LES FEMMES RETRO DE CLAIRE PAUVAREL

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"…une envie : donner vie aux formes, "faire surgir la forme que l’on porte en soi…" Constantin Brancusi.

          Souvent, les représentations de la céramique servent de miroir où se reflète la vie quotidienne de la femme. La femme au travail, dansant, marchant, etc. Rien de tel chez Claire Pauvarel dont toutes les femmes –car son monde est uniquement féminin- sont face au visiteur, immobiles comme elles le seraient face au photographe, prenant la pose, en représentation en somme ! Et tout son art repose sur la contemporanéité qu'elle leur donne par opposition au côté rétro qu'elles présentent ! 

 

          Contemporaines, en effet, par l'approche graphique de la céramique, remarquable par les dessins très fins d'architectures imaginaires et aléatoires générées grâce au raku, et qui parcourent la surface de ses créations. Par le jeu des parties non émaillées, brutes pour les noirs et les contrastes omniprésents des oxydes qui génèrent des reflets plus ou moins métallisés. Par les courbes aussi, symboles de la beauté féminine qui sont développées et qui, mises en relation avec les angles, structurent le volume. Cet équilibre esthétique est le résultat des observations de Claire Pauvarel, de sa recherche continue de la réalité unie à l’imaginaire. 

 

          Rétro, par contre, les sculptures, par leur habillement. Car, toujours, elles parcourent la mode à travers les âges.

        Tantôt, lorsque ces femmes ne sont qu'en buste, elles osent le décolleté, et, comme les beautés du XVIIe siècle, portent un large col châle élégamment plissé. Car l'élégance est le caractère premier des vêtements réalisés par l'artiste. 

 

          Lorsqu'elles sont en pied, toutes vêtues de camaïeux de gris, de beige ou de bleu pâle, c’est à chaque fois, une affaire d’allure, de silhouette.  

          Parfois, elles adoptent, telle Madame de Récamier, le style antique : justaucorps serré autour des seins, éloigné d'un cou démesuré, et robe bouffante ornée de gros boutons tenant lieu de broderies. Epaules tombantes dénudées du fait du large décolleté, protégées ou non par un châle. Dans ce cas, l’harmonie tient au mélange de la rondeur, qui apporte la douceur du volume et les lignes tendues, qui le structurent.

 

          Mais d'autres fois, la rondeur s'exacerbe (frisant le ridicule, comme le font très souvent, dans la vraie vie, les excès de la mode), devient ballonnement, les bras maigres écartés à s'appuyer sur la courbe outrée de la jupe. Laquelle se resserre sur une sorte de plot qui remplace les jambes. 

          Consciente, peut-être, de l'effet produit, Claire Pauvarel fait un bond dans le temps, parvient aux années 30, et aux vêtements au ras du corps. Longues jupes serrées tombant au sol ; corsages, à peine soulevés par des seins menus, et descendant aux genoux. Là, dans la simplicité, sa recherche de l’équilibre des formes, matières, textures est aussi sobriété. Ces lignes épurées suggèrent la grâce sous-jacente du corps féminin.

          Mais qu'elles soient ballonnées ou longilignes, les femmes de Claire Pauvarel ne sont que très rarement "en cheveux". Au bout de leurs cous à la démesure déjà évoquée, leurs têtes petites, fines et jolies, aux yeux noirs très expressifs, sont coiffées de turbans sophistiqués ou de toques évoquant des fourrures venues de loin ! 

          Il est à noter, par contre, qu'avec de si recherchés atours, aucune ne porte de bijoux. Pour ne pas rompre les lignes qui libèrent la sensualité formelle de ses figures ? Pour montrer que cette beauté dénudée met en évidence la féminité de chacune de ses sculptures ? Ou bien, parce que, comme l'écrivait Bachelard, "Il est des natures qui banalisent les images les plus rares : ils ont toujours des concepts prêts à recevoir les images. D’autres natures, celles des vrais poètes, remettent en vie les images les plus banales : écoutez ! dans le creux même d’un concept, ils font retentir le bruit de la vie. Mais alors les poètes de la platitude se soulèveront et nous diront : nous aussi nous parlons au sens fort, au sens plein, au sens vivant. Et ils étalent les riches images, ils retentissent en de sonores allitérations. Mais toutes ces richesses sont hétéroclites, toutes ces sonorités sont des cliquetis. A toutes ces parures il manque l’être, la constance poétique, la matière même de la beauté, la vérité du mouvement" , toutes qualités de choix esthétique qui ne manquent pas à Claire Pauvarel ! 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU FESTIVAL BANN'ART DE SEPTEMBRE 2017.