L'ŒUVRE EN RONDS ET EN CŒURS DE COUGOULOU

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Les visages se penchent, serrent le visiteur, le provoquent de leurs grands yeux exorbités, étonnés, amusés, ou apeurés… Eux-mêmes prisonniers, agglutinés dans de compacts ovoïdes rouges ou bleus, ils forment un foisonnement obsessionnel dont l'effet rémanent subsistera longtemps après que ce visiteur ait noté, dans un coin du tableau, un Cougoulou" dont la rotondités s'apparentent à celle des personnages qui l'entourent. Car il n'y a jamais d'angles, jamais de formes aiguës dans les œuvres de cet artiste dont même le nom se fait spirale ! Jamais non plus de perspective : des formes vues de face, sur un plan unique ; et en un travail de fourmi réalisé en quatre couleurs, toutes les déclinaisons de la femme ! Non pas le corps féminin réaliste, mais stylisé, toujours nu, ses membres et bustes assujettis par un seul trait de crayon. Les têtes ovales portent chevelure en cœur dont les pointes se retournent en boucles/tentacules. Les bouches se fendent sur un "sourire" crispé. Les nez, les cils sont de petits flagelles, seules formes à avoir, dans cet entour rigide, des attitudes mobiles.

Mais l'ambition du dessinateur n'est pas de donner à ses créatures inattendues, des destinations fictionnelles. Elles ne sont que ses fantasmes gentiment romanesques, et il a symboliquement choisi pour les réaliser, un outil sans fantaisie et sans nuances, un crayon à pointe Bic ! La seule foucade qu'il s'autorise concerne le "touillage du fond", mélange d'alcool et d'un enduit (formule secrète !) dont les réactions provoquent le plissement du papier, lui donnent un aspect vernissé et, en gardant leurs capacités de dilution, étalent l'encre du Bic, accentuant encore les douceurs de formes et de couleurs. Car, même le choix du papier participe d'une volonté têtue (mais Cougoulou n'est-il pas occitan ?!) de se définir culturellement contre les "excès" ! Pas de beaux papiers, de supports glacés ou de vélins aux multiples richesses : des papiers de récupération, dos de publicités pharmaceutiques, cartons d'emballages, etc. Une façon un peu naïve de détourner ces objets banals pour en faire les supports sur lesquels "installer" son univers onirique. Bien calé dans SON quotidien, Cougoulou entoure SES femmes d'attributs familiers, répétitifs, duels dans leur vocation symbolique : cheminée/cœur, fumée/fleur, hirondelle/liberté… et surtout serrure et clef dont les géométries impliquent à la fois le côté phallique et le sexe féminin métaphoriquement évoqués… Mais ne faut-il pas qu'une serrure soit ouverte ou fermée ? Et la main capable de prendre ou de repousser ? 

Ainsi, l'artiste avance-t-il à petits traits, d'une construction sans soubresauts à un monde doucement farfelu, un peu attendrissant par sa candeur, dans lequel, manifestement, il se sent à l'abri, car tout y tourne… bien rond ! 

Jeanine RIVAIS

 

COUGOULOU : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  N° 56 de Décembre 1995, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA, dans le cadre du 2e festival de Praz-sur-Arly. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995