LES POPULATIONS EXOTIQUES DE SYLVIA FUET

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Est-ce pour avoir vécu de multiples déracinements vers des pays aux civilisations éclatantes que Sylvia Fuet a choisi de peindre des oeuvres à connotation exotique, aux végétations profuses, à la flore omniprésente ? Ou bien, comme tant d'artistes, sous quels tropiques, vers quels lointains horizons est-elle partie, afin d’en comprendre les mystères, en intégrer les secrets ?… En traduire la primitivité, l’archaïsme tribal, l’hiératisme, sans pour autant se soucier de réalisme, ni d’ethnographie… Une façon de dire qu'elle a trouvé le moyen d’établir avec cette culture "autre", un impossible dialogue ; relater de façon très subjective son voyage émotionnel à travers des mystères culturels qu'elle a essayé d’assimiler.

          Car, vivent côte à côte la fillette en affriolante robe au large décolleté, sous laquelle pointent deux seins minuscules ; minois émoustillés ; jeunes filles tête dressée sous le poids d'un régime de bananes ; jeunes coquettes arborant une coiffe de plantes tropicales étranges aux teintes douces au lieu de la traditionnelle cotonnade ; danseurs enlacés en une biguine endiablée… Tout ce monde au teint mordoré s'ébat dans un univers à la fois spontané et longuement échafaudé ; conçu avec un sens aigu d’une dramaturgie picturale.

           Très préoccupée à l’évidence de l’idée de communication, l’artiste les “met en scène”, en gros plan, enlacés, embrassés... à l’avant du décor. Finalement, le monde de Sylvia Fuet est essentiellement féminin ; et, mis à part quelques écoliers en uniformes, ce sont le plus souvent des jeunes filles serrées les unes contre les autres, se prélassant à leur balcon ; ou attendant quelqu’un pour qui elles ont revêtu leurs plus coquets atours…  

 

           Mais tous, hommes ou femmes, sont peints avec un soin méticuleux, sans que jamais ne surgisse le plus petit hiatus car cette artiste    est une vraie coloriste. Et, bien que le contexte suggère un monde de farniente, tous sont à l’évidence les représentants de la vie au jour le jour, citadine peut-être, villageoise plutôt. Une existence sans doute jalonnée de joies, de tristesses, d’espoirs, de doutes … Pourtant, nulle rancœur sur leurs visages. Sérénité ou plaisir.

Des œuvres simples, sans fioritures, aux traits nets délinéés sans hésitation, porteuses de sensibilité et de plénitude. Un art intime, populaire, qui parle sans en avoir l’air, de la culture exotique et de la richesse du métissage afro-cubain, avec une technique picturale et une recherche des couleurs et des textures éminemment personnelle. Subséquemment, il y a quelque chose d’émouvant dans le côté obsessionnel présenté par l’œuvre de Sylvia Fuet. Non par manque d’imagination, mais comme un rêve cent fois repris, dont l’effet rémanent se répéterait d’écho en écho.

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU FESTIVAL BANN'ART DE SEPTEMBRE 2017.