LES PERSONNAGES-MEMBRES DE MAGGIE DAEMS, dessinatrice.

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          Une étude de la revue planète, consacrée à Lovecraft, constatait naguère que ses personnages, parfaitement mobiles, étaient tous néanmoins dépourvus d'un élément moteur, qui les bras, qui une jambe, qui le corps... Maggie Daems a-t-elle beaucoup lu ce grand maître de la science-fiction pour créer sur le même archétype, mille petits humanoïdes complètement  fictionnels, privés, eux, de leur abdomen ? Sinon, elle est bien l’unique génitrice tellement imaginative de ces merveilleux fous dansants aux membres hypertrophiés, terminés par de longs doigts semblables aux rémiges des ailes d’oiseaux  ! Et tels des anges, elle a délibérément choisi d’en faire des êtres asexués : des humains, simplement, à la fois rêve et réalité, évoluant dans une ambiance spatio-intemporelle.

          Il est vrai qu’angéliques, ses petits personnages le sont, avec leurs cœurs largement étalés au point de scissure des bras devenant jambes, car il faut bien un cœur, même si l’on a pas de poitrine ! Pas trop besoin de bouche, par contre, si ce n’est pour tendre les lèvres en cœur - encore!- dans la mimique d’embrasser ! Mais il faut impérativement des yeux, de bons gros yeux extérieurs à la tête, sortes d’antennes exploratoires qui permettent d’aller “vers”...Vers leurs compagnons bien sûr, car dans le monde de Maggie Daems, aucun individu n’a d’autonomie propre : mus par une sorte d’instinct grégaire, liés comme des siamois, enlacés, se chevauchant, se touchant à tout le moins, ils sont toujours interdépendants. Seuls, les yeux brillants, expressifs, qui ne regardent jamais ceux de leurs congénères, assure leur “identité”.

             Mais où vont-ils donc, à coups de galipettes et d’invraisemblables postures? Vers quel lieu l'artiste les envoie-t-elle, sur fond d’azur ou de vert espérance, incapables de se séparer et tendant néanmoins vers des points divergents ? Et que veulent-ils confier au spectateur attendri par leur aura de douceur, devant qui ils tordent, agitent leurs grands bras, comme s’ils exécutaient un langage de muets, leurs visages-masques tantôt gais, sceptiques, gentiment attristés, jamais méchants! Essaient-ils de le faire pénétrer dans le monde de Maggie Daems dont la préoccupation est d'élaborer ses fantasmagories, batifoler dans la fiction, jamais de reproduire des schémas réalistes ! Comme celles de tous les plasticiens-poètes, généreux, abondants, ses petites créatures dansantes sont le moyen prolixe qu'elle a inventé pour dessiner “une figuration (qui) ne décrit rien, est fabuleuse, aggravant des réalités simples, ou réalisant avec simplicité des mythes...(Elle) invente ce qu'(elle) voit, voit ce qu‘(elle) invente” (¹).

          Et par le truchement de ses petits gnomes follets, elle donne sa tendresse, sa propre douceur, entraîne tout son monde -visiteurs ou créatures membrues- en une danse effrénée, bel exemple de créativité.

Jeanine RIVAIS

(¹) Christian Dotremont.

 

DAEMS Maggie : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  "LES PERSONNAGES/MEMBRES DE MAGGIE DAEMS" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°56 de Décembre 1995, IIe FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995