FRESQUES ET SCULPTURES D'EMILE LE VISAGE

***** 

          Une maison quelconque, au bout de la rue principale, à la sortie du village.

          Descendus de voiture pour demander où était la maison d'Emile Le Visage, nous avons appris que nous y étions parvenus, tombant par hasard au bon endroit. De plus, nous arrivions juste au moment où le (très nouveau) propriétaire s'apprêtait à partir.

          Lequel a eu la gentillesse de nous ouvrir sa porte pour que nous puissions admirer les fresques peintes à même le mur, dans toutes les pièces de la maison. Immenses, magnifiques, ces fresques ! Aux couleurs aussi vives qu'au premier jour ! Très réalistes, un peu naïves.

 

          Ressortis par la porte-rue, le propriétaire a abandonné le jardin à nos pérégrinations ; Nous nous avons vu alors que, sur chaque pilier de l'entrée, se dresse un éléphant trompe levée, réalisé en béton, plus vrai que vrai.

          Restent également la boîte aux lettres, avec sa petite mésange au faîte de la toiture ; un bateau dont les pièces jamais soudées s'accrochent au grillage de clôture ; enfin un portique sur lequel est posé un oiseau très coloré.

 

          Le jardin ! Complètement envahi par les roseaux (la terre étant très humide, ils y poussent à l'envi !). Les arbustes sont devenus arbres, les herbes folles en prennent à leur aise, dans lesquelles batifolent quelques canards, quelques escargots, un héron. Et puis, deux moulins, dont l'un à peine visible dans les branchages ; deux demi-sphères pleurant désespérément les scènes originelles peintes dessus ; une Vierge à l'Enfant dans sa grotte paradoxalement intacte ; et clou des vestiges, un Astérix énorme devant son rocher et Obélix tout petit, tous deux semblant écarter les roseaux pour regarder les passants sur la rue ! 

 

          A entendre discuter le propriétaire, peut-être les fresques, certaines du moins, ont-elles une chance de survivre, car il en a parlé en termes assez élogieux. A moins qu'il ne décide de percer de nouvelles fenêtres comme il l'a fait dans la salle de séjour, en pestant contre le pouvoir de résistance du béton utilisé par Emile Le Visage lorsque lui-même avait modelé la configuration de la maison ! Mais tout ce qui figure dans le jardin va aller à la décharge, parce que le propriétaire "n'en a rien à faire" ! 

 

          Voilà donc encore un lieu magique appelé à disparaître, les habitants du village et le propriétaire n'ayant aucune conscience de ce qu'ils vont détruire !

Jeanine RIVAIS

Texte écrit au retour de Bretagne, janvier 2019.

Photos Michel Smolec.

 

EMILE LE VISAGE : Lambel (non loin du Golfe du Morbihan).