BERT MONTERONA, peintre

ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS

(Entretien réalisé en anglais, traduit par Jeanine Rivais)

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Jeanine Rivais :  Bert Monterona, d'où venez-vous ? 

Bert Monterona : A l'origine, je viens des Philippines. Mais je vis au Canada.


JR : Comment en êtes-vous venu à connaître le Grand Baz'Art ? 

BM : Jean-Luc est mon ami sur Facebook. Il m'a invité. Naturellement, cela coûte très cher de faire le voyage. Mais je me suis dit  que ce serait bien d'opter pour cette nouvelle direction artistique. 


JR : Etes-vous heureux d'être ici ? 

BM : Oh oui ! Mais je regrette de ne pas parler français. 


JR : J'étais presque sûre que vos tapisseries étaient des tapisseries authentiques, des tapisseries textiles. Mais quand je les ai touchées, j'ai constaté que c'était du papier ! 

BM : Non, c'est de la toile. De la toile que l'on peut acheter dans des magasins de matériel de peintures. La seule chose, c'est que je la traite de différentes façons. 


JR : Vos œuvres sont soit ethnologiques, ou religieuses ? 

BM : Oui. La plupart de mes tapisseries parlent de ma religion, ma culture, et de la situation politique aux Philippines. J'ai émigré au Canada à cause des problèmes politiques aux Philippines. Tout mon travail est réellement politique. Car je suis l'un des meneurs d'un mouvement outsider du Réalisme socialiste. Peut-être êtes-vous familiarisée avec ce mouvement ? 

JR : Dans vos œuvres, il y a toujours quelque chose d'important au centre ; et ensuite, vous peignez autour ? Ou bien vous allez d'un coin à un autre ? Comment composez-vous vos œuvres ? 

BM : Quelquefois, je pars d'une idée basique très simple. Et je l'étends, je l'étends ! 


JR : Diriez-vous, par exemple, que nous avons un cœur brisé au centre de l'œuvre devant nous ? 

BM : Le centre est le Sacré-Cœur, un symbole pour les catholiques. Cette peinture parle de l'unité universelle. Et vous pouvez voir sur la droite  un rosaire représentant la Chrétienté ; et sur la gauche des symboles musulmans.


JR : Je pensais que, de part et d'autre, ce pouvaient être des flammes ? 

BM : Voyez-vous, je suis né catholique et le Sacré-Cœur est, dans mon esprit,  l'un de mes symboles favoris. Dans le Sacré-Cœur, vous voyez des flèches en tous sens, pour montrer l'unité de souffrance de toutes les religions. 


JR : Je pensais que les gens qui sont groupés là pouvaient être des prisonniers, ou des esclaves ? En fait, sont là en train d'assister à une messe ? 

BM : Aux Philippines, il y a des mouvements qui travaillent pour la Paix. Des femmes, des paysans, des ouvriers, des artistes, des docteurs travaillent dans une unité pour construire la paix.


JR : Tous vos gens solitaires ont les yeux clos. Est-ce parce qu'ils sont en train de prier ? 

BM : Peut-être ? Parce qu'inconsciemment, ils croient au pouvoir de la prière. Et ils prient, ils prient sans arrêt.  

JR : Sur plusieurs tapisseries, vous avez placé des lézards. Est-ce pour rappeler des éléments de votre pays originel ? 

BM : Vous pouvez trouver des lézards dans de nombreux pays. Dans mon pays, ce sont de petites créatures très fines. Mais ils peuvent grimper jusqu'en haut des constructions. Ils jouissent du coucher de soleil, puis ils descendent et embrassent la terre pour la remercier de cet abri. C'est comme pour les humains ! C'est pourquoi les humains ont pour eux beaucoup de respect. 


JR : Vous avez des couleurs très belles. Parfois elles sont éclatantes, comme le jaune et le rouge. Puis quand vous les mélangez, elles restent vives, mais jamais agressives. Finalement, elles paraissent douces.  

BM : Oui. avant que ma peinture soit définitive, j'essaie des couleurs sur les fonds. Dans mon île, nous avons des teintures très vives. Nous avons aussi des couchers de soleil d'un orange vif. Je suis toujours inspiré par la nature, les montagnes, les rivières, les plantes… 


         JR : Une question supplémentaire : comment procédez-vous pour donner l'impression que vos tapisseries qui n'ont que l'épaisseur de la toile, donnent l'impression d'être des tapisseries de laine ? 

BM : Je m'amuse beaucoup à les faire très plates, mais telles que, si vous les regardez de loin, elles ressemblent à de vraies tapisseries. Vous voyez, c'est très ennuyeux de travailler sur du plat ; aussi j'essaie de le faire paraître plus épais ; de faire croire à des reliefs.


         JR : Le résultat est vraiment trompeur, car le visiteur a la sensation que vos œuvres sont très épaisses. J'ai été complètement surprise de constater à quel point je m'étais trompée ! 

BM : Oui ! Mais c'est néanmoins de la toile ! 


         JR : Et maintenant, venons-en à la question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ? 

BM : Quand j'ai été invité par Jean-Luc, j'ai décidé immédiatement d'apporter des tapisseries religieuses. J'ai pensé qu'elles seraient  appréciées à Paris puisque c'est une ville internationale. Mais je ne veux pas cesser de travailler au sujet de la paix. Je crois que l'art est un élément très sûr d'apporter des arguments pour un dialogue pacifique. C'est bien que les gens procèdent ainsi. Les spectateurs comprennent mieux les arguments que l'artiste a posés sur sa toile. Aussi, je vais continuer à procéder de cette façon, à travailler pour la paix. 

JR : Avez-vous déjà exposé au Canada ? 

BM : Presque toutes mes tapisseries ont été exposées en différents lieux au Canada. Elles ont aussi voyagé en Australie, à Hong-Kong, aux Etats-Unis.


JR : Et comment votre message de paix a-t-il été accepté ? 

BM : Il y a un très fort mouvement global en direction de la paix. Aussi est-ce facile de faire accepter ce message. Même par les Musulmans, peut-être ! 


JR : Même par Daesch ? 

BM : Je ne sais pas, je n'ai pas essayé ! 


JR : N'essayez pas, nous voulons vous garder ! 

BM : Mais à Hong-Kong, il y avait un critique d'art indonésien qui disait : "Si vous exposez en Indonésie, il n'est pas du tout sûr que vos peintures seront acceptées ; parce qu'il est possible que la Croix et le Christ choquent les gens". Dans mon île, la plupart des gens ont cet esprit de tolérance ; mais les habitants de l'île de Mindanao n'accepteraient sans doute pas mes œuvres. Et pourtant, le prêtre a officié dans la mosquée et l'imam dans l'église. 

Pour moi, l'Art est un bâtiment dédié à la paix. Aujourd'hui, vous me posez des questions sur mes œuvres et je vous parle de la paix. C'est comme si tous deux ensemble, nous  étions capables de construire un bâtiment pour la paix. 


CET ENTRETIEN A ETE REALISE DANS LA SALLE D'EXPOSITION PRINCIPALE DU GRAND BAZ'ART A GISORS, LE DIMANCHE 5 JUILLET 2015.

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Bert MONTERONA

Walang Numan - Grand BAZ'ART 2015 


Bert Monterona est un artiste philippin qui milite pour une relation humaine universelle.

Ces sujets apparaissent souvent décalés dans leurs univers, c’est là que se trouve son mes¬sage. Dans notre vie quotidienne, il faut sans cesse lutter, ce qui peut déstructurer les esprits humains les plus fragiles. Les gens sincères et spontanés, dans leur «innocence», sont vulnérables à la complexité de la vie et aux trop nombreuses normes sociales, culturelles, religieuses, spirituelles et politiques.

L’artiste insiste également sur la place et le rôle dévolus aux femmes dans la culture philippine. Ils les montrent ni mère exemplaire, ni déesse sexuelle, mais comme des femmes qui veulent exister par elles-mêmes.

"Un homme peut être féministe !"Oana Americai (Texte du catalogue)