LES TRAGEDIES PICTURALES DE BATTEZANTI, peintre

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          Battezanti cherche une expression picturale personnelle. Actuellement, ses oeuvres empruntent à Arman ses accumulations; à Sandorfi ses masques mortuaires; au "Dictateur "son autocrate jouant avec le monde; et à nombre de plasticiens qui, dans les années 70, attestèrent de leur engagement politique, ses oeuvres grillagées et barbelées. Par contre, s’il est un domaine où il a des certitudes, c’est précisément celui du rôle poiitico-socio-culturel de l’artiste! C'est pourquoi il a renoncé à ses paysages pour récuser à sa manière la violence contemporaine.

          Une peinture en "rouge et noir”, le sang et la mort, où les personnages sont toujours de profil, les uns tellement écrasés par la vie qu’ils ne peuvent la regarder en face, mais aussi parce qu'en d’autres circonstances, ils manifesteraient la même indifférence que leurs voyeurs et sont donc virtuellement aussi coupables qu’eux; les autres, les bourreaux, parce que même au faîte du pouvoir, ils sont des victimes potentielles. Victimes et bourreaux s'agglutinent autour de “la grotte”, dont le thème revient comme un leitmotiv. Cette partie de l’oeuvre de Battezanti est la seule que le spectateur puisse intellectualiser : Penché au bord du gouffre, cerné par ces doubles profils à la Rubin, la possible confusion des rôles entre pour une large part dans l’excitation/répulsion qu’il ressent comme chacun, dans ce genre de rapport. Des mythes surgissent, des images comme celles de la fosse commune réservée aux parias privés de sépulture, fluctuent au gré de la culture ou des propres fantasmes du visiteur, sans que peut-être, l’artiste ait conscience des réactions qu’il suscite ou les ait désirées. Car, dans son esprit, son travail est délibérément manichéen : Seringues aux couleurs pastels collées autour d'un visage défunt, dénonçant la tentation et l’inexorable  achèvement... barres... grillages... une oeuvre cadenassée où défilent, en une vision d’apocalypse, la fillette qui se noie au milieu de la foule, le drogué, le sidéen, le temps qui passe sur les banlieues écrasées de désœuvrement... Pas de répit, pas le moindre bonheur; des amertumes et des accusations concernant les valeurs morales bafouées. Un travail extrêmement violent, série de coups de pieds lancés par un artiste “concerné” sans retenue, qui présente sur chaque toile, la mort en direct : Un témoin, en somme, produisant un “journal” de bruit et de fureur.

          Mais une peinture où le militant l’emporte sur l'artiste. Or, “qui trop embrasse mal étreint”. Battezanti veut trop “montrer” à tout prix ! Son talent n’est pas en cause, mais il n'a pas atteint la maturité nécessaire dans ce genre de démarche; ses preuves restent trop liées à l’actualité quotidienne pour continuer au fil du temps, d'être lisibles. Gageons que le jour où il aura trouver “son style” propre, la colère du citoyen permettra au peintre de dénoncer à l’aune universelle, la littérature muselée comme Berruguete, la misère sociale comme Meunier, Devielle ou Minne, les horreurs de la guerre comme Goya ou le Picasso de Guernica ; les affres des luttes fratricides comme Siqueiros, etc et pourquoi pas de trouver enfin dans tous ces moments de haine, un petit éclair de joie !

Jeanine RIVAIS

 

BATTEZANTI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : LES TRAGEDIES PICTURALES DE BATTEZANTI" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°56 de Décembre 1995.  IIe FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995.