EVAsion DES ARTS

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BRETEL CORINNE, invitée d'honneur 

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          Il semble bien qu'au fil des années, Corinne Bretel ait renoncé à ses végétaux aléatoires, profus, prétextes à l’émergence de corps se dégageant de leurs enchevêtrements. A ses corps  suggérés, à peine ébauchés, à peine évoqués dans des couleurs ocreuses, relevées ici d’une pointe de rouge, là de bleu dont l’infime présence générait une sensualité inattendue chez ces êtres en gestation… A moins que ne soit une résurgence de cette époque, la toile intitulée "Mail", œuvre onirique, où des groupes humains retrouvent leurs cloisonnements en des proximités aux limites de l'étouffement !?

          Mais pour les autres, peut-être l’ombre de Bacon et des Expressionnistes a-t-elle "appris" à l'artiste à se libérer ; résoudre ses questionnements en s’exprimant de manière directe et spontanée ; évoluer dans son travail en changeant de mentalité ; faire se rejoindre des idées opposées dans lesquelles elle se sente à l’aise. Et en venir à son oeuvre actuelle, plutôt figurative sans être réaliste ni anecdotique ; très personnelle en tout cas, et bien installée dans l’esprit de son époque ! 

          Une oeuvre où, à force de fouir, elle a fini par gagner le "centre" géographique de la toile, et y "installer" ses "portraits" ! Figures étranges construites désormais autour d'un motif récurrent et omniprésent, l'humain. L'humain, tantôt seul, peint de couleurs claires, tantôt dédoublé comme s'il était enfin capable de cohabiter avec quelqu'un ? Tout de même, s'il a libéré son espace vital, il reste linéarisé par un cerne épais, noir le plus souvent, blanc parfois. Se détachant sur le fond abstrait, toujours sombre. Quel qu’en soit le sens, ce cerne épais et monochrome renforce par sa cohérence et sa banalité, l’intention de l’artiste de restaurer un équilibre ; mais amplifie par contraste le manichéisme de la dualité ombre / lumière. 

          Il faut noter, tout de même que si chaque personnage est entier, bien que les différentes courbes et contre-courbes de son corps retrouvent le cerne extérieur, les visages sont toujours dépourvus de traits, ces derniers à peine suggérés sous l'ovale de la peinture. Allusifs. 

          Finalement, tout se passe comme si l'artiste avait extrait d'une gangue, des sortes de Golems, à ce jour inachevés. Etait parvenue à un univers encore en route vers une restructuration définitive. Un curieux jeu d’à qui perd gagne, face auquel le spectateur se demande sans arrêt laquelle, de la tête de la peintre engendrant ses fantasmes, ou de la toile qui les traduit, aura, un jour, le dernier mot ! 

Jeanine RIVAIS