LOUIS DE VERDAL et JEAN ROSSET

sculpteurs à la tronçonneuse

***** 

          Lorsque les films d’horreurs présentent à grands jets d’hémoglobine les blessures dont sont capables une hache ou une tronçonneuse, le spectateur n’imagine pas que ces mêmes outils peuvent, dans des mains expertes, se faire caresse pour lisser le bois, fouir curieusement ses entrailles pour y trouver la forme évocatrice d’une bouche, de grands yeux étonnés...; intailler ses nœuds et ses courbes pour former de nouveaux rythmes au gré de l’artiste. C'est ainsi que Louis de Verdal et Jean Rosset conçoivent leur travail créateur d’étranges totems de châtaigniers, chêne ou sycomore... "rencontrés” au cours de leurs longues promenades sylvestres.

          Rétif à toute définition, le forestier-trimardeur-vagabond... Louis DE VERDAL a, pendant des années, prospecté les forêts africaines d’okoumé. Pour autant, l’essence du bois indiffère au sculpteur de Verdal, qui ne recherche ni la couleur, ni la texture, ni la dureté d’un bois sec, ni la vigueur parfumée d’un tronc plein de sève : simplement, à un moment donné, il se sent en sympathie avec la matière brute, le matériau vertical et, par provocation génère à larges coups de son outil, un visage finaud, triste, débile ou distrait… pour des personnages toujours privés de membres, découpés au niveau du thorax, comme autant de paradoxales cartes d’identités. Travail nerveux, rapide, libéré de tous académismes, par lequel l'artiste -car Louis de Verdal en est un- renouvelle les définitions de ses créations; les fait se côtoyer par alliance ou antithèse, jusqu'à ce que leur synergie lui procure le sentiment d'avoir mis en marche une humanoïde forêt ! Craignant alors l’ennui, il s’arrête, attend sans impatience qu’une nouvelle suggestion du bois remette en train son imaginaire léthargique. Parfois, pourtant, il perd son flegme, répond à la provocation et prouve qu’il "sait sculpter” ! N’est-ce pas une automobile tout en bois, "conforme” à un piston près, qui l’a fait connaître ? Et les enfants ont plaisir à "investir après abandon” les décors monumentaux qu’il réalise pour la troupe théâtrale des rues "Générik Vapeur". Cette façon d’accepter la dégradation et l’oubli prouve que Louis de Verdal est en outre un philosophe, libéré de tout sentiment possessif à l’égard de ses œuvres :

          Parce qu’au fond, il saura toujours en arracher de nouvelles à ses amis les arbres !

 

          Plus volumineuses, les sculptures de Jean Rosset sont la plupart du temps bifaces. Et, un peu lassé, peut-être de s’”arrêter” à d'imprécis golems, il tente d’arracher son chant au bois, en y découpant des lames; les affine jusqu'à leur faire rendre la musique qu’il souhaite entendre ! Lorsqu'il parcourt ses bois, un authentique dialogue s'instaure entre lui et les arbres. La seconde suivante, telle rugosité, telle courbe... l’arrêtent, avec la certitude immédiate que cette essence-là est celle de cette sculpture-là qui simultanément a jailli dans son esprit ! Ce dialogue “in situ” se poursuit dans l’atelier. Jean Rosset cogne, tranche, lime,  explore les blessures naturelles, s’intéresse à l’infini aux possibles expressions... jusqu'au moment où son corps et son esprit disciplinés par tant d’années d’affrontement complice avec le bois savent qu'il faut s’arrêter.

          L’oeuvre terminée réside désormais dans l’atelier. Parfois, peut-être, Jean Rosset la couvrira-t-il de peinture pour la personnaliser, éviter à son œil trop de monotonie. 

          Puis il laissera ses créations en repos et partira vers d’autres lieux, glacés ceux-là (Laponie Sibérie, Alpes hivernales, etc.) Là, il recommencera à découper, tronçonner de nouveaux personnages : leurs mille facettes nivéales brutes renverront aux quatre vents et soleils de la planète, son bonheur de se colleter aux éléments (hostiles, pourtant), sans jamais les avilir ou les défigurer. Car la relation, durable ou éphémère, de l’artiste avec l'environnement, se fait toujours dans le plus grand respect du milieu investi, forêt ou banquise ! Jean Rosset, un écologiste longtemps avant que ce mot se soit galvaudé; un artiste de talent dont l’oeuvre prolonge et enrichit l’équilibre naturel de la terre.

Jeanine RIVAIS

Jean Rosset: 1er prix, concours internationaux de sculpture sur neige : Valloire, Finlande, Norvège…

La voiture de Louis de Verdal et Jean Rosset à l'ouvrage
La voiture de Louis de Verdal et Jean Rosset à l'ouvrage

DE VERDAL LOUIS : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  N° 56 de Décembre 1995, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, dans le cadre du 2e festival de Praz-sur-Arly. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995.

ROSSET JEAN :  TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "JEAN ROSSET, SCULPTEUR A LA TRONCONNEUSE" : CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 56 DE DECEMBRE 1995 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995. Et aussi : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique RETOUR(S) SUR UN DEMI-SIECLE D'ECRITURE(S).