JIM SANDERS, peintre

ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS

Entretien réalisé en anglais. Traduit par Jeanine Rivais.

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Jeanine Rivais : Jim Sanders, vous êtes anglais, et vous vivez en Angleterre. Comment avez-vous connu les Grand Baz'Art ? 

Jim Sanders : En 2012, j'ai fait une exposition à Londres. J'ai rencontré Laurent Danchin qui a visité mon installation. Il m'a proposé de nombreux contacts. Je pense que c'est pendant mon exposition à la Halle Saint-Pierre que Jean-Luc a vu mes œuvres, et m'a invité au Grand Baz'Art ? 


J.R. : Diriez-vous que le trait principal de votre "population" –parce qu'on peut vraiment parler de "population"- est l'humour ? Et même l'humour noir ? 

J.S. : Oui, l'humour ! Je veux toujours surprendre, et pour cela, l'humour est nécessaire. Une chose qui joue sur l'humour survivra toujours. Il y a aussi de nombreux situations sentimentales dont le but est également de surprendre.


J.R. : Je remarque aussi que chaque partie centrale de vos personnages ne s'accorde pas avec le reste du corps ! Il y a toujours une certaine distance ! Par exemple, l'un d'eux a un bébé dans le ventre, alors que cette personne est masculine ! 

J.S. : Oui. En fait, je désire semer la confusion ; mettre côte à côte des éléments provenant de différentes parties de vie. C'est pourquoi un homme avec un bébé ne me pose aucun problème. 


J.R. : Vos individus sont tous énormes et entreraient à chaque fois dans un rectangle. En fait, ils n'ont aucune des formes habituelles à un corps, simplement ils entrent dans un rectangle.

J.S. : Oui. Je pense que c'est pour une question pratique. Ils sont ainsi plus faciles à transporter ! 

        J.R. : Alors, diriez-vous que c'est technique et non esthétique ! 

J.S. : Oui. C'est aussi une de mes contradictions : que ce genre de forme soit automatique, instinctif. Mais en même temps, qu'il soit pratique, facile à accrocher ! Les grands personnages étaient destinés à faire partie d'une foule, dans une grande exposition, l'an dernier. Le but était d'intimider le public ! 


J.R. : En fait, vous vous sentez bien  lorsque vous avez une foule autour de vous ? 

J.S. : Oui. Ce que je fais vise à créer, ce sont des populations. A un moment, j'ai fait la même chose avec des sculptures. C'est le même concept. C'est comme concevoir une autre réalité. C'est comme créer une foule où les humains seraient les invités. 


J.R. : Cependant, vous avez quelques personnages isolés. Je pense que vous n'avez pas conçu ceux-là comme parties d'une foule ? Mais comme des individualités. 

J.S. : Mais une foule est purement et simplement un groupe d'individualités. Ils sont ensemble et forment une foule ; mais chacun existe individuellement. Toute foule n'est qu'une collection d'individus.


J.R. : J'aurais dû dire aussi qu'un des traits principaux de vos créations est le surréalisme ? 

J.S. : Vous le pensez ? 


J.R. : C'est plus évident sur certains. C'est parfois tellement illogique. Vous attendez quelque chose ici, mais il n'y est pas. Vous n'attendez pas des squelettes, mais ils sont là ! Votre façon de concevoir vos œuvres est proche du surréalisme.

J.S. : Oui. En fait, avant de réaliser mes grands personnages, je fais quantité de petits dessins dans mon atelier. Et ensuite, je les découpe et les recolle différemment. C'est ce qui produit cet effet. C'est passionnant de découper une image, la replacer à la place d'une autre, etc. 

J.R. : Vous parlez sans arrêt des humains, mais parfois vous avez des animaux pour renforcer l'idée que votre monde est tout à fait étrange.

J.S. : Oui. Les animaux sont habituellement là dans une perspective symbolique. Je mets des oiseaux et des chats. Les oiseaux batifolent dans les prés. Et les chats rampent dans le pré pour les surprendre. Il y a aussi des chevaux. Nombre de mes personnages chevauchent des animaux. Et la symbolique est leur perte de contrôle sur leurs montures. L'un d'eux tient la tête du cheval, comme pour lui imposer une direction, pour démontrer la grande stupidité de l'humanité. 

J.R. : Mais je pensais surtout au coq et au chat. Parce que l'on dit, symboliquement, "Oh! Cet homme est le coq du village" parce qu'il veut être plus fort que tout le monde ! Par contre, si vous pensez à Kipling, vous repensez à son texte : "Je suis le chat qui s'en va tout seul…". Aussi, le chat est-il celui qui peut être effacé, tandis que le coq est triomphant ! 

J.S. : Oui. Ces images sont très brutales et simples. Le coq est le mâle et la chatte est la femelle. En fait, ils symbolisent toute cette foule qui ne pourrait pas exister sans le sexe et l'idée de procréation. 


J.R. :  Vous suggérez alors que chaque œuvre est une partie d'un échange sexuel ? 

J.S. : Oui, je m'appuie beaucoup sur les évidences basiques. Et le sexe est fondamental. Parce que, sans lui, il n'y aurait aucun humain sur terre ! En fait, les animaux doivent se reproduire et trouver quelque abri pour survivre. Pour l'homme, c'est plus compliqué. 


J.R. : Est-ce facile de passer de personnages minuscules à des êtres énormes et immenses ? 

J.S. : Je fais généralement les petits quand je voyage. Il est rare que je fasse les petits dans mon atelier. Dans le studio, je fais les grands, et je fais les collages.


J.R. : Je pense que vos œuvres se veulent des caricatures, mais que ce n'en sont pas. Parce que, quand vous les regardez, il y a des choses importantes qui ne sont pas là simplement pour détruire des tabous, elles sont là pour expliquer des choses de la vie.

       J.S. : Oui. Je ne suis pas sûr de vouloir expliquer mon travail a posteriori. Parce que la plupart des éléments sont faits automatiquement ! 

        J.R. : Presque tous sont des encres ? Ou bien y a-t-il aussi des peintures ? 

J.S. : Avant, je faisais surtout des peintures. Mais pour faire des dessins, il est plus simple d'employer des encres. Il est plus facile de moduler les couleurs. Je préfère utiliser une plume et des encres, parce que c'est rapide et très propre. Avec la peinture, il faut utiliser un pinceau et c'est plus compliqué.


J.R. : Depuis combien de temps peignez-vous ? 

J.S. : J'ai suivi des cours de peinture et illustration et je pense qu'il y a une vingtaine d'années.


J.R. : Et avez-vous été invité dans d'autres pays que l'Angleterre ? 

J.S. : J'ai essentiellement exposé en Angleterre, mais je suis venu en France où mon travail est très apprécié. L'an dernier, j'ai eu quatre expositions. 


J.R. : Alors, il faut venir vivre ici ! 

J.S. : Il faudrait d'abord que j'apprenne le français ! 


J.R. : Comment pensez-vous appartenir à l'Art outsider ? 

J.S. : Je ne suis pas sûr d'en faire partie dans la mesure ou l'Art marginal est souvent spontané. Mais je suis très heureux dans ce milieu. Je ne me sens pas chez moi dans le milieu de l'Art moderne. C'est trop scolaire. Ici, je me sens chez moi. Je pense que c'est le principal ! Les gens sont gentils, l'ambiance est chaleureuse. Avant, je ne fréquentais que des galeries où l'ambiance était très froide. Je suis très heureux d'être en cette compagnie.


         J.R. : Et maintenant, venons-en à la question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ? 

J.S. : Non, nous avons fait un bon tour d'horizon ! 


CET ENTRETIEN A ETE REALISE DANS LA SALLE D'EXPOSITION PRINCIPALE DU GRAND BAZ'ART A GISORS, LE DIMANCHE 5 JUILLET 2015.

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JIM SANDERS

Welcome. Grand Baz'Art 2015

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Jim Sanders, artiste britannique, proche des arts primitifs, est également inspiré par les traditions religieuses auxquelles son éducation l'a sensibilisé. Après des études en communication graphique et illustration, son esprit d'"invention" le conduit à utiliser des matériaux de récupération, des vieux documents qu'il recycle ; et même le pochoir.

Ses personnages peints sur des kakemonos qu'il appelle "Solitaires" ont une force d'expression presque tribale. Malgré des lignes et des formes rondes, beaucoup de noir et de beige éclairés par du rouge, accentuent une force visuelle qui ne laisse pas indifférent.

Jim Sanders décrit l'être humain avec toute sa vanité et ses difficultés à s'assumer. Ses personnages montrés sans concessions semblent obéir à des rites d'expiations permanentes. Oana Americai (Texte du catalogue).