait rêver le spectateur en le ramenant, lui aussi, au temps heureux de son enfance, où « gagner » une image était un privilège !

                                                     J.R.

 

DURANEL JEAN : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  N° 71 de Janvier 2002, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, dans le cadre du Ve festival de Praz-sur-Arly. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 2001