LES   MILLE   SATIRICONNERIES   DE   LOUIS   CHABAUD

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Les gens qui voyagent à cœur ouvert rencontrent toujours d'autres gens qui les sollicitent ou les encouragent, font avec eux un bout de chemin : Ainsi Louis Chabaud. Né à Aubagne, il se laisse guider par Théo Sicar, professeur de céramique, qui l' "empêche de finir à la rue" ; devient santonnier chez Maurice Chave ; commence à peindre des paysages impressionnistes ; pleure sa grand-mère qui l'a élevé ; quitte définitivement son village à 25 ans ; parcourt l'Europe ; devient animateur touristique ; cultive son goût pour les clowneries jusqu'à son amitié avec le comédien Michel Crémadès. Le voilà, avec son comparse, reparti de plus belle ! Spectacles, routes, cafés-théâtres... et toujours son jardin secret fait de peintures, petites sculptures, compilations de satires philosophico-sentencieuses ("Le jour où l'on pourra manger les cons, finie la famine" ; "Chauffeur, tu te prends pour King-Kong, mais tu es plus kong que king"...). Un jour, dans la vallée de Megève, la certitude qu'il lui faut choisir entre l'aventure du spectacle et l'aventure picturale : ce sera la seconde. Il pose son baluchon, se marie et s'installe à Praz-sur-Arly.

A mesure que s'apaise son humeur vagabonde, son esprit part en campagne, abandonne les compositions traditionnelles pour une oeuvre totalement fictionnelle, faite de personnages stylisés, aux lignes incisives ; de plus en plus personnalisée, chaleureuse, car désormais, quelle que soit la forme d'expression choisie, l'artiste "parle" de l'Homme.

Ses oeuvres les plus "calmes" en apparence, sont les dessins en noir et blanc, à l'encre de Chine ; tous plus ou moins autoportraits satiriques, dans lesquels un personnage très élaboré ou au contraire réduit à un trait enfantin, "occupe" une place centrale. Animal ou homme, il est nanti d'un visage humain, avec une conquérante moustache "à la Chabaud". Autour de lui, gravitent d'autres personnages très mobiles, dansant entre les "murs" de petits espaces bien cloisonnés, amenant le spectateur à une lecture épisodique comparable à celle des bandes dessinées, et une lecture globale de ces oeuvres qui "fonctionnent" en fait en colimaçon, s'enchaînent comme des idées fuseraient une à une, ou bouillonneraient hors d'un cerveau !

Le voyage imaginaire ne fait que commencer, car Louis Chabaud s'en va très loin, en tableautins colorés dont chacun est une étape d'un long périple cérébral jaillissant ensuite de toutes parts sur des oeuvres de grand format ! Sa démarche prend corps au sens littéral, sous forme de lascives créatures érotiques, nues, plantureuses, tailles de guêpe et seins arrogants. Et néanmoins sylphides, flottant, mordorées, dans des ciels aux bleus tourmentés. Elles semblent jalonner ? perturber ? illustrer ? les occupations ? les fantasmes ? de personnages qui, paradoxalement, ne sont jamais "réels" : linéarisés de manière un peu puérile ("La femme est une tornade") ; filiformisés ("A chacun sa folie") ; serpentisés ("Le lanceur écologiste") ; décérébrés ("Jaillissement-né")... Ils sont incontestablement masculins, sans posséder aucun des attributs emblématiques de leur sexe. Lourdement chargés par contre, de symbolisme. Jamais simplement hommes, mais corps-villes, corps-fossiles, corps-pubs, têtes-châteaux... A coups de pinceaux épais, de surfaces piquetées, striées, de collages ponctuels, de grandes taches violentes, l'artiste semble essayer à la fois de météoriser les péripéties de ses petites "histoires" peintes et contrôler ce foisonnement, appréhender ses créations, s'approprier leurs pensées, comme dans ce cauchemar où une main énorme se tend vers vous et vous échappe sans trêve !

Mais grâce à son humour, Louis Chabaud a la chance de se réveiller avant de parvenir au bout du rêve, pour empoigner l'argile, le béton, la pierre...les malaxer en de très concrètes sculptures  sur  lesquelles semble chaque fois gravé "Mais bien sûr ! Voilà ce qui me tracassait !"... et la drogue, le sida, les ambiguïtés de la religion, la misère des concentrations populaires, la "connerie" à l'échelle planétaire sont tour à tour dénoncés par le truchement de cette litanie de têtes aux couleurs chaudes qui complètent le monde de Louis Chabaud, truculent, érotique, provocateur, volontiers sexiste (car la femme est belle, mais seule la tête de l'homme est remplie de "pensées),  toujours tendre et gentiment ironique : une façon de se moquer de soi, s'écouter pontifier, dédramatiser les problèmes, dire à la cantonade : "Regardez comme je m'amuse ! Faites comme moi ! "Jouez" !

Jeanine RIVAIS

 

CHABAUD LOUIS : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "Les mille satiriconneries de Louis Chabaud" N° 56 Décembre 1995 du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995

Et "VOYAGES DE LOUIS CHABAUD DANS LE MONDE DE L'ART SINGULIER" : http://jeaninerivais.fr Rubrique ART SINGULIER AUSSI ENTRETIEN : http://jeaninerivais.fr Rubrique Comptes-rendus de festivals Banne 2008. Et PARCOURS COMMENTE DU MINIGOLF : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS GOLFART PRAZ-SUR-ARLY 2012.