VIIe BIENNALE DES Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS  

 

LIEUX ET EXPOSANTS SUITE ET FIN

 

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 LE CENTRE SOCIAL DE BEAULIEU

 

HACENE-GEORGES BOUZIANE

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  http://jeaninerivais.jimdo.com /  Rubrique FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018.

 

 

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NATHALIE CARTEL et son monde féminin

 

          Le monde de Nathalie Cartel est exclusivement féminin. Subséquemment, sans doute est-ce par transfert que toutes ses femmes sont issues de la protagoniste de l'œuvre intitulée "La naissance du monde" ? En effet, celle-ci qui étend ses racines loin dans le sol, est enceinte non pas jusqu'aux yeux comme le dit l'expression populaire, mais dans un état de grossesse très avancé, à en juger par son ventre rebondi et par le fait que le fœtus est manifestement bien formé dans son liquide bleu.

          En fait, l'anatomie de cette femme à l'origine du monde cartelien est tout à fait inattendue, puisqu'elle est à la fois personne et végétale : Placée à l'avant-plan du tableau devant un paysage de collines arborées et fleuries. Très humain sans être réaliste, son visage lunaire est parfaitement galbé et les traits sont fins ; et à l'instar de la quichenotte de naguère, il est entouré d'une série d'auréoles concentriques toutes différentes. Et on imagine la peintre, le nez collé sur son tableau naissant, déployer toute sa fantaisie pour les orner, les piqueter d’infimes pointillés, les agrémenter d’oves minuscules, les guillocher de mille petites lignes brisées ou onduleuses, les fleuronner, les incruster, les entourer de "pointes de flèches" (qui pourraient être les graines s'échappant de son ventre par sa tête et partant générer ses congénères ?) ... le tout dans des rouges vifs, des jaunes éclatants, sur fond de vert-jade ! A ces couleurs dont les combinaisons et les nuances font exploser son univers, Nathalie Cartel ajoute le noir des surlignages,  quelques déviations bleues perdues dans les méandres d'un ruisseau chargé de poissons, qui coule aux "pieds" de la femme ; tout cela assurant des contrastes, instaurant des équilibres, introduisant la psychologie, se retrouvant avec des nuances dans toutes ses créations,  engendrant la “vie” des personnages qui racontent d'autres petites histoires. 

 

          Pas seulement des personnages, d'ailleurs, puisque les arbres présentent semblables auréoles. Ces spécificités sont récurrentes et seuls varient les "fruits" et les fleurs, tantôt stylisés comme le feraient les enfants, tantôt mignonnes petites bêtes rouges aux mille pattes… Car l'artiste possède au plus haut point le sens du statisme ou au contraire du mouvement. Et ses créatures ne sont jamais dans une attitude naturelle : Parfois elles posent face à une possible caméra qui serait en off, tenue par le visiteur ; d'autres fois, elles sont prises dans un élan “vers”, et semblent danser ...

          Toutes les variantes se succèdent dans les œuvres de Nathalie Cartel, générant des paradoxes, entre les fonds unis ou disparaissant sous mille fleurs ; entre les têtes des femmes qui sont soit réalistes comme si elle les avait découpées dans quelque magazine, tantôt assurément imaginées ; entre les corps plus vrais que vrais ou minuscules par rapport à la tête ; entre les positions des protagonistes, seules debout face à l'appareil comme (corroboré par le titre), pour une photo d'"Identité", ou dans un bois entourée de masques étranges;  à deux, de part et d'autre d'un globe terrestre ; en trio se tenant la main, devant des arbres disposés tellement symétriquement qu'ils donnent l'impression de les placer chacune dans son alvéole ; exhortées par des nuages parlants ("Pleure pas ; trouve le chemin), comme dans l'œuvre intitulée "Redonne-moi la foi qui fait franchir les montagnes" ; etc. 

 

          Nathalie Cartel réinterprète donc à chaque nouveau tableau, son art d'une manière originale. Il s'agit pour elle de jouer entre son imaginaire et une figuration dont les exigences de réalisme ne sont que de peu de poids. Lourde de psychologie, chaque œuvre n'est qu'un prétexte à l'extériorisation d'élans intérieurs, d'une volonté d'empreinte immédiate. La valeur de cette dernière ne tient qu'à la qualité spirituelle de son inspiration, émanant d'elle-même, dans sa spontanéité; avec le souci  d'échapper aux routes tracées. Et le visiteur est évidemment fasciné par cette artiste qui  possède ce talent hors norme de pouvoir déclencher des émotions, simplement en lui proposant des petites scènes innocentes qui se seraient échappées de quelque conte poétique.

Jeanine RIVAIS 

 

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KONAC IGOR 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "CITADINES OU RURALES, LES ŒUVRES D'IGOR KONAC" http://jeaninerivais.jimdo.com /  Rubrique FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

 

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          Surprise, épatement et perplexité, tels sont les mots qui viennent à l'esprit du visiteur parvenu devant la  girafe d'Yves Perrin, son cheval à bascule ou ses tableaux surpeuplés !  Telles des matières en fusion qui se bousculeraient en rayonnant autour du corps ou du support originel, les formes que crée Yves Perrin se propagent sans un seul interstice, minuscules têtes hideuses de gens en colère, grinçant des dents, crispant leurs lèvres, riboulant de gros yeux, brandissant leurs nez/truffes, etc. ; si nombreux qu'ils ne laissent aucune place au fond. Aussi denses, mais entiers sur le cheval, visages plus paisibles, côtoyant arbres, lacs et rivières… Carrément rieurs, rigolards même sur la girafe, où ils vivent côte à côte avec des animaux. Une fois résolu ce problème formel, la riche matière et la concordance des couleurs qui donnent consistance et vie à ses scènes, suggèrent la paix, (voire la lutte ! ) ou la joie de vivre.

 

           Mais au fait, ce problème formel est-il vraiment résolu ? Yves Perrin est-il sculpteur, alors qu'il semble bien qu'il ait tiré de quelque grenier le cheval à bascule et la girafe, et qu'il se soit "attaqué" à eux, sans en changer un poil !? Alors, est-il seulement peintre, puisqu'il couvre également des toiles de ses vagabondages socio-psychologiques ? La réponse à cette seconde question est oui et, face à une telle folie du chaos dans l’éclat des couleurs et le primitivisme des graphismes, ce visiteur se demande ce qui peut motiver cet artiste autodidacte pour couvrir ainsi à l'infini tout ce qui lui tombe sous la main, sans laisser une chance à chaque protagoniste de conquérir un brin d'espace ? ? Besoin de compagnie pour pallier une solitude ? Ce serait appréhender gravement "son cas" ! Besoin, au contraire, de rendre compte d'une façon bien à lui d'une abondance de présences parfois trop… présentes ? Ou tout simplement humour d'un bon vivant à l'œil exercé qui, mine de rien, se délecte des qualités et des travers de ses contemporains ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS

 

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CARTE BLANCHE A ŒIL-ART : COLLECTION DE JEAN-LOUIS FARAVEL

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Autre lieu confié à la Collection de LOUIS FARAVEL :

 

FABIEN CHEVRIER et ses jardins des supplices

 

          Quels démons peuvent bien poursuivre Fabien Chevrier, pour qu'il se réfugie derrière des personnages aux corps ou aux visages torturés ou carrément absents, en des entours tellement composites qu'autant d'œuvres, autant de chaos ! Des œuvres qui sont apparemment des peintures, en toutes nuances de gris, mais parce qu'il néglige le pinceau et ne travaille qu'avec ses doigts ou des chiffons, ont l'air d'avoir été réalisées au crayon à papier ou au Bic noir ! 

          A les regarder, il semble bien que chacune soit composée d'intégrations de hasard, d'imprévu, d'imprévisible et d'hétérogène ! Et qu'un thème y soit permanent : la mort "muette ou proclamée, toujours présente" comme disait  Francesca Busca qui décelait dans ses peintures (…) des "in situ de natures mortes".

          Et c'est bien tous ces aspects que retrouve le visiteur devant les peintures de Fabien Chevrier qui, par les "aventures" qu'il "met en scène" l'invite à souffrir lui aussi : Car, que va-t-il advenir de l'homme, sous l'enchevêtrement d'éléments indéfinissables qui se dressent tel un bouquet au-dessus de l'endroit où gît son corps, puisque son bras et sa jambe gauches sont imbriqués dans une sorte de boîte trouée ? Est-ce sa tête qui surgit d'un autre orifice, au bout d'un long cou, tête de demi-mort, à en juger par la mâchoire découverte, mais l'œil droit portant monocle reste vivant, tandis que de son crâne partent des sortes de tentacules dont les extrémités forment un entrelacs apparemment incandescent ? Puisque manifestement, nul autre bras ou jambe n'émerge, il ne s'agirait donc que d'une demi-anatomie découpée verticalement ( à moins que l'autre moitié ne soit confinée à l'intérieur de la boîte ?). Mais, si le foyer tout près de lui propage le feu aux autres éléments du "bouquet", alors, cet individu est voué à être brûlé vif ! 

          Et quelle peut être sa relation avec l'écorché debout près de sa tête, le cou entouré d'un anneau comme ceux des jeunes filles-girafes, et la tête hurlante à l'intérieur d'un récipient dans lequel s'écoule un liquide projeté par l'une des branches de l'enchevêtrement évoqué plus haut ? 

          L'artiste a-t-il voulu "illustrer" à sa façon deux supplices, agissant en cela comme les tailleurs de pierre de naguère, sculptant sur les chapiteaux des églises les géhennes infligées aux saints ? 

 

          Par ailleurs, qu'arrive-t-il au corps invisible, mais supposément attaché à cette tête/lune, couvert d'une sorte de plaque de bois ou de métal sur lequel foisonnent plantes (vénéneuses ? ), tête de mort, appareils industriels mal définis ?... Et cette traînée rouge jaunâtre dotée d'un œil noir, qui traverse l'ensemble, est-elle bien un serpent dont chacun sait que la morsure est mortelle, ce qui impliquerait que cet individu-là est voué à une mort extrêmement douloureuse par empoisonnement au venin ! 

 

          Quel âge a donc Fabien Chevrier, pour imaginer un éventail de tortures, comme le fit Octave Mirbeau dans son ouvrage "Le jardin des supplices" qui est non seulement un catalogue de toutes les perversions qu'un individu peut faire subir à d'autres ; mais par extension ce que des pays peuvent infliger par simple barbarie ou raffinement de cruauté ? 

 

          Il s'agit, en tout cas, d'œuvres de quelqu'un qui, mentalement, fait de la récup', dont il se sert sur ses toiles pour fantasmer ses œuvres cauchemardesques. Et, s’il est vrai, comme le pensent les philosophes, que chaque individu possède en lui son propre belluaire capable de toutes les violences, voilà l’artiste, perdu dans la multitude de ses créations,  bien empêché de préciser quel est le sien ! Et s’il est vrai, également, que toute oeuvre a une valeur identitaire, alors, plaignons le peintre qui, dans son inconscient, a la tête par-ci,  le corps par-là… les membres trop ceci, ou trop peu cela, le tout idéal pour s'imaginer dans les plus atroces souffrances…

Et que le visiteur qui le rencontrera craigne pour sa vie !  

Jeanine RIVAIS

 

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MARIE-JEANNE  FARAVEL

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS  :  http://jeaninerivais.fr  Rubrique  Comptes-rendus de festivals : Visions et créations dissidentes 2008.

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE FESTIVALS, VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020.

 

 

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LEON LOUIS et ses personnages aux anatomies morcelées

 

          Imagine-t-on un petit bonhomme ou une grande femme créés de toutes pièces par leur géniteur : chaque partie de leur anatomie indépendante, cernée d'un noir ou d'un rouge épais qui la relie à la partie suivante ? Et malgré ce "découpage", ils sont bien vivants, l'œil vif de chacun en atteste ! 

          Il est tout seul, à l'avant-plan d'un fond de couleurs et rayures très contrastées. Elle est devant une foule qui la suit, faite de petits personnages très stylisés. Des silhouettes, des formes à peine ébauchées. Figuratives, néanmoins, mais réduites aux plus élémentaires linéarités. Ce faisant, de courbes en contre-courbes, de bosses en aplats, de creux en arêtes arrondies comme s'il ignorait les angles aigus, l'artiste permet à la lumière de générer brillances et matités, dépouiller la matière ou au contraire l'enrichir, capter l'attitude d'un moment jusqu'à laisser percevoir l'essentiel : un petit bonhomme fixant le visiteur, une grande femme emmenant une horde : des petites histoires dans leur universalité, en somme !  

   

     Car Léon Louis est un peintre de la matière : Jamais un trait net, il commence apparemment par une succession de coups de pinceau ou de crayon, les fait se chevaucher, revenir, circonscrire la silhouette qu’il a en tête… La couche devient relief. il  passe dessus des teintes claires et douces, les fait cohabiter avec des noirs épais, ajoute des bleus ou des rouges vifs… de sorte que l’œuvre terminée est toujours haute en couleurs directes, non pas violente, mais vives !

 

          Et surtout il sait garder à la toile un côté non-fini, non-apprêté, la laisser en somme en devenir ! Au fil des années, il a acquis une grande connaissance de ce qu’il souhaite réaliser, une grande maîtrise de son travail où le “fond” est traité comme le “sujet” ; où jamais ne se glisse la moindre dissonance qui, relevant de l’esthétique, ferait perdre au peintre, le sens de sa progression picturale. Ainsi, son exigence mûrement réfléchie, l’a-t-elle amené à un travail résolument figuratif, sans se refuser l’apport de la tache ou de la ligne ; par voie de conséquence, à créer dans une veine très personnelle, une oeuvre riche, belle et puissante à la fois !

Jeanine RIVAIS

 

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CHRISTINE REMACLE et ses visages

 

"You lookin’ at me ?”, Le face-à-face revu par Chuck Close

    Christine Remacle aurait-elle voulu, elle aussi,  être photographe, qu'elle peint –et ne peint que-- les  visages de ses personnages en gros plan, comme si elles les avait surpris en train de l'observer, collés à une vitre, si près qu'il n'y a que le visage en gros plan sur le tableau. Même pas une amorce de cou ! Souvent, même, le menton est hors champ ! Et, ayant trouvé SON angle de vue, elle n'en change jamais. Son visage à hauteur de celui qu'elle crée, en un véritable face-à-face ! Pas d'arrière-plan non plus, le visage emplit le support. Et pourtant, il pourrait donner sur le personnage qu'elle peint, une information sociale, historique, géographique… ! Rien de tout cela !

       Par ailleurs, dire qu'elle "peint" est erroné, car il s'agit de dessins aux pastels gras ou au fusain, sur fond d'écoline ! Le fond disparaît, servant de sous-couche aux pastels, appuyant leurs effets. Alors, finalement  peintre ou dessinatrice, le visiteur n'a aucun regret qu'elle ne soit pas photographe, vu la personnalité avec laquelle elle "opère" ! Aucun a priori. Simplement, selon que le visage est réalisé en sombre ou en clair, les faces sont en noir ou en blanc, avec les ombres et les traits appuyés, les lumières rehaussées afin de donner vie aux êtres qu'elle imagine ! 

 

          Pour chaque portrait, ce qui frappe le visiteur de prime abord, ce sont les yeux, écarquillés, comme hallucinés. Et pourtant, seul un trait fin génère leur apparence, ils n'ont pas de pupille ! Mais la façon dont ils ont été dessinés, d'un trait vif et sans hésitation du pastel, les rend résolument vivants ! Puis, vient le nez, ce qui est paradoxal, car étant tellement gros et appuyé, il devrait être vu le premier. En forme de L dont les contours sont épais et l'angle arrondi. Il part des sourcils drus et embroussaillés ; et descend au ras de la bouche ovale, bée. Et, différence minime mais résultat important :  selon que les commissures sont réellement rondes ou légèrement pointues, elle exprime l'étonnement, l'agacement, etc. Quant aux cheveux, noirs toujours, ils peuvent pendouiller, raides comme des baguettes ; ou au contraire entourer le visage de leurs sages ondulations.  Des taches aléatoires, blanches ou noires, jetées sur les visages à grands traits nerveux, créent des reliefs sur lesquels joue la lumière. 

Inutile, donc, de chercher dans ces compositions, morphologies raffinées, narrations ou descriptions complaisantes. Seuls sont évidents ces visages face-à-face avec le visiteur, la fantaisie tendre et poétique de cette oeuvre éminemment personnelle. Tout se passe comme si, désireuse de rendre rémanents autant de souvenirs vivaces, d’impressions brèves fouettant comme des flashes son imaginaire, la peintre gardait en tête –au coeur aussi, vu la constance de son investissement pictural–, les caractères essentiels de l’être humain ; et, en toute simplicité, les restituait sur sa toile! 

          Elle offre de ce fait une oeuvre puissante et singulière ; obsessionnelle, répétitive mais sans cesse différente, grave, sincère  et tellement intime qu'elle traduit vraisemblablement son mal-être. Qui véhicule tant de psychologie qu'elle ramène Christine Remacle auprès des artistes bruts ; mais en même temps, par son chromatisme, sa stylisation et son goût du “portrait” le place dans la famille protéiforme des Expressionnistes.

Jeanine RIVAIS

 

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SEBASTIEN RUSSO  

 

VOIR AUSSI  : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "FANTAISIES ET FANTASMAGORIES CHEZ SEB RUSSO " : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique  FESTIVALS : BIZ'ART FESTIVAL : HAN-SUR-LESSE 2017. Pages des Nouveaux.