RICHESSE PATRIMONIALE INDUSTRIELLE AU CREUSOT-MONTCEAU-LES-MINES

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Est-ce par nostalgie ; respect d’un passé qui les a marquées irrémédiablement et leur a conféré au fil des siècles une identité propre ; sauvegarde (ce qui revient au même) de leurs racines… que nombre de régions ou de villes s’attachent à empêcher la destruction de leur patrimoine religieux, architectural, rural ou industriel… à le maintenir en état, voire à le convertir : lui donner en somme une nouvelle destinée, un nouveau sens ; une nouvelle personnalité issue de l’originelle et néanmoins différente ? C’est en tout cas la démarche suivie par la Communauté de communes Creusot-Montceau qui s’interroge actuellement « sur le nouveau devenir du Lavoir des Chavannes ».

Chacun a bien sûr entendu parler des mines du Creusot, des problèmes sociaux qui les ont concernées. Mais qui dit « Le Creusot-Montceau-les-Mines » commence par s’interroger sur la situation géographique de cet ensemble. Et s’aperçoit qu’il a le plus grand mal à le situer. Car ce n’est déjà presque plus la Bourgogne, mais ce n’est pas encore le Charolais ; ce n’est plus la Nièvre, mais pas tout à fait la vallée de la Saône et du Rhône…Il s’agit en somme d’une région intermédiaire ; et, comme telle, elle a eu, au fil des siècles, du mal à s’affirmer en tant qu’entité culturelle. D’autant que (parce que ?) si l’agriculture et la vigne complètent l’industrie, le passé architectural (hormis Autun et quelques points isolés) y est parcimonieux.

  Pourtant, cette région semble très active ; et avoir pour vocation de se définir comme le contrepoint de nombre d’idées reçues : Qui pense « mine » imagine habituellement des profondeurs abyssales liées à toutes sortes de dangers ; effondrements, grisou, etc. Or, au Creusot, rien de tel. Les mines ont toujours été exploitées à ciel ouvert. Mais (surtout maintenant qu’elles ont disparu, qu’il ne reste entre les arbres que des piquets indiquant l’emplacement et le numéro de l’ancienne exploitation), comment visualiser le gigantisme des sites industriels qui couvraient les seize communes fondues en 1970, en une Communauté menant depuis lors « une politique de valorisation, de préservation et de réhabilitation de son patrimoine industriel » ? Comment imaginer que des générations ont vécu avec pour seule vision les immenses chancres noirs qu’étaient ces mines ; avec pour seul horizon les énormes masses de ferrailles lancées vers le ciel, de leurs rails, wagons, lavoirs, etc. ?

Au fil des décennies, l’activité a décru, les mines ont fermé les unes après les autres. Jusqu’en 1999 où ce fut le tour du dernier lavoir : Faut-il, subséquemment, se réjouir pour ces familles, –alors qu’en dépendaient leur vie et leurs ressources- de ce que leurs arbres ne soient plus couverts de poussière noire et grasse, que leurs hommes ne meurent plus de silicose… : que cette région, enfin, soit redevenue humaine, tout en restant vivante ?

En tout cas, si le quotidien n’y trouve peut-être plus son compte, la culture a reçu une grande bouffée d’air frais. Au sens propre, d’ailleurs, puisque les milliers d’hectares naguère dévolus à la mine sont devenus parcs plantés de multiples essences, lacs nichés au milieu de la verdure… Mais, les bâtiments n’ont pas été négligés, eux non plus, voués à un public qui, jusque-là n’en connaissait que l’extérieur : Un écomusée propose divers lieux à visiter (fonderie, atelier, briqueterie, usine de céramique, etc.). La bibliothèque de l’université offre désormais ses livres aux étudiants dans une ancienne halle de trains et grues de transbordement, et ce n’est pas la moindre surprise de voir pendre du plafond les énormes chaînes qui semblent dominer de leur puissance physique brute toute cette vie intellectuelle.

La longévité de ces bâtiments dévolus à la mine et le caractère récent de la cessation d’activités font qu’ils sont demeurés en très bon état. Tel est le cas du LAVOIR DES CHAVANNES DE MONTCEAU qui fait, début 2003, l’objet d’un appel à concours international d’idées, afin de « vérifier si une nouvelle vocation peut justifier la conservation du site et en particulier du bâtiment même… Cet équipement (jusque-là laissé en l’état) pourrait en effet accueillir de nouvelles activités très diverses, à vocations culturelles, touristiques et économiques ».

Là encore, qui dit lavoir pense lieu champêtre au bord d’une rivière, où venaient autrefois des lavandières bruyantes et pittoresques ! Rien de tel ici, le Lavoir de Chavannes construit en 1923 par le cabinet d’architectes Considère, Peinard, Caquot et Cie, et desservi par un port fluvial, a les mêmes proportions titanesques que tous les autres bâtiments inhérents à la mine : Le site environnant couvre en effet 32 hectares, et le lavoir proprement dit 8000m² au sol.  La construction a « nécessité la mise en place de 3 000 000 m3 de remblais ; 2800 m3 de béton armé en fondations (pieux coulés) ; 20500 m3 de béton armé en superstructure ; 10800 m3 de maçonnerie ; plusieurs milliers de tonnes de charpente métallique… ». Et beaucoup de labeur humain ! Construit à la base d’une colline, les lignes de godets longeant la crête apportaient en haut de cette structure les morceaux de charbon mêlés de pierres et de terre. Restait aux machines, trémies, cribles… à séparer le charbon de la gangue, le laver… jusqu’à ce qu’il arrive en bas prêt à être transbordé sur des péniches ou dans des wagons de chemins de fer ! 

Une visite effectuée par le profane sur le parcours qu’effectuait de haut en bas des installations, ce minerai aujourd’hui absent (pour raisons sociales, abandonné à la terre), ne manque pas d’être impressionnante ! Pourtant, s’il reste la poussière sur le sol ou sur de vieux objets/témoins traînant là, devenus inutiles (poulies, écrous, établis…) ; s’il subsiste quelques graffiti attestant que parfois les hommes qui ont consacré à cette mine quarante ans de leur propre vie, se sont rebellés contre les patrons ou les conditions trop dures imposées par les machines… il manque le bruit, le vrombissement et la trépidation des moteurs. A ces géants de métal longtemps omniprésents, devenus muets, il manque la vie, en somme… Et si des films comme La Bête humaine ou Germinal sont des témoignages très forts de ce cadre terrifiant et fascinant, rien ne pourra faire renaître cette combinaison, cette osmose de l’ouvrier et de la machine, cette confrontation de l’individu minuscule fourmi, et d’un monstre qui menaçait à tout moment de le broyer ! Il est donc bien, tout en respectant la configuration des lieux car beaucoup de psychologie s’y rattache, de leur trouver une autre vocation. Non pas une initiative qui singerait la première ; mais différente, à la fois œuvre de mémoration et de novation.

           Il reste donc à souhaiter que le lauréat de ce concours d’idées en ait beaucoup et de très insolites. Qu’il sache allier le respect d’un passé encore vivace, à une contemporanéité qui déjà l’érode. Que, pour le futur visiteur, il soit possible d’y laisser vagabonder son imaginaire, trouver en ce nouveau lieu patrimonial « monumental, une originalité en termes d’image et de capacité d’environnement… ». Sans tenir pour négligeable « l’aptitude à sauvegarder l’environnement, et le nombre d’emplois induits » qui entrent également dans l’esprit de la mutation.

Jeanine RIVAIS

La Communauté Creusot-Montceau : 71206 LE CREUSOT.

 Tous renseignements sur l’évolution du projet : Aline Lautrey Tel : 03.85.77.51.84.

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2003