ANDRE PAILLOUX CREATEUR DE MOULINS A VENT

ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS

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trois parterres de tourne-vents
trois parterres de tourne-vents

Jeanine Rivais : Monsieur Pailloux,  comment appelez-vous vos étranges machines ? Des moulins à vent ? 

André Pailloux : Il y a des journalistes qui m'ont dit que c'étaient des "tourne-vent", alors je les appelle comme ça. Mais moulins à vent, ou tourne-vent, l'essentiel c'est qu'ils tournent ! En principe, cela se met au-dessus des cheminées. Ce n'est pas un moulin, ni une éolienne, c'est un tourne-vent! 

 

J.R. : Il y a longtemps que vous avez commencé à peupler votre jardin ? 

A.P. : J'ai commencé dans les années 2000, comme ça, pour mon plaisir. A ce moment-là, c'était insignifiant, des petits trucs auxquels on ne faisait même pas attention. Puis je m'y suis vraiment mis au moment de ma retraite ! 

Vous en avez des pareils, dans votre coin ? 

Ensemble de tourne-vents, encore.
Ensemble de tourne-vents, encore.

J.R. : Non ! Il y en deux ou trois parfois dans des jardins, mais jamais un aussi grand nombre que chez vous ! 

A.P. : Malheureusement, la tempête en fait tomber une bonne trentaine ! J'ai commencé à les remonter, mais il y a encore du travail !  Tenez, regardez, tous ceux-là ont été renversés. (En effet, le bord de l'allée est jonché d'œuvres allongées sur le sol.)

 

J.R. : A juger par l'ensemble, vous êtes un très bon coloriste, car c'est un vrai plaisir de voir toutes ces couleurs ! 

A.P. : Oui, mais je les repeins souvent. Tenez, venez voir le plus grand qui est tombé. Je vais le repeindre avant de le remonter.  Mais le socle n'est pas assez costaud. Il va falloir que je trouve une combine pour le remonter ! 

 

 J.R. : En somme le principe, c'est que vous prévoyez un socle solide, vous assemblez des pales que vous avez peintes de stries, boules, formes différentes ? Qu'est-ce qui fait que les unes sont obliques, les autres droites… ? 

A.P. : C'est ma fantaisie. Il y en a même qui doivent tourner à l'envers. 

Vous auriez vu, le 11 décembre, avec la tempête !! Ca y allait … !

 

J.R. : Et elles font des bruitages spéciaux, quand elles tournent ? 

A.P. : Non, seulement le bruit du vent dans les pales. 

 

J.R. : Et c'est aussi vous qui faites les dessins que vous avez intercalés entre les tourne-vent ? 

A.P. : C'est moi qui imagine les motifs. Je me sers beaucoup des dégradés de couleurs. Je vais vous montrer une grande oeuvre qui va remplacer celle qui est tombée. Mais je ne vais pas la monter tout de suite, il faut que je trouve une combine pour renforcer les pales. 

 

J.R. : Et cette bouteille de vin le long du mur : ce sont des visiteurs qui vous l'ont laissée ? 

AP : Non, non, non ! Une année, il y avait eu une fête, et il fallait trouver cette bouteille. Finalement, elle était posée dans l'un des creux d'un poteau électrique. Une autre année, c'était une étoile ! Attention, la rose des vents n'est pas une étoile ! Et puis, il y a le géocaching. (¹)

 

J.R. : Et vous avez aussi créé des dessins qui sont à l'intérieur ? 

A.P. : Oui, vous voyez, ici, c'est avant le mariage, et là après le mariage ! Il suffit d'inverser l'image. J'ai aussi un petit bonhomme : une fois retourné, il fait un véhicule.

 

 J.R. : Donc, il rêve de partir ? 

A.P. : Oui. 

L'allée de dessins qu'il suffit d'inverser pour voir autre chose !
L'allée de dessins qu'il suffit d'inverser pour voir autre chose !

J.R. : Là, vous faites preuve de beaucoup d.'humour ! 

A.P. : Oui, c'est de l'humour… Et là, c'est avant Macron, et là, après ! Et puis, j'ai fait des trucs pour les gosses, mais j'attends les beaux jours pour les restaurer, parce qu'avec l'eau qui est tombée, les boules ont du mal à rouler ! 

 

J.R. : Et derrière la maison, vous ne mettez rien ? 

A.P. : Non, non ! 

 

J.R. : C'est donc juste pour le plaisir des yeux des passants ? 

A.P. : Et puis, dans le garage, j'ai fait beaucoup de visages ! Et je vais vous faire voir un vélo. Vous l'aviez vu sur la revue. Et, là, c'est moi qui ai mis ça ! 

 

J.R. : "Etats généraux ! Faut sauvegarder" : Seriez-vous un peu anar ? 

A.P. : Non, non ! Moi je suis libre penseur ! Je suis neutre, je suis comme Clémenceau qui est là ! Vous connaissez Clémenceau ? 

 

J.R.: Oui, il est enterré pas loin d'ici ? 

A.P. : A Mouilleron-en-Paray. Il avait dit : "Donnez-moi 40 trous-du-cul et je vous ferai une Académie française" ! Il y a eu une émission sur lui et sur le général de Gaulle. C'est Luc Ferry qui l'a dit. Ca vous dit quelque chose ? Il a dit "c'est les deux plus grands politiques qu'a eus la France" ! 

Et puis le vélo, vous l'avez vu sur le livre de Bruno Montpied ? Vous le connaissez ? 

 

J.R. : Oui, bien sûr ! 

A.P. : Il en a sorti un autre, "Le gazouillis des éléphants", mais celui-là, il ne va pas me l'envoyer ! 

 

J.R. : Je l'ai acheté. Mais vous, savez, il pèse plus d'un kilo, et mesure 10 cm d'épaisseur ! S'il l'envoie aux trois-cent cinquante artistes dont il parle, il va dépenser une fortune !! 

A.P. : Il est bien ? Il m'a dit qu'il avait mis un reportage sur moi ? Et puis, là, le Musée d'Art brut de Lausanne.  Il y a eu des articles dans plusieurs revues. Mais ce que je fais n'a aucun rapport avec les autres ! Parce que, moi, c'est actionné par le vent. C'est ça le problème : en Vendée, il y a eu la "Fête du Vent" à Fontenay-le-Comte. La journaliste m'avait mis un petit article. 

Je fais aussi des bateaux. Ici, j'ai un voilier…

 

J.R. : Mais ces bateaux, qu'est-ce que vous en faites ? 

A.P. : Je les garde. J'attends un émir qui me les achètera ! 

Alors, votre mari va m'expliquer. Lui, il fait des personnages avec de la terre. Il y a des carrières vers chez vous ? 

Michel Smolec : Non, ce sont des pains de terre que j'achète. 

 

J.R. :   Tenez, voilà quelques photos de ses œuvres.

A.P. : Et il n'est pas chez Montpied ? Ca m'étonne qu'il ne soit pas allé chez vous  ! 

 

J.R. : Mais il s'intéresse surtout aux sites créés par des artistes bruts. Et surtout, même si Michel est autodidacte, il ne crée pas dans l'esprit de décorer le lieu où nous habitons.

A.P. : Et c'est des personnages ! Le problème, c'est que moi, c'est actionné par le vent ! Et Picassiette, vous le connaissez ?  Et l'Abbé Fourré en Bretagne ? 

 

J.R. : Oui. J'ai habité à Chartres, et j'ai connu la femme de Picassiette. Et nous faisons partie de l'Association de défense des rochers sculptés. 

A.P. : Et le "Poète ferrailleur" ? Je crois qu'il habitait à Royan ? 

L'empilement des réserves qui deviendront tout ou parties des tourne-vent
L'empilement des réserves qui deviendront tout ou parties des tourne-vent

J.R. : Non, lui, je ne le connaissais pas. Mais vous savez, nous avons beau chercher beaucoup, il y a plein de ces créateurs de sites que nous ne connaissons pas ! 

A.P. : Il y en a un qui m'en a fait baver, c'est Philippe Gougler.  Qui fait l'émission "Des trains pas comme les autres" et maintenant, il fait "Faut pas rêver". Il a un matériel !! Mais il y en a d'autres qui viennent, qui me disent qu'ils vont revenir. Ils prennent des photos et je ne les revois jamais. Ils me promettent plein de choses, et après je ne sais pas où vont les photos ? 

Et je vais vous dire un truc qu'il ne faut plus faire ! Je n'avais pas tellement donné mon avis pour des cartes postales ! Et je ne sais pas ce qu'elles deviennent ! 

 

J.R. : Eh bien, moi je vais vous dire ce que je vais en faire : J'ai un site. Puisque vous n'avez pas Internet, vous pourrez demander à quelqu'un de vous montrer ce que j'aurai fait dans quelques jours :  Sur ce site, j'ai une rubrique que j'appelle "LIEUX MAGIQUES " créés par des gens qu'habituellement on n'appelle pas des artistes…

A.P. : Qu'est-ce qu'on appelle "artistes" ? Tant que vous n'êtes pas connu, vous êtes considéré comme rien. Dès que vous êtes connu, vous êtes un artiste ! 

 

J.R. : Ce qui m'intéresse, ce sont tous ces gens qui créent juste pour le plaisir de créer. Des gens comme vous qui sont des artistes, mais qui ne sont pas forcément reconnus comme tels. Qui ont des choses à dire, à montrer, juste pour le plaisir. 

A.P. : Mais dans ce cas, ils sont jalousés ! Dans ces petites communes, c'est terrible ! Quand ils sont venus à trois pour "Télé-Vendée", il y a plus de la moitié du département qui a vu le reportage. Je me demande combien pouvait coûter leur caméra ? Eh bien, aucune réaction ! 

 

J.R. : C'est pour cela que nous ne parlons jamais de nos travaux et de nos recherches aux gens de notre village. Pour vivre heureux, vivons cachés ! 

A.P. : Mais qui est-ce qui le met sur Internet, puisqu'on s'y trouve même si on ne donne pas l'autorisation? 

 

J.R. : Les photos que Michel vient de prendre vont aller sur mon site avec notre entretien. 

A.P. : Alors, il y en a qui le verront ? 

 

J.R. : Oui, bien sûr ! 

A.P. : Alors, quelqu'un qui passe, il peut le mettre sur Internet ? 

 

J.R. : Oui,  cela fait partie des choses que l'on peut découvrir ensuite. Mais mes photos illustreront ce que vous m'avez dit. 

A.P. : Et toutes ces revues qui parlaient des œuvres insolites ?

Quelques têtes tournantes des tourne-vent
Quelques têtes tournantes des tourne-vent

J.R. : Elles sont presque toutes arrêtées, soit que leurs fondateurs soient morts, soit qu'ils soient trop fatigués pour continuer. J'ai travaillé pendant des années avec plusieurs et ils ont été obligés d'arrêter parce que chaque revue leur coûtait trop cher ! 

A.P. : Je ne sais pas comment vous classeriez mon travail ? 

 

J.R. : je dirais que c'est de l'Art populaire. Peut-être un peu naïf aussi ? 

A.P. : Moi je dis aux gens "Choisissez le nom", parce que c'est les gens de la télé qui ont dit "Tourne-vent". 

 

J.R. : Je trouve que c'est une bonne idée. 

A.P. : Et puis, en Espagne, je ne sais pas si cela finira un jour, c'est Gaudi ! 

 

J.R. : Mais je pense que la restauration est terminée. 

A.P. : Mais ça ne fait pas comme le facteur Cheval, mais c'est quand même beau.

 

J.R. : Ce n'était pas à la même échelle. Et puis, je pense que Gaudi avait des aides, alors que le Facteur Cheval a œuvré tout seul. 

A.P. : Vous, vous n'allez qu'en France, pas en dehors ? 

 

J.R. : Pas forcément ! Pendant longtemps, nous sommes allés en Hollande, tant que le musée de Stadshof a existé. Nous allons aussi en Belgique.

A.P. : Moi, je n'ai rien à voir avec tout ça. Ce que je fais, c'est pour le plaisir. 

 

J.R. : Nous allons vous remercier pour votre accueil, et nous allons continuer notre route.

A.P. : Pour aller où? 

 

J.R. : Demain, nous allons voir un autre créateur à Iziers. C'était un sculpteur. Ce sont des amies qui l'ont visité et nous ont dit d'aller absolument le voir (²). 

A.P. : Vous avez beaucoup d'artistes sur votre site, parce que moi je n'ai jamais vu tout ça ! Parce que moi, j'en ai encore plus de soixante-dix à remonter ! 

 

J.R. : Votre lieu est déjà impressionnant tel qu'il est ! Alors bon courage pour remonter les œuvres qui sont tombées. Et espérons qu'il n'y aura pas d'autre tempête ! 

A.P. : Et le vélo ! Comme il est, je ne pourrai jamais le refaire de ma vie ! 

 

J.R. : Il est vrai qu'il devrait aller dans un musée ! 

Le vélo, avec et sans son géniteur !
Le vélo, avec et sans son géniteur !

Et si vous aimez le vent, allez ci-dessous l'écouter dans les tourne-vent d'André Pailloux !!