Depuis des années, Christine Lemaire se confronte à la dureté du métal pour en extirper personnages, objets ou "lieux"… Long travail d'approche et de conquête du matériau, auquel pendant longtemps, s'est ajoutée une minutieuse recherche des jeux d'ombres murales projetées par ses créations. Mais il semble que, désormais, cette relation réalité/virtualité ne la préoccupe plus, et que seule l'intéresse la présence dans l'espace, de ses œuvres. 

Au long desquelles le visiteur est, à son tour, confronté à une évidente antithèse : Œuvres légères, entièrement linéarisées, jetées, avec un sens inné du mouvement aérien, sur des courbes ou des obliques, semblant défier la pesanteur. … Ici un couple de femmes en robes moulantes ; là, un personnage masculin enveloppé d'une cape ; ailleurs un homuncule batifolant au sommet d'une tige que balance le moindre souffle de vent… Comme une provocation à la dureté du matériau !

Et puis, à l'opposé, ses citadelles pointant vers le ciel leurs puissantes tourelles ; ou telles les kasbahs du Maroc accroupies aux confins du désert, ne présentant que leurs toits irréguliers. Mais toujours, murs lisses, sans jamais la moindre fioriture, et apparemment au fil des années, de plus en plus "aveugles" ! 

En outre,  métallière de talent, constructrice d'Art-Récup', Christine Lemaire sait, à leur propos, créer une autre irréalité : car toutes ces créations qui semblent tellement "lourdes" qu'elles devraient être intransportables, ne sont en fait que de la tôle rouillée par le passage du temps, lissée, burinée, érodée… générant ainsi une illusoire alliance de vigueur et de rigueur ! 

Une façon bien à elle, de créer une poétique du jeu et du hasard soumis à sa connaissance intuitive du matériau dompté par un savoir-faire infaillible. Et, dû au contraste des voies de recherche, un équilibre subtil entre légèreté et force.

Jeanine SMOLEC-RIVAIS